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Elizabeth Kolbert, voix d’extinctions

Publié le 16 septembre 2015 par Blanchemanche
#La6èmeExtinction
Par Frédérique Roussel — 

Cette journaliste rigoureuse traverse les continents pour expliquer pourquoi les espèces disparaissent à cause de l’homme.

«Le Jardin des plantes», prononce Elizabeth Kolbert. En français dans le texte. L’Américaine ne découvre pas les lieux. La journaliste ès environnement a exploré à plusieurs reprises les collections du Museum d’histoire naturelle. Un de ses illustres locataires, Georges Cuvier, est présenté comme un héros dans son essai. L’anatomiste a, au tournant du XIXe siècle, découvert l’extinction. En examinant une molaire de mastodonte américain, le scientifique en a déduit que l’espèce avait dû essuyer un cataclysme naturel pour avoir ainsi été rayée de la surface de la planète. Forcément. Vu la taille de la bête et son régime alimentaire, le monstre se trouverait, sinon, encore parmi nous. C’est rue Cuvier donc, à l’heure du goûter, dans le café la Baleine - le cétacé dont le monde appréhende aussi la disparition -, que la rencontre se fait. Mince silhouette, visage de félin, chevelure fournie et auburn, Elizabeth Kolbert arrive en tenue décontractée.A peine quinze jours avant, elle apprenait être l’élue parmi trois finalistes du prix Pulitzer 2015 de l’essai. «J’ai eu de la chance», constate-t-elle. Et le 28 mai, dans les locaux de la Columbia University à New York, qui date de l’époque de Cuvier, la lauréate en petite robe noire a reçu sa récompense des mains de Lee Bollinger, 19e président de l’université. Le Pulitzer incarne le laurier suprême en matière de journalisme outre-atlantique, comme le prix Albert Londres chez nous.Elizabeth Kolbert, 54 ans, n’a rien d’une pasionaria écologiste, ni d’une militante alternative. La 6ème Extinction n’a rien d’un brûlot vindicatif. Il décrit de Panamá à l’Australie, «comment l’homme détruit la vie». De la manière la plus précise qui soit, en arpentant le terrain, en interrogeant l’histoire et les scientifiques. Globe-trotter de l’environnement, la journaliste du New Yorker revient sur les extinctions massives passées (le mastodonte scruté par Cuvier, le grand pingouin, une ammonite disparue à la fin du Crétacé en même temps que les dinosaures…) et celles qui se déroulent sous nos propres yeux, et dont nous sommes bien souvent responsables (le rhinocéros de Sumatra ou la grenouille dorée). Elle raconte le plus clairement possible les mécanismes qui conduisent des espèces à s’amenuiser et s’évanouir. Un modèle de journalisme.Pas de jugement. Les faits parlent d’eux-mêmes. Elizabeth Kolbert n’en a pas pour autant basculé dans l’engagement. Elle conçoit pourtant que des observateurs avisés comme elle de la destruction des espèces ou du réchauffement climatique passent au combat. «Quand vous voyez ce qui est en train d’arriver au monde sans que rien ne soit fait pour changer les choses, c’est normal de se demander : "Qu’est ce que je peux faire ?"»Très peu pour elle. La femme plutôt frêle, toute en retenue, ne s’imagine guère dans la peau d’un leader d’une organisation quelconque. Elle se juge en plus très mauvaise oratrice. «Ce n’est pas mon truc. Même s’il m’arrive parfois d’écrire des éditos, je préfère montrer la réalité.»Pourtant, l’étudiante new-yorkaise, père ophtalmologiste, mère fonctionnaire, avait songé à une carrière d’avocat. Après l’université Yale, elle bénéficie d’une bourse d’études Fulbright à l’université de Hambourg, en Allemagne. Pendant son séjour, elle envoie quelques piges au New York Times. Le journalisme «just happened», dit-elle. Simple reporter, puis chef du bureau dans la ville d’Albany (Etat de New York), elle suit un parcours classique, traitant de faits divers, de procès, de médias et de politique.En 1999, elle rejoint le staff du New Yorker. Elle dresse les portraits de la sénatrice Hillary Clinton, des ex-maires de la Grosse Pomme, Michael Bloomberg et Rudolph Giuliani. Le traitement de l’environnement est une tradition dans l’hebdomadaire new-yorkais. Le poste libre, Elizabeth Kolbert s’y déploie avec gourmandise.Dès le printemps 2000, direction le Groenland pour un papier sur le réchauffement climatique. Quinze ans après, elle évoque ce séjour avec des trémolos de fascination : «J’ai rencontré des scientifiques qui analysaient une glace vieille de milliers d’années pour retracer l’histoire du climat.» De retour au siège, elle se précipite dans le bureau de son rédacteur en chef. «Si vous pensez que c’est un gros sujet, lui conseille-t-il, vous devriez écrire une série en trois parties.»Cet encouragement déclenche son investissement sans faille dans le secteur : «C’était une combinaison de mes intérêts, du hasard et de la proposition de mon rédacteur en chef.» Entre ses multiples reportages aux quatre coins de la planète, elle s’est mariée avec un professeur de littérature comparée qui la soutient indéfectiblement («J’ai écrit ce livre avec lui et pour lui»), avec qui elle a eu trois enfants («Ils n’ont jamais reproché à leur mère de ne pas assister à leurs matchs de football»).Dans l’intervalle, tout s’est accéléré par rapport à son premier article au Groenland. En 2000, les scientifiques interviewés avaient prédit la disparition de la glace l’été vers 2080. «Ils parlent aujourd’hui d’une décennie», souligne-t-elle. Avec un grand sourire, Elizabeth Kolbert repousse les questions qui débordent de sa vie professionnelle, la dégradation de la Grande Barrière de corail ou le réchauffement climatique.Le sujet, ce sont les espèces qui agonisent, pas la vie privée de l’enquêteuse. En 2009, elle a entrepris une traque des espèces menacées. La grenouille dorée du Panamá sera sa première cliente, les amphibiens ont le triste honneur d’être reconnus comme la classe d’animaux la plus menacée du monde par les extinctions.Mais pas besoin d’aller si loin pour assister à des hécatombes. Par une drôle de coïncidence, au moment où elle s’intéressait aux Atelopus zeteki, légendes vivantes panaméennes, le Geomyces destructans (ou champignon du museau blanc) s’attaquait aux chauves-souris près de chez elle, à Albany. Des milliers de cadavres jonchaient le sol d’une grotte. Chaque année, la journaliste a refait le chemin de la grotte d’Eole pour observer leur évolution. Cette visite annuelle est comme un thermomètre du péril croissant qui menace la biodiversité. Pas donneuse de leçon, pas soporifique non plus.Son récit de la disparition des espèces se lit comme un roman, teinté d’humour : les scientifiques y sont décrits comme de vrais personnages, le rassemblement des indices de la disparition d’un spécimen ressemble à une enquête de détective. Mais qui a donc tué les graptolites (espèce disparue il y a 300 millions d’années) ? «Il faut le raconter comme une histoire, même si elle est terrifiante.»A quelques semaines de la COP 21 (conférence des Nations unies sur le climat), à Paris, Libération est allé à la rencontre de ces femmes et de ces hommes qui agissent pour l’environnement, en différents points de la planète.Frédérique Rousselhttp://www.liberation.fr/sciences/2015/08/14/voix-d-extinctions_1363583

