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[Critique] N.W.A. – Straight Outta Compton

Par Régis Marton @LeBlurayphile
[Critique] N.W.A. – Straight Outta Compton[Critique] N.W.A. – Straight Outta Compton

Titre original : Straight Outta Compton

Un film de : F. Gary Gray

Avec : O'Shea Jackson Jr., Corey Hawkins, Jason Mitchell, Neil Brown Jr., Aldis Hodge, Paul Giamatti, Alexandra Shipp, Elena Goode, Marlon Yates Jr., R. Marcus Taylor, Keith Stanfield, Corey Reynolds, Tate Ellington

En 1987, cinq jeunes hommes, utilisaient des rimes brutalement honnêtes et des beats hardcore et exprimaient leur frustration et leur colère pour dénoncer la vie dans l'endroit le plus dangereux de l'Amérique, avec l'arme la plus puissante qu'ils possédaient : leur musique. Nous ramenant à l'endroit où tout a commencé, N.W.A Straight Outta Compton raconte l'histoire vraie de ces rebelles -armés uniquement de leur paroles, de leur démarche assurée et de leur talent brut- qui ont résisté aux autorités décidées à les opprimer et ont ainsi formé le groupe le plus dangereux du monde, N.W.A. Et au fur et à mesure qu'ils dénonçaient une réalité et exposaient la vie dans le quartier, leur voix a déclenché une révolution sociale qui résonne encore aujourd'hui.
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Yo Dre! I got something to say!

Près de 20 ans après la mort d'Eric Lynn Wright, alias le rappeur Eazy-E, membre fondateur du groupe NWA (Niggaz Wit Attitudes) débarque sur nos écrans N.W.A. - Straight Outta Compton, le biopic retraçant le parcours des membres de ce groupe ayant créé le rap West-Coast et de leur impact sur l'Amérique des années fin 1980 et début 1990.

La réalisation d'un biopic est une tâche ardue, car il faut romancer et condenser les faits marquants d'une personne - ou d'un groupe de personnes dans le pire des cas - dans une limite de temps impartie tout en restant proche de la réalité. Mais réaliser un biopic quand la plupart des musiciens d'un groupe sont vivants, amène toujours à des conflits d'intérêts où l'ego de chacun droit être flatter et à la fin du générique tout le monde doit avoir le sourire aux lèvres. Le film étant produit par Andre " Dr. Dre " Young, O'Shea " Ice Cube " Jackson et Tomica Woods-Wright (la dernière compagne d'Eazy-E), il était certain que de nombreuses histoires peu glorieuses à leur sujet n'apparaîtraient pas dans le biopic et feront médire leurs opposants/entourages.

Mais le but d'un biopic est de transmettre un message au public, qui aura d'autant plus d'impact par rapport à d'autres types de long-métrages, vu qu'il s'inspire de faits réels. Est-ce le cas pour Straight Outta Compton? Ou s'agit-il d'une immense publicité pour les producteurs du film?

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Boyz N' Tha Hood

Du fait que les producteurs du film soient les membres du groupe qui s'en sont le mieux sorti dans la vie et la veuve d'Eazy-E, il est donc normal que le film se centre essentiellement sur ces trois personnages, leurs talents, ce qu'ils ont apportés au groupe et les répercussions du succès engendré par leur musique novatrice pour l'époque. Durant la première partie du film, on nous confronte au milieu dans lequel évoluent nos personnages, le deal de drogues, la guerre entre les Crips et les Bloods qui a - encore de nos jours - des répercussions dans les quartiers pauvres et noires, la difficulté de trouver un travail et une éducation décente quand on vit dans de telles conditions. On suit alors, les aspirations de ses jeunes doués dans leurs domaines - la poésie pour Cube, la mélodie pour Dre, le charisme et le sens du business pour Eazy - pour s'en sortir et servir de porte-parole pour une communauté qui n'avait pas de voix. De leur colère, leur frustration et de leur insouciance, on assiste à l'origine du groupe qui a réussi à chambouler l'Amérique bien-pensante.

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Si les quartiers résidentiels, leurs habitants et les gangs sont si bien représentés, c'est que le réalisateur Felix Gary Gray avait une expérience avec Friday et Le prix à payer, dans lequel il avait déjà dirigé Ice Cube et Dr. Dre. Il avait abandonné le projet Captain America : The Winter Soldier, pour se consacré à ce projet qui le tenait à cœur, car racontant une histoire qui avait marqué sa génération. On ressent son passif de réalisateur de clips durant certains passages forts du long métrage, comme l'ascension du groupe et les émeutes qui ont touchés les ghettos en 1992. Il utilise des images de l'époque permettant une mise en abîme intéressante où l'acteur O'Shea Jackson Jr. visionne les vieux clips de son père, alors qu'il est dirigé par le réalisateur qui a rendu célèbre ce dernier. Gray filme avec justesse les moments d'enregistrement musical où l'on ressent la passion, la créativité des personnages et tout cela est sublimé par le montage de Billy Fox et la photographie de Matthew Libatique. La bande originale encyclopédique - allant piochée dans les classiques du groupe, en passant par les morceaux cultes d'Ice Cube et de Death Row Records et leurs influences R&B et Pop - a été assemblée avec un soin similaire et méticuleux.

