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Une belle histoire

Par Blogegide


Nous avons omis de signaler une vente ADER de lettres et manuscrits autographes du 18 juin dernier. On y a vu passer quatre pages et demie de la main de Gide consignant " Une belle histoire " a lui racontée " à Perpignan, en septembre 1940, par le Dr Nicolau ", qui la tenait lui-même de Roger Stéphane. Elle mérite d'être consignée ici tant elle est gidienne... jusque dans sa morale !

Une belle histoire


Lot 128
André GIDE (1869-1951).
Manuscrit autographe, Une belle histoire ; 4 pages et demie in-4 (4 ff. lignés détachés d'un cahier).
Curieux récit, avec d'importantes ratures et corrections. Une note en marge de la première page indique : " raconté à Perpignan, en septembre 1940, par le Dr Nicolau ".

" Je tiens cette histoire de Roger Stéphane. Il me l'a racontée l'autre soir, à Nice et me disait : voici longtemps que je la sais ; mais d'abord je pensais m'en servir et me la réservais. Ce n'est que depuis que j'ai renoncé à en tirer parti que je consens à la raconter ; la voici. Dans une petite ville de province, une fillette de six ans environ, enfant unique, était choyée par sa mère, qu'elle chérissait. Le père mourut laissant sa femme enceinte. Celle-ci crut bon de préparer la fillette à la venue d'un autre enfant. Ce ne fut pas chose facile, car la fillette se révoltait à l'idée de devoir partager les soins de l'amour maternel avec celui qu'elle considérait comme un intrus. [...] Rien n'y faisait. De penser qu'elle n'aurait plus sa mère toute à elle restait intolérable à l'enfant. [...] la mère, arrivée au terme de sa grossesse, accoucha d'un enfant mort-né. [...] La fillette à partir de ce jour devient inquiète, ombrageuse. Elle semble s'écarter de sa mère qui la cajole en vain. Elle ne mange presque plus. Elle s'étiole. Elle dépérit. [...] Enfin on a recours à un psychiatre éminent qui l'examine et l'interroge. Par lui pressée de questions, la fillette finit par avouer ceci : après que sa mère lui eut annoncé l'arrivée d'un petit frère et pour empêcher la venue au monde de celui-ci, elle se relevait la nuit, tandis que toute la maison dormait, descendait dans le jardin et, armée d'une longue aiguille à tricoter, transperçait l'un après l'autre chacun des choux du potager. À présent elle se sent responsable de la mort de ce petit frère ". La mère à son tour ne put bientôt plus supporter la fillette, " véritablement criminelle à ses yeux "... Un dialogue avec Roger Stéphane mène à la moralité : " Le mieux, voyez-vous, c'est de ne pas d'abord enseigner des choses fausses, fût-ce aux fillettes. La plus triste réalité est moins nocive que le mensonge "...

Estimation 1000€ - 1500€ (résultat n.c.)

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