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Les Francos Underground, l’autre visage des Francofolies

Publié le 21 juillet 2015 par Raymondviger

Entretien avec le rappeur Charles Trudel

La scène underground hip-hop

Delphine Caubet  Dossiers Culture, Rap,

Les Francos Underground : un festival underground réalisé en marge des Francofolies. Pendant 5 ans, de 1998 à 2002, Charles Trudel alias Rou Fou (son nom de rappeur) a travaillé sur l’événement. Rencontre avec le cofondateur du festival qui a permis de démocratiser la culture hip-hop.

Comment en es-tu arrivé à organiser un festival de culture hip-hop ?

C.T : Mon nom d’artiste c’est Rou Fou, j’ai 34 ans et je fais dans l’underground. J’ai commencé à organiser des événements assez jeune, vers 17 ans. Je cartais des gens, alors que je n’étais pas encore majeur. Avec d’autres artistes du milieu (MGM, Arnak, Dj Mini Rodz, Dj Crowd, Chilly D, Dj Wreck), nous avons été les premiers à importer du rap d’Europe, grâce à un gros label. À ce moment-là, il n’y avait pas de rap québécois.

Puis avec une petite équipe de 5, nous montions des événements hip-hop. On faisait ça dans des clubs, comme les Foufounes électriques par exemple. Il y avait une personne dans chaque élément du hip-hop (rap, graffiti, break-dance, DJ). Avant de se séparer, en 2000, nous étions 12 hommes et une femme à travailler sur les événements. Plus le Café Graffiti. Car, sans l’aide de Raymond Viger, Danielle Simard, et les jeunes du Café Graffiti (entre autres Bboy Skywalker, Squid et Fievel), rien de tout cela n’aurait été possible.

Entre 1998 et 2002, j’ai été le directeur artistique du Café, et j’organisais des événements. C’est moi, qui ai eu l’idée de proposer un projet aux Francofolies. Et le Café Graffiti m’a aidé à présenter un dossier bien structuré, par souci de professionnalisme. Et c’est ce qui nous a permis d’avoir une scène.

La première année aux Francos, on avait juste un tapis, un haut-parleur et un micro. Puis, progressivement le matériel a augmenté, comme notre notoriété. Pendant les 8 jours du festival, il y avait continuellement des animations hip-hop.

Pourquoi avoir choisi les Francofolies pour un festival underground ?

C’est un rap québécois, donc en Français. Et pour nous, un festival entièrement consacré à la francophonie était une chance.

C’était la première fois que des artistes émergeants pouvaient se produire devant un grand public. Et certains rappeurs québécois étaient déjà là. Comme Loco Locass. C’était une opportunité pour nous de faire découvrir nos artistes et la culture hip-hop.

Est-ce que les Francos Underground ont permis de populariser la culture hip-hop au Québec ?

Oui, la preuve. I AM va se produire au Québec avec un jeune artiste local en première partie. Avant nous, les Francofolies ne voulaient pas de rap québécois, ils cherchaient les talents en Europe. On a permis que ces arts soient reconnus.

Comme le graffiti par exemple. Pendant les Francos Underground, des panneaux étaient installés pour que des artistes viennent graffer. C’était légal comme façon de procéder, et c’était la première fois que cela se faisait. Pendant que les artistes graffaient sur nos murs, nous posions des questions aux spectateurs. Voir ce qu’ils en pensaient, ce qu’ils connaissaient,… On voulait les sensibiliser. Notre objectif était de montrer que le graffiti n’est pas de la délinquance, mais un art.

Comment faisiez-vous pour sensibiliser les spectateurs ?

À l’époque, nous voulions favoriser les marginalisés. Travailleurs ou artistes. L’idée était qu’ils s’expriment par la poésie.

Il y avait une volonté de faire du rap engagé. Pas nécessairement politique, mais qui ait du sens.

Donc, cela se ressentait dans les artistes qui se produisaient. Et il y avait des interventions auprès de la foule.

Nous souhaitions sensibiliser les jeunes également. À l’occasion du festival, le Café Graffiti embauchait une dizaine de jeunes par été. Et la charge de travail était lourde. Il fallait faire les chandails, les pamphlets, passer des coups de téléphone,… Et tous ces jeunes, c’était des marginaux.

Qui sait à quoi ils auraient passé leur été si le Café Graffiti ne les avait pas embauchés. C’est tous ces types de sensibilisation qu’on effectuait.

Il y a eu peu de publicités sur l’événement. C’est volontaire ?

Oui, tout à fait. Car, nous faisions la nôtre et selon nos moyens. Avec les revenus du Café Graffiti, on faisait des pamphlets. On a aussi participé à l’émission Au son de la rue, de CIBL. On fonctionnait beaucoup au bouche-à-oreille.

Comment a évolué le hip-hop depuis les Francos Underground ?

