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The Babadook – Ba Ba Ba, Ba Ba qui bêle

Par Julien Leray @Hallu_Cine

Il est une nouvelle fois fort tard. Il pleut à verse, et je suis là, fébrile, allongé dans mon plumard. Comme si les éléments s’étaient dit « allons-y de concert », voilà que gronde le tonnerre !

L’atmosphère est électrique, les halos de lumière pulsent puis déclinent, j’ai bien du mal à supporter la chaleur et la moiteur.

Dans ces circonstances, dans un élan réflexif d’une intense brillance, me dis-je donc « quoi de mieux qu’un bon film d’horreur ? »

Pas de gore qui fâche, ici on fait dans le cérébral, le psychologique qui tâche. L’hispanique, l’élégant, le stressant sans être terrifiant.

Le choix délicat se porte finalement sur The Babadook, un métrage si espagnol qu’il en est australien. Et canadien, oui, aussi.

Précédé d’une réputation plutôt flatteuse depuis son passage au Festival de Sundance, adoubé par William Friedkin en personne – comme Terminator : Genisys pour James Cameron…-, The Babadook reste cependant le premier film de l’illustre inconnue Jennifer Kent : la méfiance reste donc de mise.

La même méfiance que m’inspire cette porte de placard qui ne cesse de claquer pour je-ne-sais-quelle raison, et que les chats fixent sans cesse.

De drôles de bêtes que ces félins : toujours à voir des spectres malins. Dans l’armoire, sous le lit, les draps en plis, ou dans le couloir. Le regard figé, interrogateur, de quoi flanquer une belle frayeur.

Une frayeur somme toute enfantine : les fantômes ça n’existe pas on vous dit !

C’est exactement ce qu’affirme et répète à l’envi Amelia à son fils de six ans Samuel. Il faut dire que le petit a l’imagination fertile et une créativité débordante, mais aussi un certain penchant pour le malsain et le morbide.

Au sein d’un entourage aseptisé, lisse et congestionné, Samuel détonne. Pire, il ne se fond pas dans le moule, au grand dam et l’incompréhension de sa mère.

Père absent dites-vous ? Et pour cause ! Le pauvre Oskar décéda brusquement lors d’un accident de voiture, en amenant à l’hôpital sa bien-aimée sur le point d’accoucher.

De quoi vous marquer un rejeton, et une mère au comportement abscons.

Sa meilleure amie n’est pas loin de soupçonner, après quelques années,  un syndrome de Münchhausen mal digéré. Amelia, elle, n’a pas meilleure réaction à offrir qu’un « barrons-nous » de fort mauvais goût.

Un repli sur soi, une fuite en avant. Amelia se sent seule, et n’arrive pas à faire son deuil. Samuel, maladroit mais prévenant, le ressent : une tête à calotter, qui sait tout de même aimer.

Il la sollicite, réclame voire exige, capricieux, une attention de tous les instants : Amelia, elle, impuissante ou éprouvé comme tel, se tend. Et si bien qu’elle ne sent pas la menace monter, s’insinuer, se distiller.

Le Babadook, lui, le sait. Croque, croque, Mr Babadook, croque mitaines, et à sa main.

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Je me demande encore pourquoi je n’ai pas de nouveau regardé Vice-Versa. Croire en ses rêves, forger son imagination, maîtriser son camaïeu d’émotions, tout ça peut être conté avec douceur.

Au lieu de ça, je dois m’infliger une véritable horreur.

Non, ne partez pas, restez même près de moi ! Le film est bon, je suis glacé d’effroi !

Samuel demande à sa mère de lui raconter une histoire pour s’endormir. Oubliez Peau d’Âne ou Riquet à la houppe. Ce que sort Samuel de l’étagère n’est rien de moins qu’un Pop-up Storybook.

Mais oui, rappelez-vous : ces magnifiques ouvrages dont les illustrations jaillissent en trois dimensions. Tournez une page, puis une autre, puis une autre encore, et le relief du papier ne pourra que vous émerveiller.

Sauf que ça n’émerveille pas, mais alors vraiment pas Amelia. C’est simple, à ces idioties, ces monstres et ces fantasmes de petits, ne cherchez pas (et elle non plus) : elle n’y croit pas.

Et elle aura beau crier le moment venu comme Jamie Lee Curtis dans Halloween, le Babadook n’est pas Michael Myers : la vérité est ailleurs.

Pas sous les lattes de parquet du corridor. Encore moins derrière le miroir de la penderie : faut dire qu’il fait très fort. Caché dans la pénombre, Samuel le guette, Amelia le rejette. Grave erreur. Le Babadook se terre, là, juste là, dans son for intérieur.

Il la menace, lui fait peur : Samuel sait exactement ce qu’il est, et ne veut pas qu’elle meure.

Face au mal qui la ronge, Amelia aura deux choix : la démission et l’abandon, ou la rémission par rédemption.

Le Babadook, c’est Dupontel dans Le Bruit des Glaçons croisé avec le Jeeper Creeper et son minois fripon.

Il hante et harcèle, s’amuse à faire peur. Amelia est transie de terreur, et nous aussi ? A la bonne heure : le Babadook, Samuel aura beau le pointer du doigt, s’il inspire autant de frayeur, c’est avant tout parce qu’il vient du plus profond de soi.

De l’excellent au fantastique, une plongée dans l’horreur organique maîtrisée de bout en bout, à l’exception d’une fin un peu molle du genou.

Mais Ça, on serait un rien mal placé de le lui reprocher. Après tout, même Stephen King ne sait pas comment mener un récit jusqu’au bout.



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