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Comment nourrir la planète dans le contexte du réchauffement climatique ?

Publié le 01 août 2015 par Blanchemanche
#Agriculture #réchauffementclimatique #Consommation
Comment nourrir la planète dans le contexte du réchauffement climatique ?
Le lac tchad, le 6 avril. (Photo PHILIPPE DESMAZES. AFP)

CLAIRE LEFEBVRE31 JUILLET 2015
Agriculteurs, agronomes, sociologues, économistes, syndicats et militants de la cause écologique ou altermondialiste expliquent comment l’agriculture devra s’adapter pour répondre à cette problématique.
« LE POTENTIEL D’AUGMENTATION DE LA PRODUCTION SE TROUVE AU SUD »Aurélie Trouvé, 35 ans, ingénieur agronome, maître de conférences en économie, co-présidente du conseil scientifique d’Attac« Il faut prendre conscience que ce ne sont pas l’Europe et les Etats-Unis qui nourriront la planète en 2050. Tout d’abord parce qu’il devient très coûteux d’y accroître les rendements. Ensuite parce que des contre-effets commencent à se faire ressentir avec la résistance des plantes aux pesticides, la disparition des abeilles, etc. Le potentiel d’augmentation de la production se trouve au sud. Grâce à l’agro-écologie, ces pays peuvent accroitre considérablement leur productivité, ce qui tombe bien parce que c’est sous ces latitudes que la population augmentera le plus. Mais pour cela, il faut que les Etats se responsabilisent, et renoncent aux accords de libre échange. Partout, y compris en France, la suppression des droits de douane détruit les petits producteurs, en les rendant incapables de rivaliser avec des produits standardisés fabriqués à grande échelle. »« Nous produisons assez pour nourrir 12 milliard d’êtres humains »Jean-Pierre Poulain, sociologue, professeur à l’université de Toulouse Jean Jaurès, titulaire de la chaire « Food Studies : Food, Cultures and Health »« Nous produisons aujourd’hui assez de nourriture pour 12 milliard d’êtres humains. Le problème ne tient donc pas à la disponibilité des aliments mais à leur accessibilité. Le modèle qui consistait à produire dans une zone de la planète, à transformer dans une seconde et consommer dans une troisième, a des conséquences économique et environnementales qui lui font perdre sa pertinence. Nous devrons relocaliser autant que possible la production et cesser de donner à manger aux animaux ce qui peut être mangé par l’homme. L’autre levier, c’est le gaspillage. Un tiers de la nourriture produite est perdu parce qu’elle n’est pas conforme aux standards de l’industrie ou à cause de problèmes de stockage. Il faut que cela change. »« La nourriture doit cesser d’être vue comme une marchandise banale »Alain Berger, ingénieur agronome, docteur en sciences économiques et commissaire général français pour Expo 2015 à Milan« Cela fait des années que l’on considère la nourriture comme une marchandise banale. On a créé des accords de libre échange, indexés les prix sur les cours mondiaux, au détriment de l’environnement mais aussi des producteurs, et de la santé des consommateurs ! Car un steak haché moins cher, c’est d’abord un steak haché fabriqué avec plus de gras. La clé se trouve dans une revalorisation de la nourriture. Le consommateur doit accepter de payer plus cher ce qu’il mange s’il veut que les choses évoluent. Quelques centimes de plus suffiraient à changer beaucoup de choses ! » « Il faut un changement de culture au niveau institutionnel »Cyril Dion, co-fondateur et porte-parole du mouvement Colibris« L’argument selon lequel une agriculture plus locale et biologique ne parviendrait pas à nourrir l’humanité ne tient pas. A l’échelle planétaire, 70% de notre nourriture vient de petits paysans - les grosses exploitations produisant surtout de la nourriture fourragère, des agrocarburants et des matières premières pour l’industrie (amidon, coton, bois, papier, etc.). En créant un tissu de petites exploitations travaillant en permaculture ou en agro-écologie et de manière complémentaire, un nouveau modèle est possible, au nord comme au sud. Mais pour y parvenir, il faudrait que citoyens, agriculteurs et politiques le soutiennent et cessent d’alimenter les mastodontes de l’agroalimentaires. »« La France doit miser sur une agriculture de qualité »Marc Dufumier, agronome, enseignant-chercheur à la chaire d’agriculture comparée et de développement agricole à AgroParisTech« Il faut arrêter de croire que les agriculteurs Français peuvent faire face à des géants comme l’Ukraine pour le blé ou l’Allemagne pour la viande. Pour survivre, ils doivent miser sur la qualité. Et pour cela, l’agro-écologie offre des perspectives très encourageantes. Elle consiste à cultiver les plantes dans des écosystèmes leur permettant d’être autosuffisantes en eau, azote, phosphore, etc., et apportant les solutions biologiques aux nuisibles : coccinelles contre les pucerons, scarabées contre les limaces, etc. Moins coûteuse et moins polluante, cette technique peut offrir des rendements équivalents à ceux de l’agriculture conventionnelle, en quelques années. Et elle peut d’emblée accroître les productions alimentaires dans les pays du sud, où l’agriculture est encore manuelle et familiale. »« Il faut réfléchir de manière dépassionnée aux OGM »Céline Imart, vice-présidente des Jeunes Agriculteurs, productrice de céréales et de semences dans le Tarn« L’agriculture doit s’ouvrir aux nouvelles technologies car elles seules sont capables de réconcilier de manière efficace durabilité et productivité. Cela passe par les green-data et les outils satellitaires, permettant de mieux doser les intrants, mais aussi par les biotechnologies. Les techniques de biocontrôle (que l’on retrouve aussi dans le bio) permettent par exemple de remplacer l’utilisation de produits phystosanitaires par celle d’insectes, invertébrés, acariens ou nématodes. Il faudrait également ouvrir une réflexion dépassionnée sur les OGM de 2e et 3e génération. Certains sont capables de se nourrir eux-mêmes en fixant l’azote de l’air à la manière du soja. Leur utilisation éviterait donc à l’agriculteur de devoir épandre certains engrais. Ce qui là encore, veut dire moins de coûts, moins de CO2 et moins d’intrants. »« Les dérèglements climatiques augmentent la volatilité des cours, et cela menace directement les exploitants » Christiane Lambert, vice-présidente de la FNSEA et éleveuse de porcs dans le Maine-et-Loire« La transition de l’agriculture vers des pratiques plus écologiques est nécessaire car les dérèglements climatiques augmentent la volatilité des cours, et cela menace directement les exploitants. Mais pour cela, il faut maintenir les politiques d’accompagnement des agriculteurs car cette évolution coûte cher et prend du temps. Il faut aussi veiller à ce que la concurrence soit équitable : lorsque des pays européens font du dumping social avec salaires précaires ou proposent avec des aliments fabriqués à partir de produits phytosanitaires non homologués dans notre pays, il y a distorsion de concurrence et danger pour les petits exploitants. »

Claire LEFEBVREhttp://www.liberation.fr/evenements-libe/2015/07/31/comment-nourrir-la-planete-dans-le-contexte-du-rechauffement-climatique_1357049

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