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Loi relative à la transition énergétique : l’article 83 sur l’actionnariat des éco-organismes déclaré contraire à la Constitution (décision du 13 août 2015 du Conseil constitutionnel)

Publié le 13 août 2015 par Arnaudgossement

Par une décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la conformité à la Constitution de plusieurs articles de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Dont l'article 83 imposant que le capital des éco-organismes déchets soit réservé en majorité aux producteurs représentatifs des adhérents dudit éco-organisme.

Avant toute chose, il convient de rappeler que le Conseil constitutionnel n'est pas tenu de contrôler la constitutionnalité de toutes les dispositions de cette loi de telle sorte qu'il est inexact d'écrire qu'il aurait " validé " l'ensemble du texte. En réalité, son contrôle a porté sur un nombre restreint d'articles, principalement ceux critiqués par les parlementaires auteurs de sa saisine.

Aux termes de cette décision n°2015-718 du 13 août 2015, sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte :

- l'article 6 relatif à l'obligation de rénovation énergétique des bâtiments privés résidentiels ;

- les mots : " après audition par les commissions permanentes compétentes du Parlement " figurant au deuxième alinéa de l'article L. 142-1 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction résultant du deuxième alinéa de l'article 9 ;

- l'article 44 sur le programme de réduction des émissions de gaz à effet de serre et des polluants atmosphérique des entreprises du secteur de la grande distribution ;

- l'article 83 relatif à la gouvernance des éco-organismes déchets ;

- les paragraphes II à VII de l'article 103 relatif à la lutte contre le gaspillage alimentaire

Sont déclarées conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la même loi :

- l'article 1er sur les objectifs de la politique énergétique de l'Etat ;

- l'article 73 relatif à l'interdiction de la mise à disposition d'ustensiles jetables de cuisine en matière plastique à compter du 1 er janvier 2020;

- le a) du 2° du paragraphe I de l'article 91 destiné à étendre le champ de la contribution due au titre de la responsabilité élargie des producteurs de papier ;

- l'article 139 relatif à la distance d'éloignement des éoliennes aux habitations ;

- le paragraphe VI de l'article 173 relatif au rapport annuel de certaines entreprises sur la transition énergétique et écologique ;

- les articles L. 311-5-5 et L. 311 -5-6 du code de l'énergie dans leur rédaction résultant du 3° de l'article 187 : plafonnement de la capacité de production d'énergie nucléaire.

Les dispositions les plus remarquables et qui seront sans doute les plus commentées sont celles relatives à l'article 187 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Le dispositif destiné à réduire la part de l'énergie nucléaire dans la production d'électricité va donc être prochainement mis en place ce qui revêt sans doute un caractère historique.

Capital des éco-organismes : un objectif d'intérêt général

Le Conseil constitutionnel a notamment déclaré contraire à la Constitution l'article 83 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, lequel prévoyait d'insérer, à l'article L.541-10 du code de l'environnement, la phrase suivante :

" Quand un éco-organisme est constitué sous forme de société, la majorité du capital social appartient à des producteurs, importateurs et distributeurs auxquels l'obligation susvisée est imposée par les dispositions de la présente section, représentatifs des adhérents à cet éco-organisme pour les produits concernés que ceux-ci mettent sur le marché français "

Le Conseil constitutionnel qualifie cette mesure d'objectif d'intérêt général :

" 35. Considérant qu'en adoptant l'article 83, le législateur a entendu, pour favoriser la diminution de la production de déchets, éviter que les éco-organismes ne soient contrôlés par des entreprises de traitement des déchets qui, contrairement aux entreprises soumises au principe de " responsabilité élargie du producteur ", n'ont pas intérêt à voir diminuer le volume des déchets à la source ; qu'il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général ; "

Ainsi, l'article 83 n'est pas critiqué par le Conseil constitutionnel dans son principe même. Au contraire, le Conseil constitutionnel qualifie d'objectif d'intérêt général la mesure consistant à réserver majoritairement l'actionnariat des éco-organismes - constitués sous forme de société - à leurs adhérents producteurs, susceptibles d'être plus enclins à une réduction à la source du volume de déchets.

" Atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la garantie des droits "

Si l'objectif est d'intérêt général, le moyen définit pour l'atteindre doit cependant être réécrit.

En effet, aux termes de cette décision du Conseil constitutionnel, il est principalement reproché au législateur d'avoir défini une mesure susceptible d'imposer de manière assez " brutale " une réorganisation de leur actionnariat et une remise en cause éventuelle de leur agrément pour des éco-organismes antérieurement et légalement constitués et agréés.

La décision ici commentée rappelle tout d'abord que le législateur peut bien entendu faire évoluer et imposer notamment des obligations nouvelles mais ne peut " priver de garanties légales des exigences constitutionnelles :

" 33. Considérant qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu'en particulier, il ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations ; "

Au cas présent, le législateur peut imposer que la majorité du capital d'un éco-orgnaisme soit détenue par des producteurs représentatifs des adhérents dudit éco-organisme. Mais il ne peut imposer une telle obligation en se bornant à renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de définir les garanties légales qui permettront, notamment, d'assurer une période transitoire.

" 36. Considérant, toutefois, que, si les dispositions contestées pouvaient imposer que la majorité du capital d'un éco-organisme constitué sous forme de société soit détenue par des producteurs, importateurs et distributeurs représentatifs des adhérents à cet éco-organisme pour les produits concernés, elles ne pouvaient imposer une telle obligation nouvelle aux sociétés et à leurs associés et actionnaires sans que soient prévues des garanties de nature à assurer la protection du droit de propriété et de la garantie des droits, qui ne sauraient relever du décret en Conseil d'État prévu par le paragraphe X de l'article L. 541 -10 du code de l'environnement dans lequel les dispositions contestées s'insèrent ; qu'il en résulte une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la garantie des droits ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, l'article 83 est contraire à la Constitution ; "

L'article 83 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte est ainsi déclaré contraire à la Constitution et ne figurera donc pas dans le texte de la loi promulguée qui sera prochainement publiée au Journal officiel.

Toutefois, le Gouvernement a la possibilité de réécrire cette disposition et de l'inscrire dans un autre projet de loi pour qu'elle soit de nouveau débattue.

Gossement Avocats


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