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Fragonard amoureux, galant et libertin

Par Mpbernet

Ce n’est pas cette partie des peintures érotiques – qui représente environ 20% de son œuvre – que j’apprécie le plus dans l’immense talent de Jean-Honoré Fragonard (1732 – 1806).

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C’est cependant celle qui retient le plus souvent l’attention : ces peintures coquines, lascives, licencieuses, voire parfois poissardes. Des débauches de lits froissés, de chairs laiteuses empoignées, de joues piquant un fard, de regards dérobés … C’est alors le legs de la période de la Régence (1715 – 1723) qui voit le triomphe des idées nouvelles, l’affranchissement des élites du carcan de la religiosité, l’appel aux savoirs de la culture antique, le clin d’œil permanent aux signes d’une érudition peu partagée.

Mais toujours, chez Frago, la lumière dorée et l’utilisation du jaune de Naples, la légèreté et le bouillonnement, le mouvement, la liberté de touche, un sfumato délicieusement estompé pourtant qualifié de « tartouillis » par ses détracteurs, des regards évocateurs, un dessin d’une précision redoutable.

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Fragonard a été l’élève de François Boucher et de Jean-Baptiste Greuze. Il a longuement étudié les classiques à Rome (entre 1756 et 1761), est reçu à l’Académie Royale de Peinture grâce à un tableau de genre mythologique spectaculaire autant qu’abscons et qu’il n’est pas courant de voir exposé : le sacrifice de Coresus (qui s’auto-poignarde) devant la belle qui l’a dédaigné, Callirhoé.

Quel contraste avec « Le baiser », « La jeune fille aux petits chiens », « La culbute » ou « Les débuts du modèle » …

Fragonard vivait des commandes de riches personnalités. Il rencontra le succès et ne fut pas un peintre maudit jusqu’à ce que les révolutionnaires ne lui reprochent sa trop grande proximité avec les puissants. D’autre part, sa vie personnelle et familiale n’avait rien à voir avec les scènes de libertinage – encore que ... C’était un homme de petite taille, roux, gai et réputé pour sa grande gentillesse, qui travaillait énormément pendant que son épouse – miniaturiste de talent -  gérait ses commandes.

Il faut imaginer l’audace du marquis de Véri qui plaçait côte à côte en 1777 les deux tableaux : « l’adoration des bergers » et « Le verrou » : un sommet de l’irrespect qui met en parallèle le sacré et l’acte sexuel. Mais la morale n’est pourtant pas si éloignée : les gravures de ce tableau se diffusent, associées à deux autres : « L’armoire » et « Le contrat » comme trois chapitres d’un même roman.

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Pour ma part, je reste émerveillée devant la grâce de ses portraits qui ont largement ma préférence. Et cette exposition, très riche, ne me fait pas changer d'idée.

Mais je reste étonnée aussi devant l’abondance de cette production libertine dans l’air de son temps. Pour ceux qui voudraient en savoir davantage sur la vie du Maître, je recommande la lecture – malgré certaines longueurs - du roman de Sophie Chauveau « Fragonard ou l’invention du bonheur ». Une excellente introduction à cette exposition.

Fragonard amoureux, galant et libertin, exposition au musée du Luxembourg, jusqu’au 24 janvier – tous les jours à partir de 10 h, 12€.


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