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SOCIÉTÉ / SAVEURS > #foodporner : gastronome au centre de toute polémique

Publié le 23 juillet 2015 par Fab @fabrice_gil
Derrière un anglicisme affriolant, voire "porno" pour certains, se cache une curiosité prisée par de nombreux esclaves du hashtag : le #foodporn, pratique consistant à prendre en photo une assiette joliment dressée, avant même la première bouchée. C’est le règne du narcissisme, disent les réfractaires; Le summum du partage, rétorquent les enthousiastes. Bref, le phénomène s'invite à la table des plus grands restaurants et contribue à leur influence. Retour sur la perception d’une tendance loin d’être anodine.

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Photo ©Morgane Masson

A l’ère numérique, nos smartphones et autres tablettes sont devenus addictifs. Leurs utilisations respectives offrent la possibilité de rester connecter avec le monde entier et de diffuser, dans la foulée, un ou plusieurs clichés sur les réseaux sociaux. Quand il s’agit de cuisine, il est de bon ton de saliver sur une photo avec l’ensemble de ses followers, sans oublier l’inévitable hashtag #foodporn. A ce petit jeu-là, la concurrence est sévère : 50 millions de références sur Google, 22 millions d’occurrences sur Twitter et jusqu’à 180 millions de photos taguées sur Instagram. Des quantités astronomiques de plats "shootés", qui donne la nausée à certains grands chefs. L’étoilé Alexandre Gauthier (La Grenouillère) a décidé de bannir les photos de son restaurant ; L'objectif étant d'inciter ses hôtes à apprécier le plaisir gustatif, plus que son apparence digitale. "On tweete, on like, on commente, on répond. Et le plat est froid (…) On essaie de créer une parenthèse dans la vie de nos clients. Pour ça, il faut déconnecter du portable". Si l’agacement est partagé par nombre de ses pairs, il est loin d’être unanime. Ainsi, chez certains grands marmitons, il n’est pas étonnant de constater en cuisine qu’on instagrame, tweete ou facebooke des plats aux atours presque charnels. Dès lors, véritable hommage à la cuisine ou au contraire, insupportable manque de respect ?  

Un changement d'ampleur. Alors qu'auparavant, les plats étaient photographiés par des professionnels, tout convive peut désormais dégainer son appareil, ou le plus souvent son smartphone, pour faire "parler" son assiette à plusieurs milliers, voire millions, de websetteurs. Ce qui était classiquement reproduit selon des contraintes réglées -en plongée verticale pour mimer le panorama d’un hôte- est aujourd'hui capturé sous tous les angles, et les paramètres de réussite d'un plat en sont d'autant changés. Les ouvrages se multiplient sur le sujet, autour de la référence de longue date qu'est le Digital Food Photography de Lou Manna, édité en 2005. Entre conseils pratiques, détails techniques et recommandations culinaires, le bouquin s'est transformé en un véritable réseau social d'amateurs du genre. Mais ce type d'initiatives spécialisées n'est que le sommet de l'iceberg qu'est le grand partage de photos culinaires. Amusez vous à tapez food sur Instagram, le résultat est particulièrement impressionnant. #foodporn, quant à lui, revendique plus de 56,5 millions de moutonniers. Une belle affaire.
"Wired", magazine américain prescripteur en matière de nouvelles technologies, a interrogé les chefs du monde entier sur l'impact du #foodporn, lors du symposium "Terroir" organisé en mai dernier à Toronto. S'ils (les chefs) reconnaissent se soucier de l'aspect visuel de leurs compositions, ils soulignent néanmoins que cela a toujours fait partie du processus de création. Ned Bell, chef des cuisines de l'hôtel Four Seasons à Vancouver, confiait ainsi au journaliste Miguel Andrade : "Les chefs sont des artistes. Nous expérimentons et construisons l'assiette de telle manière à ce qu'elle soit belle (...). Est-ce que je pense à l'appareil quand je créé un plat ? Non. Mais s'il a l'air beau, je prendrai une photo". Aujourd’hui quelques chefs de renoms, tels Alain Ducasse ou Joël Robuchon, possèdent leurs propres comptes Instagram et Twitter pour présenter leurs créations. Au-delà de leur cuisine, certains sont même devenus de véritables stars sur les réseaux sociaux. Symbole d'une nouvelle génération de chefs digital-natives, ils affirment unanimement qu’ "iI n’y a pas de rôle sur Instagram. Partager une recette, un plat, quelque chose que l’on mange, une rencontre culinaire, un producteur, un gars qui fait de l’échalote au fin fond de la Bretagne aussi bien que De Niro qui va manger une pâtisserie… C’est toute cette vie culinaire qui est résumée, et c’est extraordinaire". Le #foodporn est-il aussi soluble en cuisine que la mode dans le champagne ? Question extrêmement grave, vous en conviendrez... En tout état de cause, son éphémèrité appelle à disparaître.FG

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