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Fuck tha police

Si la chanson la plus connu du groupe " Fuck Tha Police " a provoqué une polémique à sa sortie. On nous montre le contexte dans lequel la police ne faisait pas la distinction entre les habitants des quartiers qu'ils sont censés protéger et les gangsters qu'ils combattent. Durant le temps d'apparition des policiers, on ressent la révolte, l'humiliation et le dégoût qui habite les citoyens qui ne trouvent pas la sécurité là où elle devrait être. Et cela n'est pas allégé avec les médias qui essaient de trouver la faille dans le groupe pour les décrédibiliser et le gouvernement qui tente tant bien que mal de les censurer. Le tour de force du film est de mettre en parallèle de cela, les événements qui mèneront aux émeutes de 1992, suite à l'affaire Rodney King, où la population s'élève contre les forces de l'ordre. Même les Bloods et Crips, gangs de rues rivaux, organiseront une trêve durant cet événement. Nous constaterons que malgré la polémique de cette chanson, le film nous démontre qu'elle était en un sens prophétique de ces émeutes, comme ce fut le cas en France avec " Qu'est-ce qu'on attend pour foutre le feu " de Suprême NTM qui présageait les émeutes de 2005 dans les banlieues.

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Mo' money, mo' problems

Après avoir assisté aux origines, la seconde partie du film s'attaque à la séparation du groupe dut au détournement de fond de leur producteur et à l'ego croissant des trois têtes pensantes du groupe. Et c'est là que le film atteint un statut plus biopic. On suit tour à tour, le parcours d'Ice Cube après son départ de N.W.A. (le succès de son premier album, sa carrière d'acteur/producteur, sa conversion à l'Islam), celui de Dr. Dre pour fonder Death Row Records avec Marion " Suge " Knight et la chute d'Eazy-E. Même si le film élargit son champ d'application, la réalisation de Gray reste dynamique et forte et permet d'atteindre des profondeurs inattendues et émotionnelles surtout quand on arrive au destin tragique de d'Eric Wright. On nous montre à quel point le succès précoce du groupe les aura emmené à se faire vampiriser par des personnes peu scrupuleuse tel que Jerry Heller et Suge Knight, qui certes les auront mené à briller mais pas sans un lourd tribut.

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Parental Advisory Explicit Content

Même si le film retrace l'essentiel de l'histoire du groupe de gangsta rap, plusieurs éléments ont été mis sous silence. Dans un premier temps, Arabian Prince, l'un des membres fondateurs de N.W.A. n'a pas droit à son interprétation cinématographique du fait du peu d'impact qu'il a eu dans le groupe et dans le monde musical. Certains comportements misogynes qu'on eut les membres du groupe ne sont pas abordés, notamment l'agression de la journaliste musicale Denise " Dee " Barnes par Dr. Dre ou les violences conjugales de ce dernier envers sa compagne et collègue de l'époque Death Row Records, la chanteuse Michel'le. Ce n'est pas pour autant que l'on ne nous montre pas les aspects négatifs des personnages surtout dans le milieu musical dans lequel ils évoluent. Des orgies avec les groupies, les dérives de Suge Knight avec Death Row, les trafics d'argents et les contrats dans l'industrie musicale.

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Look in the mirror

Il est impossible de parler du film sans aborder le sujet du casting. Le choix qui aura fait le plus coulé d'encre est, bien sûr, O'Shea Jackson Jr. interprétant le rôle de son père dans le film. Si cela peut paraître comme du favoritisme, le jeune acteur démontre qu'il n'a rien à envier à son père et que son lien de parenté rend plus crédible son interprétation. Jason Mitchell arrive à nous convaincre qu'il est Eazy-E, malgré le fait que, contrairement à ses partenaires, il n'a pas eu le support concret sur lequel se baser pour son jeu d'acteur et son interprétation nous touche surtout vers la fin. Corey Hawkins peine à nous convaincre dans son rôle de Dr. Dre - mis à part dans les phases de mixage - mais cela est surtout dut au fait que le personnage manque de matière (sûrement dut à la mise sous silence de certains événements) et que l'acteur manque d'un certain charisme. Les autres membres du groupe ne sont pas assez mis en avant, mais cela s'explique par le peu d'importance qu'ils apportent à l'histoire. Le reste du casting est impressionnant et pour cause la plupart des interprètes ressemble physiquement à leur homologue de la réalité, mention spéciale pour R. Marcos Taylor et Marcc Rose qui joue respectivement Suge Knight et Tupac Shakur.

En conclusion, Straight Outta Compton est un excellent biopic qui arrive à retranscrire le Compton des années 1980/1990, tout en offrant aux fans du Hip-Hop West-Coast leur dose de bon sons bien rétro, ainsi qu'une ambiance plus vrai que nature. Bien le film reprenne tous les mécanismes propre aux biographies, il n'est pas pour autant 100% véridique, du fait de la présence des vrais chanteurs dans le processus créatif, mais il saura faire passer son message qui est plus d'actualité que jamais. Si vous achetez ce(s) disque(s) via les liens, le site percevra une petite commission. Ceci permettra de le soutenir, tout en vous faisant plaisir et de participer à son amélioration.

Straight Outta Compton (20th Anniversary Edition)

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