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Le paradoxe européen face aux OGM

Publié le 16 septembre 2015 par Blanchemanche
#Monsanto #OGM #Commissioneuropéenne

15 SEPTEMBRE 2015 |  PAR CAMILLE FELOUZIS


Le paradoxe européen face aux OGM
© Pierre Baelen / Greenpeace
Aujourd'hui l'hégémonie de Monsanto est incontestable. En Europe, le géant des OGM tout comme d'autres grandes firmes de l’agro-alimentaire (Syngenta, Bayer Cropscience, Pioneer, BASF, etc.) ont réussi à pénétrer le marché notamment par le biais de la nourriture destinée aux animaux d'élevage. Concernant la culture transgénique, seul le maïs MON 810 est autorisé aujourd'hui, cultivé surtout en Espagne et au Portugal.En mars 2015,  la directive 2015/412  autorise les Etats membres à refuser la culture d'un OGM pendant ou après la procédure d'autorisation sur leur territoire* sans donner, au préalable, de nouveaux éléments sur des risques sanitaires présupposés ou avérés.En août dernier, l'Allemagne et l'Ecosse ont rejoint la liste des pays hostiles aux OGM suivis de la Lettonie et la Grèce en septembre 2015.Retour sur l'interdiction des différentes sortes d'OGM par les Etats membresQuatre sortes d'OGM ont fait l'objet d'interdiction sur un total de dix Etats membres. La culture de semences du maïs MON 810 a été interdite en Autriche (en 1999 et reconduit en 2004), en France (2008), en Allemagne (2009), en Grèce (2006), en Hongrie (2006), en Italie (2013 pour une durée de dix-huit mois), au Luxembourg (2009), en Pologne (2013), en Roumanie (2008) et enfin en Suisse ( Moratoire d'une durée de cinq ans voté par référendum en 2005 prolongé jusqu'en 2013. En 2012, le gouvernement central a voté un second moratoire effectif jusqu'en 2017).Le maïs MON 863 et le T25 n'a été interdit qu'en Autriche (1999 puis 2004) et enfin la pomme de terre Amflora a été interdite en Hongrie (2010), au Luxembourg (2010) et en Pologne (2013).Du fait de la forte réticence des Etats membres face à la pomme de terre Amflora, la firme BASF qui l'a commercialise a décidé de retirer cette semence OGM du marché européen en 2012.Par ailleurs, en janvier 2013, la firme Bayer a retiré sa demande de renouvellement de la culture du maïs T25 sur le sol européen.Force est de constater que la question des produits transgéniques n’a pas bonne presse et pose le problème d'une Europe à la carte sans cadre législatif unifié et garant d'un encadrement supranational.Une question cruciale quant à la sécurité alimentaire se pose donc: Comment les firmes de l'agro-alimentaires arrivent-elles à se maintenir en Europe malgré une forte réticence à la fois citoyenne et étatique?La procédure de mise en circulation d'un OGM se fait sur la base de comités d'expert:Au niveau européen, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA ou ESFA en anglais) rend son expertise à la Commission Européenne avant toute proposition de mise en circulation d'un OGM sur le marché. Bruxelles soumet sa décision au vote des Etats membres et l'autorisation se fait à la majorité qualifiée. Dans le cas d'un refus, la Commission Européenne a le pouvoir d'imposer la mise en circulation du produit qui sera valable pour une durée de 10 ans. Pour donner plusieurs exemples, en 2005 et ce malgré la réserve des Etats membres et une absence de consensus, le maïs NK603 et le maïs MON863 - tous 2 provenant de la firme Monsanto - ont été autorisés à la commercialisation par la Commission après un avis favorable de la part de l’AESA. En février 2014 également, le maïs TC1507 du groupe Pioneer a été mis en circulation par la Commission malgré l’opposition de 19 Etats membres dont la France.Au niveau national, des comités d'experts donnent leur avis sur la sécurité de l'aliment en question et permet au gouvernement de se positionner face au vote d'une proposition d'autorisation d'un OGM formulé par la Commission. Les comités peuvent également intervenir plus tôt dans le processus en donnant un avis à l'AESA sur les risques potentiels du produit avant que l'Agence européenne ne rende son avis final à la Commission. Un problème subsiste cependant: l'avis des experts nationaux tout comme celui de l'AESA se basent, pour la plupart, sur le dossier réalisé par la firme elle-même (qui rend évidemment un rapport positif sur son produit) et sur la littérature dans la presse spécialisée.L'opacité et les cooptations douteuses de l'Agence européenne de sécurité des aliments (AESA)Avec le principe d'équivalence en substance**, les firmes agro-alimentaires ont réussi à imposer une vision faussée du risque sanitaire lié aux organismes génétiquement modifiés. Par ailleurs, étant donné que l'AESA ne se base que sur les rapports générés par les firmes elles-mêmes, la rigueur scientifique est largement mise à mal. Plusieurs scandales ont éclaté ces dernières années. Des ONG de défense de l’environnement ont régulièrement alerté l’opinion publique sur les liens étroits qu’entretenait l’AESA et les firmes agro-alimentaires.L’agence européenne rend