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Solaire : l'Etat relève à 8000MW l'objectif de puissance installée d'ici à 2020

Publié le 30 août 2015 par Arnaudgossement

Par arrêté du 28 août 2015 modifiant l'arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité (JORF n°0200 du 30 août 2015 page 15376), la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a traduit dans un texte l'engagement du Président de la République de fixer à 8000MW la puissance totale installée en énergie solaire photovoltaïque au 31 décembre 2020. Un objectif dont la valeur juridique pourrait être modifiée.

Le Gouvernement vient de relever de 5400MW à 8000MW l'objectif de puissance totale installée en 2020 en énergie solaire photovoltaîque.

Ce relèvement correspond à un engagement du Président de la République, se traduit par une modification de l'arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle de l'électricité.

L'objectif de 8000MW est éloigné de celui proposé par le Syndicat des énergies renouvelables : 20 000MW d'ici à 2020. Sur le plan du droit, le Gouvernement n'a pas modifié la valeur juridique de cet objectif qui reste un maximun à ne pas dépasser et non un minimun à atteindre.

L'enjeu de la COP 21

Ce n'est pas la première fois que le Gouvernement affiche un objectif de puissance installée, présenté comme ambitieux, pour démontrer son ambition dans le cadre des négociations internationales sur le climat. Pour mémoire, Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'écologie, avait signé, à Copenhague où se déroulait la 15ème conférence des parties (COP15) à la convention internationale sur le changement climatique, un arrêté fixant à 5400MW au 31 décembre 2020 la puissance totale installée en énergie solaire photovoltaïque.

En effet, l'arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité (JORF n°0008 du 10 janvier 2010 page 526) précisait :

"Les objectifs de développement de la production électrique à partir d'énergies renouvelables en France sont les suivants :
I. - Pour l'énergie radiative du soleil, en termes de puissance totale installée :
1 100 MW au 31 décembre 2012 ;
5 400 MW au 31 décembre 2020."

Déjà en 2009, l'objectif de 5400 MW au 31 décembre 2020 n'avait pas été jugé ambitieux par tous les professionnels au regard des performances, notamment de l'Allemagne.

A la veille de la 21ème conférence des parties (COP21) qui se déroulera début décembre 2015 à Paris, le Gouvernement modifie l'objectif de développement de l'énergie solaire qui passe de 5400 à 8000MW, soit une augmentation de 2600MW d'ici à 2020.

Par arrêté du 28 août 2015 modifiant l'arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité

"Le I de l'article 1er de l'arrêté du 15 décembre 2009 susvisé est remplacé par :
" I. - Pour l'énergie radiative du soleil, en termes de puissance totale installée :
1 100 MW au 31 décembre 2012 ;
8 000 MW au 31 décembre 2020. "

La valeur juridique de l'objectif

Pour apprécier si l'objectif de 8000MW est ou non ambitieux, il faut tout d'abord s'interroger sur sa valeur juridique.

Tout d'abord, il faut rappeler que l'arrêté relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production n'a pas de valeur juridique contraignante. En d'autres termes, si les objectifs ainsi fixés ne sont pas réalisés, la responsabilité de l'Etat ne sera pas engagée.

Toutefois, la principale question est de savoir si cet objectif est un minimun à atteindre ou un maximun à ne pas dépasser. Malheureusement, jusqu'à présent, l'Etat considère qu'il s'agit d'un maximun à ne pas dépasser.

Par un décret du 9 décembre 2010 ("décret moratoire"), le Gouvernement avait suspendu l'obligation d'achat de cette énergie au motif que l'objectif de 5400 MW risquait d'être dépassé (décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil, JORF n°0286 du 10 décembre 2010 page 21598).

C'est ce que le Gouvernement a clairement plaidé devant le Conseil d'Etat, saisi d'un recours en annulation du décret du 9 décembre 2010.

Par arrêt du 16 novembre 2011, le Conseil d'Etat a rejeté le recours et jugé que le Premier ministre était en droit de suspendre l'obligation d'achat pour que soit strictement respectés les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie :

"Quant à la violation des dispositions de l'article 10 de la loi du 10 février 2000 :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 10 de la loi du 10 février 2000 que l'obligation de conclure un contrat d'achat peut être suspendue si cette obligation ne répond plus aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 15 décembre 2009 du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité : "Les objectifs de développement de la production électrique à partir d'énergies renouvelables en France sont les suivants : I. - Pour l'énergie radiative du soleil, en termes de puissance totale installée : 1 100 MW au 31 décembre 2012 ; 5 400 MW au 31 décembre 2020 (...)" ; que le Premier ministre a pu légalement estimer que l'obligation de conclure un contrat d'achat ne répondait plus aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements au vu non seulement de la capacité des installations mises en service, mais également de celle des installations ayant fait l'objet d'une demande de raccordement au réseau, dès lors qu'il tenait compte de la proportion de demandes aboutissant effectivement à une mise en service ; que les objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements ayant été fixés pour l'ensemble du territoire français, il était en droit d'apprécier leur satisfaction de façon globale, sans qu'il soit besoin de distinguer selon que les territoires étaient ou non interconnectés au réseau métropolitain continental ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la fin du mois de novembre 2010, la capacité des installations en service s'élevait à 800 MW et celle des demandes en attente était estimée à 5375 MW, dont le Gouvernement était fondé à considérer que la moitié au moins serait effectivement mise en service dans les mois à venir ; qu'en estimant ainsi que l'obligation d'achat instaurée par l'article 10 de la loi du 10 février 2000 ne répondait plus aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements, eu égard à l'objectif de puissance totale installée fixé pour le 31 décembre 2012, le Premier ministre a fait une exacte appréciation de la condition posée par les dispositions de l'article 10 précité ; que dès lors, le moyen tiré de ce que la condition mise à la suspension par l'article 10 de la loi du 10 février 2000 n'était pas remplie doit être écarté ;"

Dés lors qu'il constatait que l'objectif de 5400MW risque d'être dépassé, le Gouvernement est en droit de suspendre l'obligation d'achat de manière à éviter ce dépassement. L'objectif fixé par l'arrêté du 15 décembre 2009 est donc un maximun à ne pas dépasser et non un minimun à atteindre.

Cette qualification de l'objectif de développement en maximun à ne pas dépasser a eu des conséquences que l'on sait pour la filière et pour le régime des appels d'offres.

Rien n'interdisait au Gouvernement de changer de position et d'écrire clairement dans le texte de l'arrêté du 15 décembre 2009 que l'objectif de 8000MW est un minimun à atteindre et, si possible, à dépasser. Ce qu'il n'a malheureusement pas fait, malgré le vote récent de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Arnaud Gossement

SELARL Gossement Avocats


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