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Comment les énergies vertes font leur chemin dans les campagnes françaises

Publié le 20 septembre 2015 par Blanchemanche
#énergiesvertes #Transitionénergétique
Le Monde.fr | 20.09.2015 

Par Pierre Le Hir (Thouars (Deux-Sèvres), envoyé spécial)


Des champs irrigués au goutte-à-goutte à Pas-de-jeu, près de Thouars, dans les Deux-Sèvres, en mai 2014.Des champs irrigués au goutte-à-goutte à Pas-de-jeu, près de Thouars, dans les Deux-Sèvres, en mai 2014. GUILLAUME SOUVANT / AFP

C’est un long bâtiment aux façades de bois clair, entouré de jardins potagers. Une quarantaine de jeunes en insertion professionnelle, apprentis, intérimaires ou travailleurs saisonniers, y font escale un an ou deux, le temps d’entrer dans la vie active. « Trop bien, trop cool », dit Ahmed, vingt ans, qui recherche un emploi en rêvant à un avenir de footballeur. « Cool » est le terme juste : ouverte voilà deux ans dans la petite commune de Thouars (Deux-Sèvres), la résidence est de conception bioclimatique, avec exposition plein sud, auvents brise-soleil, ventilation à double flux, isolation intérieure et extérieure, chaudière à bois et panneaux solaires pour l’eau chaude sanitaire.


A quelques kilomètres de là, dans le village de Saint-Varent, un pôle santé flambant neuf regroupe quatre médecins, six infirmières et un masseur-kinésithérapeute. Les locaux, eux aussi bioclimatiques, sont raccordés à une chaufferie au bois et les toits tapissés de capteurs solaires. « D’où une faible consommation et des charges réduites, ce qui a facilité l’installation des professionnels de santé et empêché que le secteur ne se transforme en désert médical », souligne Delphine Maisonneuve, chargée de mission énergie.Ces deux réalisations de la communauté de communes du Thouarsais, qui fédère 33 communes et 36 000 habitants, illustrent comment, à l’échelle locale, la maîtrise de l’énergie est un enjeu non seulement environnemental, mais aussi économique et social. Une démarche dont le Thouarsais est l’un des pionniers. Ce qui lui a valu d’accueillir les cinquièmes rencontres nationales des Tepos : les « territoires à énergie positive », qui cherchent à restreindre le plus possible leurs besoins et à les couvrir par des ressources renouvelables locales, en réduisant ainsi leurs émissions de gaz à effet de serre.

Déchets, soleil et vent


« Si nous ne voulons pas que la planète aille dans le mur, nous n’avons plus le choix. Nous devons tous, particuliers, industriels, agriculteurs, changer nos modes de production et de consommation, plaide Bernard Paineau, maire (PS) de Mauzé-Thouarsais et président de la structure intercommunale. Cela peut paraître utopique, mais c’est un objectif accessible et motivant, qui dynamise nos territoires. »Engagé dès 2007 dans un plan climat-énergie, le pays Thouarsais, dont le périmètre s’est depuis élargi, s’est ainsi lancé dans la construction d’un parc diversifié de production d’énergies vertes, avec le soutien financier de la région Poitou-Charentes – dont la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, a été la présidente de 2004 à 2014 – et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).Cette terre d’élevage, de cultures céréalières, de vignobles et de vergers, réputée pour ses melons, s’est équipée d’une unité de méthanisation de 2 mégawatts - l’une des plus grosses de France - à laquelle sont associés une soixantaine d’agriculteurs ainsi que plusieurs entreprises agro-alimentaires. Elle récupère, dans un rayon court de 10 km, 75 000 tonnes par an de fumier, lisier, déchets d’abattoirs et autres résidus agricoles, ce qui génère, par combustion du biogaz issu de la fermentation de la matière organique, l’équivalent de la consommation électrique de 8 000 habitants, tout en fournissant de la chaleur à une usine d’aliments pour bétail. Elle livre aussi aux agriculteurs un compost naturel (le résidu de la méthanisation, ou digestat) qui évite l’épandage de 600 tonnes d’engrais chimiques par an. A la clé, dix emplois permanents.
La ministre de l'écologie, Ségolène Royal, inaugure un parc photovoltaïque à Thouars, en mai 2014.Ce n’est pas tout. Un ancien site militaire de 70 hectares, dont le sous-sol était truffé d’explosifs et de munitions, a été partiellement dépollué. Il abrite aujourd’hui deux grands parcs photovoltaïques d’un total de 19,5 mégawatts et des éoliennes y seront bientôt plantées. S’ajoutent une douzaine de chaufferies au bois alimentées par des scieries voisines, qui approvisionnent en chaleur collèges, piscine, salles de sport ou maisons de retraite.

« Cela redonne toute son importance à la ruralité »


Le Thouarsais affiche à présent une production annuelle de 133 gigawatts-heure à partir de filières renouvelables locales. Soit 42 % de la consommation énergétique de son parc résidentiel, mais seulement quelque 10 % de l’ensemble de ses besoins énergétiques. Le « 100 % renouvelable » visé en 2050 reste encore un horizon lointain. Mais de nouveaux projets sont en cours, comme des fermes éoliennes ou une unité de gazéification de déchets industriels couplant production de chaleur et d’électricité : un investissement de 48 millions d’euros qui doit créer une cinquantaine d’emplois. « Nous allons poursuivre le travail de fond mené depuis dix ans auprès des élus, de la population, des chefs d’entreprise, promet Bernard Paineau. Sur les économies d’énergie, les marges de manœuvre sont encore importantes. »« A un moment donné, il faut être cohérent. Un développement juste et harmonieux ne peut être que durable, défend Pierre Rambault, maire (radical) de Saint-Varent et vice-président de la communauté de communes. Et puis, cela redonne toute son importance à la ruralité. Car c’est la campagne, qui dispose de ressources naturelles, qui pourra fournir aux villes une énergie durable. »

Verrou culturel


Si le Thouarsais a labouré le terrain, il n’est plus isolé. Une cinquantaine de zones rurales participent aujourd’hui au réseau des Tepos, créé en 2011 et animé par le Comité de liaison des énergies renouvelables (CLER). Les plus de 400 participants présents aux rencontres nationales attestent que le mouvement prend de l’ampleur, même s’il est beaucoup moins développé qu’en Allemagne ou en Autriche.« Le verrou culturel qui caractérisait la France en matière d’énergie, du fait de son organisation centralisée et de la position monopolistique d’EDF, est en train de sauter, assure Yannick Régnier, du CLER. Les collectivités locales s’approprient leur énergie. Les choses bougent. »La loi de transition énergétique, dont l’article premier stipule que « l’Etat, les collectivités territoriales, les entreprises, les associations et les citoyens associent leurs efforts pour développer des territoires à énergie positive », devrait accélérer la cadence. Un premier appel à projets, lancé en septembre 2014 par Ségolène Royal, a retenu 212 « territoires à énergie positive pour la croissance verte ». Chacun d’entre eux - dont celui du Thouarsais - a reçu une enveloppe de 500 000 euros qui pourra être portée, pour les plus exemplaires, à 2 millions d’euros. Un nouvel appel à candidatures est déjà prévu. Les campagnes françaises passent au vert.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/energies/article/2015/09/20/comment-les-energies-vertes-font-leur-chemin-dans-les-campagnes-francaises_4764756_1653054.html#cuxuzddSCiZqwXuy.99

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