Le festival a été lancé en 1998. Depuis le hip-hop s’est popularisé. Mais c’est comme dans tout. Il y a du bon et du mauvais. Même si aujourd’hui, il y a davantage de « gangsters hip-hop »… enfin, ça a changé.

À mes débuts, il n’y avait pas internet. Et puis la cyberintimidation a commencé. Personnellement, je ne me suis pas laissé atteindre. Mais cela peut être difficile. Après un battle avec moi, Charles Mc Clure (un autre rappeur) a subi de l’intimidation. Le monde a ri de lui. Il a fini par se suicider… Les réseaux sociaux ont diminué le hip-hop. Il n’y a plus d’entre aides aujourd’hui.

Mais il reste quant même du bon hip-hop. Koriass par exemple. C’est du rap engagé qu’il fait et il est vraiment bon.

Comment faisiez-vous pour choisir les artistes ?

Avant, c’était essentiellement par le bouche-à-oreille. Les artistes apportaient leur démo au Café Graffiti. Nous les écoutions, puis choisissions ceux qui étaient déjà un peu connus. C’est un petit milieu, donc c’est signe de qualité si le rappeur a déjà une notoriété. Sauf, si bien sûr, il avait du talent, on lui laissait une chance lors de la journée à micro-ouvert. Car pendant le festival, nous souhaitions donner l’opportunité à tous d’essayer. Ce pour quoi était organisée la journée à micro-ouvert. C’est comme ça que je conçois le hip-hop. Ouvert. Et j’en ai vraiment gardé de bons souvenirs.

Pour les graffeurs, c’est un petit milieu également. Le bouche-à-oreille fonctionnait beaucoup. Ceux qui graffaient sur nos panneaux étaient volontaires. Il faut dire que c’était la première fois que les artistes pouvaient graffer légalement. Généralement, c’était les plus talentueux qui venaient. Comme Monk-e par exemple. L’idée était d’être ouvert à tous. Donc, si dans le public quelqu’un nous disait qu’il était graffeur, on le laissait s’installer et montrer son art. Puis à la fin du festival, toutes les toiles étaient revendues à des boutiques. Cela permettait de contribuer au financement.

Comment faisiez-vous pour vous financer ?

Les Francofolies ne nous aidaient pas. Sauf en 2002, puisque la scène leurs appartenait. Sinon, on se finançait à la débrouille. Par exemple, on n’avait pas le droit de distribuer des pamphlets, donc on les a imprimés sur nos chandails. Puis, il y avait les revenus du Café Graffiti, les ventes des toiles,…

Peux-tu résumer les Off-Francos ?

Oui. Les Francos Underground ont duré 4 ans. De 1998 à 2002. C’était environ 150 000 spectateurs par jour. L’idée était de montrer que le hip-hop est de l’art, et non du vandalisme. C’était l’apogée du hip-hop au Québec. Le festival a permis de découvrir des graffeurs comme Naes et Zek ou des rappeurs comme Cédrik et Manu Militari.

En quelques chiffres, les Francos Underground c’était 60 démos de rap par festival, entre 20 et 25 graffeurs, et plus de 150 artistes au total.

Aujourd’hui, le hip-hop est au milieu des autres spectacles des Francofolies. Et les artistes émergents n’ont plus une scène à eux. En fait, les Francos nous ont remplacés : elles produisent des artistes émergents, et recherchent de nouveaux talents. Mais le hip-hop a changé également. C’est de la dance hip-hop qu’ils font. Le hip-hop c’est toute une culture, un mode de vie. Ce n’est pas juste un style musical. Et puis, les Francos n’ont gardé que le vocal. Le graffiti a disparu du festival.

Le Queb et C-Drik (Complys)

Réorganiserais-tu un événement de culture hip-hop à l’avenir ?

Oui, pourquoi pas en refaire un à l’avenir. Mais avec le partenariat du Café Graffiti. Car c’est une bonne combinaison et ils ont le professionnalisme. Et puis, il faut une personne dans chaque élément de la culture hip-hop aussi. Ce serait à voir.

P.S. Plusieurs des artistes qui ont passé sur la scène des Off Francos se retrouvent aujourd’hui sur la scène du Ste-Cath: Le Queb, B.U…

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  • Graffiti: CyrilVilxMonk-e, Luc Bouchard, Fléo, Strike, Axe, Arpi, Fanny Aĩshaa, Toxic, Ruks, Hubert TherrienMan, Dr Shorty, Skiz,
  • Breakdance: Lazy Legz
  • Bandes dessinées: Ray Lengelé
  • Illustration: Mélanie Gauthier, Janie Richard, Lucie Latour, LEB, Stress, Jos, Brenda
  • Peinture: Leb, Nozerand
  • Photographie: AnnieNicole-Sophie V.Juan
  • Tatoueurs: PaskalamakVerom

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