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Laure Prètelat et Charlotte Allibert, fondatrices de Librinova.com: "nous sommes utiles"

Publié le 31 juillet 2015 par Montaigu

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Une rencontre professionnelle de deux jeunes femmes passionnées par le livre, partageant une vision commune de l’évolution du monde de l’édition avec l’arrivée de l’ère du numérique. Toutes les deux sont blondes, jolies et charmantes. Leur parcours prouve une certaine similarité : deux bonnes élèves, sérieuses préparant les concours des écoles de commerce pour se doter d’un maximum de possibilités de carrière. Reçues l’une et l’autre à HEC, elles faisaient face a priori à un destin qui semblait tout tracé. Charlotte (à droite sur la photo) a été embauchée par Laure et un scénario  à 4 mains a commencé à s’envisager.

librinova.com, service d’édition pour auteurs auto-édités est né en février 2014.

Le cabaret du père Lunette, lieu incontournable de la tournée des grands ducs au 19ème siècle, abrite cette start-up.

Aucune histoire d’entrepreneurs ne se ressemble, chacune a son originalité. Dans ce récit, nouvel article d’ un entrepreneur nous est conté, deux personnalités qui ont choisi l’aventure entrepreneuriale à deux, racontent ce qu’elles ont, l’une et l’autre, apportées à la corbeille de mariage.

Charlotte Allibert

J’ai choisi en dernière année d’HEC, la majeure Entrepreneur. Je fais partie d’une génération dans laquelle être entrepreneur est très valorisé. Je me sentais donc assez décomplexée sur le sujet.

J’ai apprécié mes années à HEC, je me suis notamment fait beaucoup d’amis et je me suis bien amusée… Mais je me sentais un peu perdue dans mon orientation professionnelle. J’avais envie de faire des choix qui me correspondent, même s’ils s’éloignaient potentiellement des standards et des canaux obligés. J’ai donc fait un premier stage dans le droit, dans un cabinet d’avocats d’affaires : trop de travail, de rigueur et de procédures et ça ne me convenait pas. J’ai effectué le 2ème au Vietnam dans le marketing opérationnel au sein d’une PME dotée de dirigeants très entrepreneurs.

J’étais, et je suis toujours, motivée par l’indépendance : être ma propre chef, et l’utilité : travailler sur des sujets auxquels je crois.

Mais une fois diplômée, je ne me sentais pas du tout prête à me lancer seule dans une aventure entrepreneuriale. Comme j’ai toujours aimé les livres et la lecture, j’ai décidé de me diriger vers l’édition. Je suis ainsi entrée en 2010 aux Editions First-Gründ, d’abord en tant que stagiaire, avant d’y être embauchée comme "responsable numérique", pour développer le secteur numérique qui en était à ses balbutiements.

C’est Laure qui m’a recrutée et j’ai travaillé avec elle pendant trois ans sur ce sujet. Au fur et à mesure de nos nombreuses discussions autour du sujet "édition classique vs numérique", nous avons pressenti qu’il y avait quelque chose à jouer. Les éditeurs traditionnels reçoivent environ 6000 manuscrits par an de nouveaux auteurs. Sur ce nombre ils ne peuvent en choisir plus de deux ou trois. Ce qui signifie qu’il existe sur le marché un important besoin de s’éditer. L’idée qui a germé progressivement était d’offrir à ces nouveaux auteurs la possibilité de publier leur livre en utilisant les ressources offertes par le net. Donc mettre à leur disposition, à la carte, tous les services liés à l’édition (réécriture, correction, création de couverture etc.) et les publier en ligne.  En fonction du succès rencontré par leurs ouvrages, les réintégrer ensuite dans la chaîne classique de l’édition en leur trouvant un éditeur.

Nous avons commencé à réfléchir à un projet de site. Rapidement il nous a fallu répondre à la question de savoir si ce projet allait éclore dans la société dans laquelle nous travaillions ou à l’extérieur. Quand il a fallu décider de nous lancer, j’étais inquiète, un peu indécise… je me souviens que j’ai appelé mon père qui m’a dit : "Vas-y, si tu ne le fais pas tu regretteras !". Je n’avais ni emprunt immobilier, ni enfant, donc….

Nous avons sauté le pas en janvier 2013, Librinova a été créé en juin de cette même année et nous avons intégré un incubateur d’entreprise de janvier 2014 à janvier 2015. 

Que dire de cette expérience pour moi ? Mon rapport au travail a changé. Je n’ai jamais la flemme d’aller travailler et je ne connais (presque) plus le blues du dimanche soir ! La hiérarchie,  ce n’est pas vraiment mon truc, j’aime être indépendante. Et par dessus tout, ce que je fais aujourd’hui est utile à des gens et c’est fondamental pour moi. Au quotidien, j’apprécie la variété des tâches, je touche à tout : les partenariats, les contacts avec les auteurs, le marketing, la presse. Je n’ai pas l’impression d’être très stressée et le fait d’être deux simplifie les choses  parce que nous sommes complémentaires, que nous avons la même ligne directrice et que nous avons un contact très simple.

