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Monsieur Hulot, « n’ayez pas peur ! »

Publié le 06 juin 2008 par Argoul

Il y a très longtemps, j’aimais bien Monsieur Hulot, surtout durant ses Vacances signées Tati. Puis le Hulot nouveau sponsorisé par Rhône-Poulenc dans les années 80 a bénéficié de son aura homonyme. J’aimais bien ses aventures et les paysages qui me faisaient rêver. Jusqu’à ce que j’y aille par moi-même et que je constate sur le terrain les séquelles de la débauche de fric et de frime des équipes média sur les populations nomades ou rurales. On vient, on prend, on s’en va. L’attitude « ami-ami » qui fait très bien sur les écrans ne dure que quelques jours – et puis plus rien - qu’un paquet de dollars laissé aux « chefs » pour se faire pardonner l’intrusion. L’écologie, c’est utile, mais pas en donnant des leçons de morale au monde entier tout en pratiquant de telles façons. Aussi, lorsque M. Hulot s’est intronisé « nouveau Pape » d’une croisade écolo, durant les Présidentielles, il m’est apparu ridicule. Quelle enflure, quelle grandiloquence, quel appel démagogique aux peurs les plus ancrées ! Son « Monsieur Sarkozy, n’ayez pas peur ! » reprenait l’antienne papale de Jean-Paul II; mais le grave tournait en farce. Non, l’écologie par de tels histrions était vouée à l’échec. Les électeurs l’ont clairement dit aux Présidentielles où l’écolo de service s’est écroulé en voix.

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Photo AFP - Strasbourg 2008.

Surgit aujourd’hui un autre Hulot, plus en phase avec l’exigence de concret de l’écologie politique. Il est vrai que le silence écologiste sur la pêche et le pétrole commençait à devenir assourdissant ! Ne voilà-t-il pas ces militants de l’avenir, cassandres de la Chute et du Retour à la Terre, se clore le bec dès que le Social paraît ? Des grands mots sur la planète, rien de concret sur la baguette.

Du battage télévisuel et filmique, mais le silence des agneaux dès que le Pêcheur, le Routier, le Taxi ou le Gréviste SNCF font valoir leurs indubitables Privilèges ! Qu’une grève coûte en essence dépensée – motus ! Qu’il faille l’équivalent de 10 allers-retours Paris-Marseille en diesel pour pêcher une journée de poissons sur les côtes – motus ! Que le fret ferroviaire soit préférable au routage par camions, et que ledit fret ne puisse prendre son essor que si cessent ces grèves à répétition pour un pet de travers – motus !

Enfin ! Le Hulot national vient de déclarer sur RTL : « Il faut un grand plan de solidarité sociale, un plan Marshall au niveau européen pour ceux qui sont plus menacés ». Il admet que le secteur de la pêche conjugue crise sociale et crise écologique. Enfin ! Le Pape Nicolas sort des bulles théologiques pour mettre les mains à la pâte, la réelle, la politico-sociale, celle qu’il faut pétrir pour faire le pain. Il déclare à L’Express cette semaine : « Alors que 75 % des stocks de poissons dans le monde sont en train d’être épuisés, il faut un grand plan de solidarité sociale ». Il fera la semaine prochaine une proposition pour rendre la taxe carbone “acceptable” socialement, alors que la fiscalité verte promise lors du Grenelle de l’environnement s’enlise, trop irréaliste, trop chère. Il propose : « pour les particuliers, on redistribue ça à part égale en allocation universelle climat (…) cela augmentera le pouvoir d’achat des plus pauvres. »

Il est conscient que le yaka rituel ne fonctionne pas. Il ne suffit pas de danser pour faire venir la pluie. A la question « Avez-vous confiance dans les parlementaires ? » - il répond tout net : « Je n’oublie pas que, depuis 1980, 222 lois n’ont jamais vu leur décret d’application promulgué, qu’il a fallu 16 ans pour que sorte le décret sur les estuaires prévu dans la loi Littoral. Il faudra aussi peser sur l’administration. » Et il ajoute sur le débat OGM au Parlement : « les postures l’ont emporté sur la réflexion ». Les postures intellos, la politicaille, l’Administration, la bureaucratie… Presque tout le Mal Français. Encore un petit effort, M. Hulot, mettez aussi en cause les corporatismes et les grévistes immatures. Touchez enfin au social ! Éclairez le bon peuple sur la bêtise qu’il a de polluer faute de transports régionaux ponctuels et fiables comme au Japon, ou sur l’aberration d’entretenir à coup de subventions perdues des professions vouées à disparaître ou à se transformer. Proposez du concret sur ces sujets-là, de la transition acceptable, du débat en-dehors des postures !

« La crise est écologique et sociale. La vraie question est : ‘Quelle croissance est compatible avec la réalité physique de la planète ?’ La réponse peut être la décroissance - qui n’est pas un gros mot - dans certains domaines : on la pratique par exemple à Lorient, qui a divisé par cinq sa consommation d’eau ; elle est essentielle sur la pêche, sur les flux d’énergie et de matière, sur les pesticides… La régulation est nécessaire, parce que nous sommes entrés dans l’ère de la rareté, parce qu’une croissance infinie dans un monde fini est une idée folle. » Ce réalisme, ce pragmatisme, nous réconcilie avec Nicolas Hulot. « La régulation est difficile, mais les privations seront bien plus insupportables. Soyons lucides : nous ne sommes civilisés qu’en surface et nous redeviendrons sauvages en cas de pénurie. » Or, il n’y a pas de “bon” sauvage… De la politique et plus des grands mots. Enfin !


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