systématiquement des avis positifs sur les OGM voulant être mis en circulation en Europe. Pour donner un exemple significatif, en 2005, l ‘AESA sortait un rapport sur trois OGM : les maïs MON863, MON810 et NK 603, tous commercialisés par la firme Monsanto. Les conclusions de l'agence sont très positives : ces 3 OGM « n’auront pas d’effets indésirables sur la santé de l’homme et des animaux, ni sur l’environnement dans le cadre de leurs usages proposés ». Or, de nombreux rapports démontrent la dangerosité accrue pour la santé humaine et animale. Ce rapport de Greenpeace sorti la même année fait état d’anormalité survenue chez les rats consommant du maïs MON863 mais aussi sur les pratiques frauduleuses de Monsanto quant à son étude.En 2009, les 2 OGM ont été à nouveau considérés comme sans danger par l’AESA et la commission a prolongé l'autorisation de commercialisation.Le cas du rapport de Gilles Eric Séralini (professeur au Criigen, comité de recherche et d’information indépendante sur le génie génétique) est également probant. En 2012, une étude menée pendant 2 ans dans le plus grand secret et publiée dans la revue Food and Chemical Toxicology (FCT) par le professeur révèle une toxicité alarmante du maïs transgénique NK 603 (utilisé dans la nourriture d’animaux d’élevage) et du Roundup. Un long combat scientifique, mené par les lobbies pro-OGM avec, en tête de file, Richard Goodman du comité scientifique de la revue FCT et ex-employé de Monsanto qui a participé à la commercialisation du NK 603 et du Roundup se met en œuvre. L’AESA tout comme l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire) finissent par refuser cette analyse en la taxant d’insuffisante et d’inadéquate. Et pourtant en 2014, l’étude est republiée dans une autre revue.Les avis positifs récurrents de l’agence européenne ne viennent pas de nulle part. Entre 2002 (date de création de l’agence) et 2008, Suzy Renckens  a dirigé la section responsable des OGM à l’AESA et a finalement été recrutée en 2008 par Syngenta (l’un des leader mondial de l’agrochimie). L’une de ses principales missions consiste à faire du lobbyisme auprès des instances européennes.De 2008 à 2012, Diana Banati a dirigé le conseil d’administration de l’AESA et a démissionné  après avoir été accusée de conflits d’intérêt notamment avec sa participation au conseil d’administration de l’ILSI « une organisation rassemblant des industriels de la pharmacie, de la chimie, de la cosmétique et de l'agroalimentaire dont Monsanto, Basf, Bayer »Au total, plus de 500 experts ont été soupçonnés d’avoir des liens étroits avec les multinationales du secteur agro-alimentaire.Depuis 2012, l’AESA tente de se faire une nouvelle image afin de reconquérir le cœur des citoyens. Plusieurs mesures ont été prises afin d’éliminer toute forme de conflit d’intérêt au sein de l’agence (voir ce lien et celui-ci) en imposant notamment de nouvelles règles aux scientifiques ayant travaillé pour la recherche de l’industrie agro-alimentaire.  Elle a également lancé un programme de consultations publiques afin de garantir sa transparence. A voir si ces dispositions suffiront à endiguer le fléau lobbyiste.
Pour aller plus loin :Sur le lobbyisme, lire cet articleSur la dangerosité des OGM sur la santé humaine, lire cet article (anglais) qui vient de sortir
*"Conformément à l'article 2, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les États membres sont habilités à adopter des actes juridiquement contraignants qui restreignent ou interdisent la culture d'OGM sur leur territoire après que leur mise sur le marché de l'Union a été autorisée. Néanmoins, cette flexibilité ne devrait pas compromettre la procédure d'autorisation commune, en particulier le processus d'évaluation réalisé principalement par l'Autorité européenne de sécurité des aliments" même s' ils "ne sont pas autorisés à interdire, limiter ou entraver sa libre circulation".**Selon le concept d’équivalence en substance (mis en place par l’OCDE à la fin des années 90), un OGM ne doit pas comporter plus de risques que sa contre-partie non transgénique dont l’utilisation commerciale doit avoir déjà été démontrée sans risque. Autrement dit, si la PGM est de même composition que sa contre-partie non GM à l’exception du caractère transgénique, et que la contre-partie non GM a déjà fait l’objet d’une consommation sans générer de problème sanitaire, alors la PGM ne devrait pas poser de problème. A noter que ce concept n’est en aucun cas justifié scientifiquement par la « bonne science » réclamée par les promoteurs des OGM. Aucune publication scientifique n’a en effet établi qu’un lien pouvait être fait entre « les plantes ont la même composition à l’exception du caractère transgénique » et « la PGM ne pose pas de risque sanitaire ». Mais ce concept est pourtant d’application. (source: infogm.org).http://blogs.mediapart.fr/edition/la-mort-est-dans-le-pre/article/150915/le-paradoxe-europeen-face-aux-ogm

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