Bien sûr la route reste longue mais quand je regarde en arrière, je trouve que nous avons déjà réalisé beaucoup de choses. Aujourd’hui, nous avons ouvert notre capital à des investisseurs et embauché une personne à temps plein. Nous changeons de dimension et l’échec potentiel devient donc grave parce que d’autres, vis-à-vis de qui nous avons une responsabilité, gravitent autour de Librinova. En tous cas, je suis heureuse et je ne regrette rien. Pour moi, la clé est de faire confiance à son intuition.

  

Laure Prètelat 

A l’issue de mes études à HEC, je n’avais pas de vocation particulière. J’avais choisi une majeure Finance par défaut, par curiosité intellectuelle aussi, mais sans avoir spécialement envie de travailler dans ce secteur. Je me suis finalement orientée vers le conseil en stratégie et j’ai intégré le cabinet de conseil Bain & Company. C’était très stimulant : les équipes étaient jeunes, rapidement on se voyait confier des responsabilités, les missions étaient variées mais la pression était très forte. Le hasard a fait que j’ai travaillé sur l’acquisition d’Editis par Wendel pendant quelques temps, j’ai trouvé ça passionnant.

Quelques mois plus tard, mon ancien manager chez Bain, qui avait été embauché depuis comme Directeur de la stratégie chez Editis, m’a proposée de le rejoindre. Le secteur de l’édition m’attirait particulièrement et j’ai donc accepté. J’ai été chargée pendant deux ans et demi de la stratégie et notamment des acquisitions externes. Le rythme était soutenu, ce qui ne me changeait guère de mon expérience du conseil, les projets d’acquisition et de développement nombreux, mais j’étais un peu frustrée de rester à l’extérieur du monde de l’édition, de ne pas être dans l’opérationnel. Or j’adore les livres. J’ai donc saisi l’opportunité de partir dans une maison du groupe et, en 2007, je suis devenue secrétaire général de l’entité First-Gründ. Le travail était énorme : j’avais en charge la RH, le juridique mais aussi tout l’aspect intégration et restructuration. C’était passionnant mais épuisant. J’avais 29 ans et cette expérience m’a beaucoup fait grandir, parfois dans la douleur, et m’a permis de comprendre que l’opérationnel était bien ma voie. Puis en 2008, mon poste a évolué et j’ai pris en charge la direction du développement de First-Gründ. J’ai beaucoup aimé cette période. Je m’occupais notamment des cession de droits à l’étranger, j’écumais les foires internationale. Et puis j’avais en charge le développement du numérique, sujet qui me passionnait : toute la réflexion avec les auteurs déjà publiés, les contenus, les catalogues, etc. J’ai pris Charlotte comme stagiaire et je l’ai ensuite embauchée. Bien qu’inscrite dans une relation hiérarchique, une amitié est née. Nous partagions le même bureau, nous avions une terrasse à notre disposition et nous avions de longues discussions sur l’émergence du numérique et ses conséquences pour l’édition classique.

Petit à petit un projet a émergé. Au moment où il devenait évident que  l’aventure se ferait en externe, on m’a proposé LE poste, la consécration pour l’HEC que j’étais : devenir DG adjointe d’une structure éditoriale importante, regroupant les Editions First-Gründ avec les Editions Plon et Perrin. J’ai eu 5 secondes d’hésitation. Mais en mon for intérieur, je savais que si je ne me décidais pas à franchir le pas de la création d’entreprise, je le regretterais toute ma vie. J’y suis donc allée !

On nous avait mis en garde, Charlotte et moi, contre le stress de l’entrepreneur ; ça n’a pas du tout été mon cas. Je suis beaucoup moins stressée que dans mes jobs précédents. Je ne suis plus  responsable du bien-être des autres et je me sens, du coup, libérée d’une angoisse que je trimballais depuis des années. Créer Librinova a fonctionné comme une vraie étape de développement personnel. Je suis sortie d’un carcan. J’ai acquis liberté et sérénité. Et alors que j’avais mis ma vie privée entre parenthèses depuis des années, j’ai rencontré mon mari au moment même où je démarrais Librinova, ce qui n’est certainement pas un hasard !

Je m’éclate dans ce que nous construisons, je travaille avec plaisir. J’ai gagné en ouverture d’esprit grâce aux nombreuses rencontres que nous avons faites, avec des gens dotés de profils très variés. Je suis extrêmement fière de ce que l’on a accompli avec Charlotte. Mon entourage a deux types de réactions : les regards admiratifs de ceux qui saluent cette prise de risque et ceux qui considèrent que je fais une crise d’ado et que je rentrerai un jour dans le droit chemin.

Notre grande force à Charlotte et moi est d’être totalement alignées. Sûrement parce que nous avons fait connaissance dans le monde du travail et avions donc l’habitude de travailler ensemble. Nous ne sommes jamais en conflit. A tel point que quand nous avons écrit les statuts, nous avons rédigé un pacte d’actionnaires pour envisager les sujets qui fâchent. Les passer en revue nous a suffi et nous ne l’avons jamais signé.

Cette expérience m’a prouvé que peu de choses me résistent si j’ai décidé d’aller jusqu’au bout.


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