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d'après Maupassant (N°4)

Publié le 17 septembre 2015 par Dubruel

~~ Quand un cocu sans argent devient un veuf cousu d'or

D'après LES BIJOUX (27 mars 1883)

Commis à la mairie de Paris, Jacques Baratier, reprochait sans cesse à Pierrette, son épouse, son amour pour le théâtre. Lui, préférait rester chez lui et se coucher de bonne heure. Quand elle sortait, le soir, elle agrémentait toujours ses modestes toilettes d'un collier de faux rubis ou d'une belle parure en verroterie.

Une nuit d'hiver, Pierrette rentra à une heure fort avancée. Le lendemain elle toussait. Huit jours plus tard, elle décédait.

Jacques s'interrogea : ''Comment Pierrette réussissait-elle à acheter pour chacun de nos repas des mets si raffinés et de tels grands crus ? Puisque, moi, je suis fauché dès le vingt du mois.'' Soudain Jacques eut une idée : Je vais vendre toutes ses breloques, j'en tirerais bien un peu d'argent.

Il entra dans la bijouterie située au coin de sa rue. Un peu honteux d'étaler sa pacotille sur le bureau du commerçant, il demanda :

-" Je voudrais savoir à combien vous estimez ce collier ? "

-" Je pense qu'il vaut au moins quinze mille francs. "

À l'annonce de cette somme considérable, Baratier montra son étonnement. Le marchand lui proposa :

-" Cherchez donc ailleurs. Si vous n'obtenez pas mieux, n'hésitez pas à revenir me voir. " Baratier pensa ''Quel idiot, bon Dieu, ce joaillier ! Ne pas savoir distinguer le faux du vrai !''

Il se rendit néanmoins rue de la Paix chez un célèbre bijoutier qui examina le sautoir avec soin et s'exclama :

-" Je le connais. Il vient de chez moi ! "

-" Combien vaut-il ? "

-" J'en donnerai dix-huit mille. Si vous acceptez cette offre, je vous demanderais de bien vouloir m'indiquer vos nom et adresse, conformément à la loi "

-" Jacques Baratier, 16 rue de Charonne...Je ne suis qu'un modeste employé à la mairie. "

Le marchand saisit alors son registre et lut : '' Ce collier et son écrin ont été livrés 16 rue de Charonne à Mme Pierrette Baratier, Le 20 juillet 1866... ''

Epoustouflé, Baratier réfléchit : ''Ce ne peut être qu'un cadeau ! Mais de qui ? Oh ! Peu importe. Ressaisis-toi, Jacques. Les autres bijoux doivent aussi valoir beaucoup d'argent. À moi la belle vie maintenant ! ''

Baratier empocha dix-huit grands billets. et questionna le marchand :

-" J'ai d'autres bijoux...de cette succession. Voulez-vous les voir ? "

-" Oui, bien sûr, apportez-les-moi. "

En fin d'après-midi, Baratier revenait à la bijouterie avec son précieux coffret. Presque tout provenait de cette maison. Voici les estimations : six brillants d'oreilles : vingt mille francs, sept bracelets : trente-cinq mille, les broches et les médaillons : seize mille, le diadème : onze mille. Huit bagues : vingt-deux mille. Une parure de saphirs : quatorze-mille. Cent dix-huit mille francs au total.

Baratier alla diner dans un des meilleurs restaurants de la rive droite. Puis il rentra chez lui à pied. Il regardait les passants avec mépris et avait envie de leur hurler : ''J'ai deux cents mille francs !'' Le lendemain, il alla remettre sa démission au chef de la voirie municipale dont il dépendait et justifia sa décision ainsi :

-" J'ai reçu un legs de trois cents mille francs ! "

Puis il déjeuna à la Tour d'Argent. Tout excité, il prétendit au maître d'hôtel :

-" Je viens d'hériter de quatre cents mille francs ! " Et il a ri, mais ri !

Baratier n'attendit pas un an pour se remarier.


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