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[Critique] NOS FUTURS

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] NOS FUTURS

Note: ★★★★☆

Origine : France
Réalisateur : Rémi Bezançon
Distribution : Pio Marmai, Pierre Rochefort, Mélanie Bernier, Camille Cottin, Kyan Khojandi, Laurence Arné, Roxane Mesquida, Zabou Breitman…
Genre : Drame/Comédie
Date de sortie : 22 juillet 2015

Le Pitch :
Bien installé dans une vie morose, Yann se laisse porter par une mélancolie envahissante, allant même jusqu’à mettre en péril son couple. Un jour, sur un coup de tête, il décide de reprendre contact avec Thomas, son meilleur ami d’enfance. Thomas qui, par contre, n’a pas changé. Toujours fêtard et toujours immature, il propose à Yann de ressusciter la magie de leurs années lycée, en organisant une super fête avec tous leurs anciens camarades de classe. Tout d’abord réticent, Yann finit par accepter de bon cœur…

La Critique :
Enfant chérie du cinéma hexagonal, le réalisateur Rémi Bezançon a su attirer l’attention avec Le Premier Jour du Reste de ta Vie, puis faire de chacune de ses nouvelles livraisons de petits événements. Coincé entre deux blockbusters estivaux Marvel, son dernier né ne débarquait pas dans un terrain à priori propice à la somme de thématiques fétiches de son auteur. Pourtant, porté par une promo axée sur la déconne et sur une nostalgie évoquant le cinéma de Judd Apatow et de toute sa bande, Nos Futurs semblait annoncer un virage dans la filmographie de Bezançon. Avait-il volontairement choisi l’été pour dévoiler un nouveau visage, à 100% tourné vers la comédie potache ? Une question qui appelle une réponse pleine de nuances et à laquelle nous ne répondrons pas totalement ici.

Nos Futurs débute comme une déclinaison « rive gauche » du Dernier Pub avant la Fin du Monde, d’Edgar Wright. Le tout, avec beaucoup moins de bière et pas d’aliens du tout. On voit un type blasé, empêtré dans sa routine, adulte bien comme il faut, retrouver son pote d’enfance qui de son côté, n’a pas évolué, picole comme un trou, fait la fête et vit globalement comme un adolescent attardé. Le mec a même le Minitel. On s’en doute, le but est probablement d’opposer deux personnages autrefois proches mais aujourd’hui diamétralement différents, pour les aider à changer positivement sans tomber dans les extrêmes. Edgar Wright avait complètement réussi son film, en brodant sur le sujet, avant de partir dans un délire s.f. référentiel, un peu à la manière de certaines productions Apatow, ou de films proches comme C’est la Fin, dans lesquels la nostalgie tient le rôle central. Rémi Bezançon, qui à priori, n’a pas spécialement le truc pour verser dans un humour à la fois gras et dévastateur mais aussi porteur d’un sous-propos profond et fédérateur, part certes d’une base narrative similaire, mais s’empresse de tracer sa propre route et d’imposer un sens de la comédie non seulement drôle (c’est la base), mais aussi remarquablement rythmé et propice à l’identification et donc à l’empathie.

Nos-Futurs-Mélanie-Bernier

Si Nos Futurs est aussi bon, car vous pouvez croire qu’il l’est vraiment, c’est aussi grâce à ses acteurs. En première ligne, Pio Marmai est impeccable. Chien fou, tendre, taquin, il incarne la parfaite illustration du pote que tout le monde aimerait avoir. Il est bon de rappeler que le comédien reste l’un des meilleurs du cinéma français. À ses côtés, Pierre Rocheford prouve quant à lui que le talent est parfois héréditaire, tant on retrouve chez lui la classe nonchalante de son père et cette étonnante capacité d’adaptation. Mélanie Bernier ensuite, crève l’écran à chacune de ses apparitions, à tel point qu’on se demande quand est-ce que le monde va se réveiller et la propulser à la place qu’elle mérite depuis bien longtemps, à savoir au sommet. Non seulement belle à tomber à la renverse, ultra charismatique, l’actrice capte la lumière avec un naturel propre aux plus grands. Elle est là et finalement, il n’y a rien d’autre à ajouter.
Un trio aux petits oignons donc, soutenu par une escouade de seconds rôles, dont la plupart assurent parfaitement leur position, de la trop rare Roxane Mesquida à la « Conasse » de Canal +, Camille Cottin, en passant par Kyan « Bref » Khojandi.

Porté par une mélancolie relayée par une bande-originale pertinente, Nos Futurs débute malgré tout comme une bonne vieille comédie, quelque part entre la recette yankee et la tradition franchouillarde du vaudeville. Situations comiques, références à la pop culture, Nos Futurs tire aussi allègrement sur la corde « nostalgie » en faisant de réguliers allers-retours dans le passé. Les trentenaires apprécieront. Encore une fois, plus le film avance et plus l’identification fonctionne, en tablant en permanence sur la question que tout le monde ou presque s’est posée tôt ou tard : et au fait, qu’est-ce qu’il est devenu lui depuis le lycée ? On rigole, parfois beaucoup, et doucement, notamment quand il se transforme en road movie plein de tendresse, le long-métrage se métamorphose. Miraculeusement, alors qu’il change et dévoile ses vraies intentions, Nos Futurs nous démontre par la même occasion à quel point il en a dans le bide. Contrairement à des films similaires comme par exemple Les Petits Mouchoirs, de Guillaume Canet, il tient la route jusqu’au bout. Rémi Bezançon joue à l’équilibriste, ne sacrifie pas son intégrité sur l’autel de la comédie trash, et passe du rire aux larmes avec un brio exemplaire, notamment lorsqu’il vire à 180 degrés avant d’aller trop loin, que ce soit dans le drame, au détours de souvenirs d’enfance douloureux, ou dans le rire, avant d’aller dans le mur avec la vanne de trop. Sans crier gare, le film touche au vif, durablement, et démontre d’une intelligence rare. De ce côté de l’Atlantique, et tant qu’on y est, de l’autre aussi.
Conscient que son métrage tient sa pertinence et son unité en partie de ses références, avouées clairement ou plus difficiles à discerner, Bezançon paye son tribu mais conserve sa patte. Difficile d’en dire plus sans trop en dévoiler. Pour tout savoir, il va falloir pousser la porte de votre cinéma. Vous préparer à bien vous marrer, à avoir envie de ressortir les vieilles photos, et à ressentir une émotion bien réelle car connectée à des sentiments universels auxquels il est difficile de rester insensible. Avant tout destiné aux jeunes trentenaires, Nos Futurs sait aussi imposer son propos à un niveau plus large. Il surprend. Dans le bon sens et devrait gagner de la valeur au fil des visions. À coup sûr l’un des meilleurs film français de l’année.

@ Gilles Rolland

Nos-Futurs-Pierre-Rochefort-Pio-Marmai
Crédits photos : Gaumont Distribution


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