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Pourquoi n’avons-nous pas peur d’être surveillés sur le net ?

Publié le 18 septembre 2015 par Delits

Un grand débat oppose ceux qui souhaiteraient une plus grande régulation des contenus sur internet (propos racistes, sexistes, insultes, prévention du terrorisme) et ceux qui rêvent d'Internet comme une " free zone ", un lieu où personne n'est " fliqué " ni suivi à la trace par les autorités. C'est le même débat qui animait les défenseurs d'une liberté absolue face aux promoteurs d'une sécurité renforcée. La question est réapparue cette année après les attentats de janvier et la loi sur le renseignement qui ont fait plutôt pencher la balance en faveur de la sécurité. Selon un sondage CSA pour Atlantico[1], 67% des Français se disaient alors favorables à un dispositif automatique de surveillance des données de navigation de tous les internautes.

Faut-il croire que les individus négligent leur liberté de parole sur Internet ? En réalité, et notamment via les réseaux sociaux, il semble que ces derniers contrôlent déjà de façon croissante le contenu qu'ils diffusent et l'image qu'ils veulent donner à leur famille, à leurs amis et à leurs collègues. Ainsi on se dispensera bien de poster sur Instagram une photo des rues pluvieuses de Paris depuis son bureau un lundi mais on n'hésitera pas à mettre en ligne une photo de ses doigts de pied en éventail sur la plage pendant d'idylliques vacances d'été sur une île du Pacifique. Il semblerait que nous accordions davantage d'importance à nous contrôler qu'au fait que l'on nous contrôle. Une récente étude de l'Institut américain Pew Research " Teen, Technology and Friendship"[2] pointe le rôle des jeux vidéos, des réseaux sociaux et des Smartphones dans la mise en scène de soi chez les adolescents. Les outils connectés leur permettent de rencontrer de nouvelles personnes sur Internet : 57% des adolescents américains ont déjà rencontré un ami sur Internet. L'enjeu de ces nouvelles rencontres numériques pousse, dès le plus jeune âge, à choisir ce que l'on veut montrer, nécessitant une exigence minutieuse à chaque post ou chaque prise de parole. Seuls 20% des adolescents ont déjà rencontré un ami " In Real Life " (IRL) après l'avoir d'abord connu virtuellement. Cette mise en scène de soi est exacerbée pour les garçons de 13 à 17 ans qui sont plus d'un tiers à s'être fait un ami via les jeux vidéo dans lesquels ils incarnent un personnage.

La même étude montre que l'interconnexion via les réseaux sociaux incite les adolescents à se comparer entre eux, ce qui peut générer des frustrations et de la jalousie. De fait, certains se sentent contraints à projeter d'eux une image qui se veut attractive et populaire à travers leurs posts : 40% des adolescents qui utilisent les réseaux sociaux ressentent de la pression pour ne diffuser que du contenu sur lequel ils apparaissent à leur avantage vis-à-vis des autres. De la même façon, ils sont 39% à s'inquiéter du fait que leur nouveau statut, leur nouvelle photo ou leur nouvelle vidéo sera likée ou fortement commentée. La course aux likes incite à se montrer sous son meilleur jour et donc à scrupuleusement contrôler son image.

Les adolescents d'aujourd'hui sont les adultes de demain et nous pouvons faire le pari qu'ils sauront encore mieux contrôler leur image, ce qui minimisera leur crainte de se faire contrôler. A l'heure où tout est exposé sur Internet, il faudra surement chercher ailleurs que sur l'espace connecté nos vrais visages...

[1] http://www.atlantico.fr/decryptage/63-francais-favorables-limitation-libertes-individuelles-pour-lutter-contre-terrorisme-yves-marie-cann-2089085.html

[2] http://www.pewinternet.org/2015/08/06/teens-technology-and-friendships/


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