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Visite de Kaesong (1) – Le Parc

Publié le 05 juin 2008 par Fredo
J'ai eu la chance mercredi de pouvoir me rendre à Kaesong, une ville nord-coréenne (300 000 habitants) située à quelques kilomètres au nord de la DMZ – en 1945, la ville appartenait encore à la partie sud. Se trouvant près de Panmunjeom, Kaesong a été très partiellement ouverte aux touristes sud-coréens depuis fin 2007 ; ce point faisant partie des accords obtenus lors de la rencontre au sommet entre Kim Jong-Il et Roh Moo-Hyun en octobre 2007.
La visite a commencé par le parc industriel, situé à quelques kilomètres de la ville. C'est une zone économique spéciale, ouverte en 2003 en coopération avec les deux pays, et dans laquelle les entreprises du sud sont invitées à s'installer et à y investir.
C'est un sentiment très étrange que de passer la DMZ en bus, tout simplement, après un bref contrôle de passeport côté sud. Sans embouteillage, Kaesong n'est qu'à une heure de route de Séoul. On laisse son portable à la station de Dorasan, on remonte dans le bus, et zou ! on se retrouve déjà au beau milieu de la campagne nord-coréenne. En comparaison aux vols Air Koryo, on notera le progrès...
Aujourd'hui, 70 entreprises s'y sont installées ( en grande majorité sud-coréennes, plus deux chinoises et une allemande), pour une production variée : montres de luxe, produits de beauté, électronique, slips et soutifs, etc. Elles y emploient 28 500 nord-coréens et 1 000 sud-coréens, ces derniers gardant surtout des fonctions d'encadrement. La main d'œuvre nord-coréenne du parc est 2,5 fois meilleure marché que la main d'œuvre chinoise : le salaire moyen est de 70 dollars par mois. Il est versé aux autorités nord-coréennes, qui le redistribuent aux employés sous forme de monnaie locale et de coupons.
L'avantage pour les entreprises coréennes est évident : la main d'œuvre ne coûte presque rien, est éduquée, productive, et parle la même langue. Suffisamment d'attraits pour accepter les checkpoints et les procédures que l'on devine longues. Les produits fabriqués à Kaesong sont d'ailleurs l'objet de nombreux conflits lors des négociations d'accords de libre échange (ALE), notamment avec les Etats-Unis (pas encore ratifié) et l'Europe (en négociation) : faut-il les inclure dans ces ALE en tant que produits sud-coréens ?
Visite de l'entreprise Romanson (montres et bijoux). Au fond, tenant un téléphone, le contremaître (du sud).
Construit sous l'impulsion de Hyundai Asan (aussi organisateur des voyages à Kumgangsan), le parc est relié au sud pour son électricité et ses lignes téléphoniques, est desservi par une route et une voie de chemin de fer, et possède sa station de pompiers et son propre réseau d'assainissement ; plus anecdotique mais plus frappant, on y trouve aussi une banque (Woori), et quelques Family Mart. Au total, trois phases sont prévues, pour un projet final pharaonique : 40 km2, des appateuh pour les travailleurs du sud, des gratte-ciels, des hôtels, des salles de congrès, etc.
Une banque Woori, un Family Mart, et des Bongos presque neufs : malgré les apparences, on est au nord.
Les Sud-Coréens portent des jeans, les Nord-Coréens arborent les badges de leurs leaders, tout ce monde travaille ensemble et semble cohabiter sans problème. D'après les quelques échanges dont j'ai pu être témoin, on sent l'habitude, les liens personnels tissés. Certains Nord-Coréens croisés ont des attitudes étonnantes, car nouvelles pour moi : très ouverts, presque cools. J'ai vu un professeur (du sud) donner des cours de dessin technique assisté par ordi à des ouvrières (du nord). Sur les murs des ateliers, le consensuel 통일 (réunification), calligraphié, sert de seul décoration.
Le parc industriel de Kaesong m'est apparu comme un formidable laboratoire en vue d'une lointaine et hypothétique réunification. Un lieu où le sud et le nord ont enfin l'opportunité d'apprendre à travailler ensemble (même si pour le moment ce sont essentiellement des rapports de chef à subordonné), et à coopérer sur des projets industriels. Mélangeant un apport de capitaux, de technologie et de savoir-faire du sud-coréen, à la main d'œuvre appliquée et éduquée du nord, ce parc permet d'envisager la possibilité d'un décollage économique rapide de la Corée du Nord, si toutefois cette dernière parvient un jour à amorcer une ouverture politique et économique.
La suite au prochain épisode : Visite de Kaesong (2) – Le Cirque

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