Magazine Société

Lettre ouverte aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes par Charb

Publié le 08 août 2015 par Chezfab

livre,politique,charb,réflexion,laïcité,islamophobie,haine,racisme,pensée,postume,vie,charlie hebdo

Aux éditions Les Echappés.

Quelques jours avant d’être lâchement assassiné avec d’autres compagnons de route lors de l’attentat de Charlie Hebdo, Charb avait terminé une lettre ouverte. Ouverte, parce que depuis toujours Charb portait la notion de dialogue comme seule option acceptable pour vivre ensemble. Ouverte donc, parce qu’elle attendait une réponse, des réponses, à ses arguments.

Charb n’aimait pas les faux semblants. Il l’avait démontré pages après pages, dessins après dessins, dans Charlie et ailleurs. Il était du genre direct, mais cool. De ces mecs qu’on ne connait pas personnellement mais que l’on sait assez ouvert d’esprit pour ouvrir un dialogue franc et clair, autour d’une bonne bière ou d’un jus bio, et avec qui on pourrait refaire le monde cent fois.

Mais Charb n’est plus, parce que certains ont décidé qu’au dialogue mieux valait quelques coups de Kalachnikov. Mortels.

Mais parlons du livre. D’où vient-il ce livre ? D’une réponse qu’il jugeait nécessaire aux accusations d’islamophobie qu’ils subissaient, lui et « son journal » dont il était le rédacteur en chef. Parce qu’il pensait, à tort peut être diront certain, qu’on pouvait encore raisonner avec des mots.

Donc Charb, dans son livre, dresse des bilans. Et ouvre des pistes de raisonnement.

Le premier bilan, il le fait sur l’origine de la vague de haine contre l’islam en France, et d’où elle est partie. Et il rappelle que ce n’est clairement pas le petit journal lu par 20000 personnes maximum qui en est responsable, mais bien l’instrumentalisation des peurs par le pouvoir, et en particulier par Sarkozy, candidat puis président de la république. Je vais mettre entre guillemets quelques extraits de son livre pour illustrer.

« En France, la parole raciste a été largement libérée par Sarkozy et son débat sur l'identité nationale. Lorsque la plus haute autorité de l'État s'adresse aux cons et aux salauds en leur disant : "lâchez-vous, les gars", que croyez-vous que font les cons et les salauds ? Ils se mettent à dire publiquement ce qu'ils se contentaient, jusque-là, de beugler à la fin des repas de famille trop arrosés. "

Ensuite, il interroge le concept fourre-tout d’islamophobie. Ce mot que l’on met à toutes les sauces, qui sert aussi bien à désigner un racisme, qu’à protéger une religion. Ce qui n’est clairement pas la même chose.

« Les militants communautaristes qui essaient d'imposer aux autorités judiciaires et politiques la notion d''islamophobie' n'ont pas d'autre but que de pousser les victimes de racisme à s'affirmer musulmanes (…) Si demain les musulmans de France se convertissent au catholicisme ou bien renoncent à toute religion, ça ne changera rien au discours des racistes : ces étrangers ou ces Français d'origine étrangère seront toujours désignés comme responsables de tous les maux. »

On le voit, il revient à une vision matérialiste et claire de la notion de racisme, expliquant que l’islam n’est qu’un prétexte. C’est en cela que je le rejoins parfaitement. Charb ne niait à aucun moment que des racistes instrumentalisent l’Islam pour masquer leur haine, ni que des actes anti-musulmans existent, mais il rappelait que le racisme est avant tout la haine de l’autre, du différent aux yeux du crétins.

Il enfonçait le clou par une description claire de la notion de « phobie » qui n’est pas une notion fluide pour mener des combats contre. Car avoir peur est un droit…

« Avoir peur de l'islam est sans doute crétin, absurde, et plein d'autres choses encore, mais ce n'est pas un délit. (…) le problème, ce n'est ni le Coran ni la Bible, romans soporifiques, incohérents et mal écrits, mais le fidèle qui lit le Coran ou la Bible comme on lit la notice de montage d'une étagère Ikea. »

D’ailleurs, il ne manque pas de souligner le rôle mortifère des médias dans tout cela, et tacle au passage la fainéantise intellectuelle des journalistes, mais aussi des universitaires / penseurs d’une certaine gauche.

« C'est parce que les médias ont décidé que la republication des caricatures de Mahomet ne pouvait que déclencher la fureur des musulmans qu'elle a déclenché la colère de quelques associations musulmanes. »

Là où je rejoins totalement sa pensée, universaliste, c’est quand il se refuse à parler avec mépris des « migrants » ou autre, et surtout quand il fustige la condescendance et le paternalisme d’une certaine gauche.

