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Une véritable vision de la France

Publié le 08 août 2015 par Regard

Il s’agit du discours prononcé le 9 juin 1959 devant les promotions 1957 et 1958 réunies dans l’amphi Arago. (cf Charles de Gaulle  »Discours et Messages », Tome 3 « Avec le renouveau 1958-1962″, Plon, p.94)

: un message du Général de Gaulle

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Messieurs, j’ai l’honneur de vous saluer.

Mettez-vous au repos, s’il vous plaît et asseyez-vous.

Je vois que l’X comme la France, est en pleine évolution.

L’X, comme la France, est vieille, et, en même temps, elle est toute neuve.

Polytechnique, comme la France, reste elle-même à travers tous les changements.

Je ne veux pas manquer de rendre hommage à tout ce qui fut fait ici et à tout ce que fut l’École polytechnique depuis l’origine. Je le fais avec respect, avec émotion. L’État a voulu que l’École donnât à ses élèves une haute culture scientifique et qu’elle les préparât à devenir des hommes qui seraient des cadres supérieurs pour la Nation. Et, en effet, c’est ce qui est arrivé.

C’est pourquoi je tiens à saluer cette réussite séculaire.

Il faut dire que Polytechnique a eu la chance, naguère, de trouver deux

éléments essentiels qui ont été extrêmement favorables à son caractère

et à son développement. D’abord il se trouvait qu’elle s’est recrutée,

qu’elle a vécu, qu’elle a rayonné, en un temps où la France était,

voulait être et devait être une grande puissance militaire.

En un temps où, par conséquent, une notable partie de l’élite nationale et,

du même coup, bon nombre de Polytechniciens faisaient carrière dans les rangs de l’Armée. À ce point de vue, il est vrai que, surtout après les longues années qui ont suivi le désastre de 70, un grand nombre de vos anciens ont participé à cette volonté profonde du peuple français d’effacer l’humiliation.

Et puis, c’était le temps même où les transformations de l’énergie, des

transports, des communications, des fabrications, étaient essentielles,

après l’ère uniquement agricole et artisanale. Alors, les grands Corps :

des Mines – des Ponts et Chaussées – des Ports – des Chemins de Fer –

des Postes – des Télégraphes et Téléphones – des Fabrications d’armement –

des Constructions et de l’Artillerie navales… ces grands Corps ont été

les champs d’action, les royaumes, des Polytechniciens. Vos anciens y ont

déployé une immense valeur. Ils ont été beaucoup critiqués pour leurs défauts, pour leurs soi-disant défauts, mais, au total, depuis le jour où la Convention Nationale a décrété la naissance de l’École Polytechnique jusqu’au jour où Joffre, Foch, Fayolle défilèrent sous l’Arc de Triomphe, l’École a bien servi la France. Et maintenant, dans notre temps tel qu’il est et tel qu’il devient, la France en appelle, encore une fois à l’École polytechnique.

Mais les conditions dans lesquelles nous vivons, l’essor incroyable de notre

ère industrielle et tout ce qui s’y rattache en fait de techniques, de

recherches, de réalisations, tout ce qui s’y rapporte d’énergie, de masse,

de vitesse, nous enveloppe de conditions matérielles qui tendent à nous emporter.

C’est pourquoi il est essentiel que, plus ces conditions matérielles s’élèvent,

déferlent, cherchent à gouverner, et plus doit persister et s’imposer la

domination de l’esprit. En notre temps, ce que la France demande à Polytechnique,

c’est justement de former, comme l’École l’a toujours voulu, des hommes dont l’intelligence et dont le caractère soient capables de maîtriser, la matière et par conséquent de l’utiliser dans l’intérêt général, au lieu de laisser le monde s’asservir sous sa loi. Que vous pratiquiez ici, Messieurs, tout ce qui définit votre École et fait sa grandeur : la connaissance scientifique, la discipline et la solidarité, le travail personnel, tout cela est capital pour assurer le triomphe de l’esprit sur la matière.

Vous êtes ici des élèves, des militaires et des camarades, je vous dis que cela est beau et que cela est bien. Comme vous avez de la chance ! Vous êtes ici adonnés à tout ce que l’intelligence humaine découvre de plus élevé.

Vous y êtes réunis en promotions pleines d’espérances.

Vous y êtes au contact des maîtres qui sont un honneur pour la France et à qui, devant vous, j’en rends, en son nom, le témoignage. Vous allez entrer à votre tour dans l’activité de votre époque, et de quelle époque !

Vous allez y entrer pour conduire les hommes et pour gouverner les choses.

Vous allez y entrer comme des guides. Et puis, vous allez y entrer comme

des Français, c’est-à-dire comme les fils d’une nation qui est, précisément,

faite pour l’effort, pour le progrès et pour l’exemple.

Oui, vous avez de la chance !

Messieurs, je veux terminer ces quelques mots en vous invitant à élever avec moi votre pensée, justement, vers la France. Ce qu’elle attend de vous est à la mesure de ce qu’elle vous donne et de ce qu’elle vous a donné.

Ensuite, dès que vous entrerez, et ce ne sera pas long, dans la période

de la vie où vous serez en activité, vous portez, à son égard,

– vous portez déjà – l’honneur des responsabilités.

Vive l’École polytechnique ! Vive la France !

Charles de Gaulle


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