La sixième extinction animale de masse est en cours

Le Monde.fr avec AFP | 20.06.2015Le caméléon Tarzan est en danger critique d'extinction.Le caméléon Tarzan est en danger critique d'extinction.

Les espèces animales disparaissent environ cent fois plus rapidement que par le passé. Les estimations les plus optimistes montrent que la faune de la Terre est en train de subir sa sixième extinction de masse, selon une étude publiée vendredi 19 juin par des experts des universités américaines de Stanford, de Princeton et de Berkeley, notamment.


Jamais, selon eux, la planète n'a perdu ses espèces animales à un rythme aussi effréné que depuis la dernière extinction de masse, il y a 66 millions d'années, celle des dinosaures. Leur étude, publiée dans le journal Science Advances« montre sans aucun doute possible que nous entrons dans la sixième grande extinction de masse », a affirmé Paul Ehrlich, professeur de biologie à Stanford.

Les humains en feront partie

Et les humains feront probablement partie des espèces qui disparaîtront, préviennent-ils. « Si on permet que cela continue, la vie pourrait mettre plusieurs millions d'années à s'en remettre, et notre espèce même disparaîtrait probablement assez tôt », a précisé Gerardo Ceballos, de l'université autonome de Mexico.Cette analyse s'appuie sur des observations documentées d'extinctions de vertébrés — des animaux avec squelettes internes comme des grenouilles, des reptiles et des tigres — à partir de fossiles et de bases de données. Le rythme actuel de disparition des espèces a été comparé aux « rythmes naturels de disparition des espèces avant que l'activité humaine ne domine ».

Fourchette basse

Ces derniers sont difficiles à estimer, car les experts ne savent pas exactement ce qu'il s'est produit tout au long des 4,5 milliards d'années d'existence de la Terre. Si le taux du passé fait ressortir une disparition de deux espèces de mammifères pour dix mille espèces en cent ans, alors « le taux moyen de perte d'espèces de vertébrés au siècle dernier est cent quatorze fois supérieur à ce qu'il aurait été sans activité humaine, même en tenant compte des estimations les plus optimistes en matière d'extinction », selon l'étude.« Nous insistons sur le fait que nos calculs sous-estiment très probablement la sévérité de cette crise d'extinction, parce que notre objectif était de fixer un bas de la fourchette réaliste en ce qui concerne l'impact de l'humanité sur la biodiversité », précisent les chercheurs. Les causes de la disparition des espèces comprennent notamment le changement climatique, la pollution et la déforestation. D'après l'Union internationale pour la conservation de la nature, environ 41 % des espèces d'amphibiens et 26 % des espèces de mammifères sont menacées d'extinction.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/06/20/la-sixieme-extinction-animale-de-masse-est-en-cours_4658330_3244.html#p8mwgIRi05yfOAu1.99

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