« En vertu de quelle théorie tordue l'humour serait-il moins compatible avec l'islam qu'avec n'importe quelle autre religion ? (…) Si on laisse entendre qu'on peut rire de tout, sauf de certains aspects de l'islam parce que les musulmans sont beaucoup plus susceptibles que le reste de la population, que fait-on, sinon de la discrimination ? Il serait temps d'en finir avec ce paternalisme dégueulasse de l'intellectuel bourgeois blanc 'de gauche' qui cherche à exister auprès de 'pauvres malheureux sous-éduqués'. »

Et pour finir, et là aussi je le rejoins, il refuse ce parallèle fumeux entre islamophobie et antisémitisme, en particulier celui porté par le PIR ou autre, qui parle de l’islamophobie comme de l’antisémitisme du 21 ème siècle. Tout simplement parce que les deux ne sont pas comparables. Tout simplement parce que le contexte n’est pas le même.

« En 1931, existait-il un terrorisme international qui se réclamait du judaïsme orthodoxe ? Des djihadistes juifs menaçaient-ils d'instaurer l'équivalent de la charia en Libye, en Tunisie, en Syrie, en Irak ? Un rabbin Ben Laden avait-il envoyé un biplan s'écraser contre l'Empire State Building ? (…) Non, l'islamophobie n'est pas le nouvel antisémitisme. Il n'y a pas de nouvel antisémitisme, il y a ce vieux, hideux et immortel racisme. Un racisme dont sont victimes des populations d'origine musulmane. »

Je vous invite à lire ce livre, car le survol que j’ai fait ici ne rends sans aucun doute pas justice à la réflexion globale, à l’universalisme, à l’amour qui transpire dans ces lignes. Vous l’aurez compris, je partage bien des idées que Charb développe dans cette lettre.

Et je dois avouer qu’en refermant le livre, je n’ai pas pu me retenir d’avoir les larmes aux yeux. Larmes qui disaient simplement qu’un mec comme cela, qu’une pensée comme celle-ci, nous manque, nous manquera. Charb était un sacré empêcheur de penser en rond. Ses dessins, son humour, ses écrits nous manqueront.

Mais je me demande si une réponse sera faite à ce livre ou pas. En attendant, il ne tient qu’à nous de faire vivre un peu de cette utopie de vivre ensemble qu’il portait. Ce vivre ensemble où l’identitaire cède le pas à une chose plus simple : le respect de son égal dans la fraternité.

livre,politique,charb,réflexion,laïcité,islamophobie,haine,racisme,pensée,postume,vie,charlie hebdo

Aux éditions Les Echappés.

Quelques jours avant d’être lâchement assassiné avec d’autres compagnons de route lors de l’attentat de Charlie Hebdo, Charb avait terminé une lettre ouverte. Ouverte, parce que depuis toujours Charb portait la notion de dialogue comme seule option acceptable pour vivre ensemble. Ouverte donc, parce qu’elle attendait une réponse, des réponses, à ses arguments.

Charb n’aimait pas les faux semblants. Il l’avait démontré pages après pages, dessins après dessins, dans Charlie et ailleurs. Il était du genre direct, mais cool. De ces mecs qu’on ne connait pas personnellement mais que l’on sait assez ouvert d’esprit pour ouvrir un dialogue franc et clair, autour d’une bonne bière ou d’un jus bio, et avec qui on pourrait refaire le monde cent fois.

Mais Charb n’est plus, parce que certains ont décidé qu’au dialogue mieux valait quelques coups de Kalachnikov. Mortels.

Mais parlons du livre. D’où vient-il ce livre ? D’une réponse qu’il jugeait nécessaire aux accusations d’islamophobie qu’ils subissaient, lui et « son journal » dont il était le rédacteur en chef. Parce qu’il pensait, à tort peut être diront certain, qu’on pouvait encore raisonner avec des mots.

Donc Charb, dans son livre, dresse des bilans. Et ouvre des pistes de raisonnement.

Le premier bilan, il le fait sur l’origine de la vague de haine contre l’islam en France, et d’où elle est partie. Et il rappelle que ce n’est clairement pas le petit journal lu par 20000 personnes maximum qui en est responsable, mais bien l’instrumentalisation des peurs par le pouvoir, et en particulier par Sarkozy, candidat puis président de la république. Je vais mettre entre guillemets quelques extraits de son livre pour illustrer.

« En France, la parole raciste a été largement libérée par Sarkozy et son débat sur l'identité nationale. Lorsque la plus haute autorité de l'État s'adresse aux cons et aux salauds en leur disant : "lâchez-vous, les gars", que croyez-vous que font les cons et les salauds ? Ils se mettent à dire publiquement ce qu'ils se contentaient, jusque-là, de beugler à la fin des repas de famille trop arrosés. "

Ensuite, il interroge le concept fourre-tout d’islamophobie. Ce mot que l’on met à toutes les sauces, qui sert aussi bien à désigner un racisme, qu’à protéger une religion. Ce qui n’est clairement pas la même chose.

« Les militants communautaristes qui essaient d'imposer aux autorités judiciaires et politiques la notion d''islamophobie' n'ont pas d'autre but que de pousser les victimes de racisme à s'affirmer musulmanes (…) Si demain les musulmans de France se convertissent au catholicisme ou bien renoncent à toute religion, ça ne changera rien au discours des racistes : ces étrangers ou ces Français d'origine étrangère seront toujours désignés comme responsables de tous les maux. »

On le voit, il revient à une vision matérialiste et claire de la notion de racisme, expliquant que l’islam n’est qu’un prétexte. C’est en cela que je le rejoins parfaitement. Charb ne niait à aucun moment que des racistes instrumentalisent l’Islam pour masquer leur haine, ni que des actes anti-musulmans existent, mais il rappelait que le racisme est avant tout la haine de l’autre, du différent aux yeux du crétins.

Il enfonçait le clou par une description claire de la notion de « phobie » qui n’est pas une notion fluide pour mener des combats contre. Car avoir peur est un droit…

« Avoir peur de l'islam est sans doute crétin, absurde, et plein d'autres choses encore, mais ce n'est pas un délit. (…) le problème, ce n'est ni le Coran ni la Bible, romans soporifiques, incohérents et mal écrits, mais le fidèle qui lit le Coran ou la Bible comme on lit la notice de montage d'une étagère Ikea. »

D’ailleurs, il ne manque pas de souligner le rôle mortifère des médias dans tout cela, et tacle au passage la fainéantise intellectuelle des journalistes, mais aussi des universitaires / penseurs d’une certaine gauche.

« C'est parce que les médias ont décidé que la republication des caricatures de Mahomet ne pouvait que déclencher la fureur des musulmans qu'elle a déclenché la colère de quelques associations musulmanes. »

Là où je rejoins totalement sa pensée, universaliste, c’est quand il se refuse à parler avec mépris des « migrants » ou autre, et surtout quand il fustige la condescendance et le paternalisme d’une certaine gauche.

« En vertu de quelle théorie tordue l'humour serait-il moins compatible avec l'islam qu'avec n'importe quelle autre religion ? (…) Si on laisse entendre qu'on peut rire de tout, sauf de certains aspects de l'islam parce que les musulmans sont beaucoup plus susceptibles que le reste de la population, que fait-on, sinon de la discrimination ? Il serait temps d'en finir avec ce paternalisme dégueulasse de l'intellectuel bourgeois blanc 'de gauche' qui cherche à exister auprès de 'pauvres malheureux sous-éduqués'. »

Et pour finir, et là aussi je le rejoins, il refuse ce parallèle fumeux entre islamophobie et antisémitisme, en particulier celui porté par le PIR ou autre, qui parle de l’islamophobie comme de l’antisémitisme du 21 ème siècle. Tout simplement parce que les deux ne sont pas comparables. Tout simplement parce que le contexte n’est pas le même.

« En 1931, existait-il un terrorisme international qui se réclamait du judaïsme orthodoxe ? Des djihadistes juifs menaçaient-ils d'instaurer l'équivalent de la charia en Libye, en Tunisie, en Syrie, en Irak ? Un rabbin Ben Laden avait-il envoyé un biplan s'écraser contre l'Empire State Building ? (…) Non, l'islamophobie n'est pas le nouvel antisémitisme. Il n'y a pas de nouvel antisémitisme, il y a ce vieux, hideux et immortel racisme. Un racisme dont sont victimes des populations d'origine musulmane. »

Je vous invite à lire ce livre, car le survol que j’ai fait ici ne rends sans aucun doute pas justice à la réflexion globale, à l’universalisme, à l’amour qui transpire dans ces lignes. Vous l’aurez compris, je partage bien des idées que Charb développe dans cette lettre.

Et je dois avouer qu’en refermant le livre, je n’ai pas pu me retenir d’avoir les larmes aux yeux. Larmes qui disaient simplement qu’un mec comme cela, qu’une pensée comme celle-ci, nous manque, nous manquera. Charb était un sacré empêcheur de penser en rond. Ses dessins, son humour, ses écrits nous manqueront.

Mais je me demande si une réponse sera faite à ce livre ou pas. En attendant, il ne tient qu’à nous de faire vivre un peu de cette utopie de vivre ensemble qu’il portait. Ce vivre ensemble où l’identitaire cède le pas à une chose plus simple : le respect de son égal dans la fraternité.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Chezfab 4794 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine