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Le PS et son référendum, ou le cynisme malhabile et dépolitisé

Publié le 23 septembre 2015 par Blanchemanche

#PS
20 SEPTEMBRE 2015 |  PAR STÉPHANE ALLIÈSJean-Christophe Cambadélis escompte organiser un référendum sur les marchés pour convaincre les appareils de l’autre gauche de la pertinence de l’union aux régionales de décembre. Peut-on à ce point vivre dans un monde parallèle ?Le PS et son référendum, ou le cynisme malhabile et dépolitisé©http://www.atlantico.fr/Ce pourrait être drôle si ça ne devenait pas grotesque. Voilà désormais que le parti socialiste entend organiser un référendum pour s'adresser « directement » au « peuple de gauche » et« dépasser les partis tels qu'ils sont aujourd'hui », afin de lui demander s'il est favorable à l'union entre le PS et les autres partis de gauche aux régionales de décembre (lire ici). Voilà une belle entreprise de culpabilisation des partis de gauche divorcés du PS, afin de les contraindre à l’unité. Jean-Christophe Cambadélis était l’un des artisans de la gauche plurielle, il tente désormais de sauver les apparences d’une gauche “plus rien” en lambeaux.Après s’être éloignés de la gauche en lui tournant le dos, voici que les socialistes l’appellent à la rescousse. Car comme l’a dit François Hollande lors de sa dernière conférence de presse émolliente : « La dispersion, c’est la disparition. » Alors, va pour une consultation des sympathisants, histoire de ramener tout le monde à la raison, et tout sera réglé. Sauf que la ficelle est trop grosse pour espérer faire chanter à la gauche des cris d’amour pour l’union face au péril fasciste. Elle est en réalité une liane destinée à étrangler toute distance critique d’une action gouvernementale désavouée.Sur la forme d'abord, l’initiative est insensée. Prévu pour se tenir du 16 au 18 octobre, soit deux semaines avant le dépôt des listes aux régionales, que signifie cet « appel à la raison », alors même que depuis six mois, aucune mesure au sommet n'a fait se réjouir la gauche de gauche et les écologistes, et qu’aucune discussion conciliante entre responsables locaux ne s’est produite sur le terrain ?Il est toutefois intéressant de noter que les derniers exercices de ce type auxquels s’est livré le PS concernaient la non-privatisation de La Poste et le droit de vote des étrangers. C’était à la charnière des années 2010. Dans l’opposition, et avec tous les partis, syndicats et associations de gauche. Et cela ne se passait pas que sur « les marchés ». Citer ce lieu comme « bureau de vote type » en dit d’ailleurs long sur la sociologie du PS, ou ce qu’il en reste. Cambadélis devrait ne pas oublier non plus d’installer une urne dans le hall de l’ENA, de Havas (ex-Euro RSCG) et du Medef. L’intérêt pour un tel vote y sera sans doute plus élevé que dans les quartiers populaires ou les parkings de sortie d’usines.En soi, Cambadélis n’est pas à blâmer pour avoir décidé de consulter les gens de gauche. La démarche est saine car elle développe l’idée que la société (dé)mobilisée doit s’approprier à nouveau la politique en général, et la gauche en particulier. Mais pourquoi n’avoir pas imaginé de tels référendums pour indiquer au pouvoir si l’électorat de François Hollande était en accord avec le socialisme de l’offre, l’abandon du récépissé de contrôle d’identité comme de la réforme fiscale ou celui de la PMA dans le mariage pour tous ? Le PS devrait plutôt faire un référendum pour savoir si ses électeurs considèrent encore l'action du gouvernement comme de gauche…Il est tout de même croquignolet de voir le PS solliciter le vote des sympathisants alors que, lors des élections intermédiaires, sa direction a massacré l’idée et la dynamique des primaires citoyennes (là où le Parti démocrate italien, qui a assumé bien plus sincèrement son virage idéologique, a su maintenir cet outil démocratique qui lui permettait de ne pas se couper de sa base). Il est aussi croquignolet de voir surgir cet appel à l’électorat à un moment où l’appareil socialiste n’a jamais été aussi recroquevillé sur lui-même.Quand Jeremy Corbyn se fait élire à la tête du Labour, c’est à l’issue d’un processus ouvert aux adhésions des sympathisants (moyennant l’équivalent de 3 euros). Et c’est avec 250 000 voix et un score de 60 %. Cambadélis a également recueilli 60 % des suffrages militants, mais ils n’étaient que 40 000 adhérents socialistes à jour de cotisation à l’avoir soutenu au dernier congrès. Au lendemain de l’élection de Corbyn, le Labour a de son côté enregistré 15 000 nouvelles adhésions, dont beaucoup de jeunes. Aujourd’hui, le nombre d’élus inscrits sous l’étiquette socialiste est évalué à 33 000, et il ne reste plus beaucoup de militants désintéressés et encore mobilisés…Déjà, il y a une semaine, Cambadélis s’était fendu d’une lettre aux partenaires du PS pour les convaincre de la nécessité d’une « belle alliance ». Il se prononçait pour « l’ouverture d’une discussion collective, pour bâtir une route commune » et « offrir un espace commun à la nouvelle gauche ». Mais sans parler un instant de l’orientation gouvernementale des socialistes au pouvoir.Or, pour permettre une « belle alliance », encore faudrait-il commencer par mener une « belle politique ». Engager en profondeur la transition écologique, réaliser une réforme fiscale d’ampleur et une réforme démocratique audacieuse, et œuvrer avec fierté contre les discriminations. Tel n’est pas le cas et seul le PRG continue à se dire allié du PS en responsabilité, en échange d’accords électoraux fort avantageux. « Aujourd'hui, je ne pense pas que c'est avec une inflexion programmatique que nous pourrions faciliter l'union. La fragmentation et l'orientation ne sont pas corrélées », évacue Cambadélis de façon hallucinante.Quant à la pratique politique sous-entendue par cet “appel au peuple”, quel sens y a-t-il à ainsi opérer ? Dans le même temps qu’il a affirmé son projet de référendum, à l’issue d’un conseil national tenu comme d’habitude à huis clos, Cambadélis a aussi évoqué son plaisir à accueillir les dissidents écologistes sur les listes PS aux régionales. « Quand on frappe à notre porte, on n'est pas du genre à la laisser fermer »dit-il, pas bégueule. Après ne pas avoir réussi à rompre avec le sarkozysme à Matignon et à l’Élysée, voilà que Solférino ne parvient même plus à rompre tactiquement avec sa pratique, enchaînant caporalisme, hégémonisme et débauchage assumé.  En attendant, des alliances à gauche se font aux régionales, mais sans le PS. De façon sporadique et sans grand enthousiasme ni bienveillance, certes. Mais sans lui. Et ce n’est pas avec ce cynisme dépolitisé de tout enjeu, malhabile et déconnecté, que François Hollande et Manuel Valls peuvent espérer rabibocher une gauche qu’ils n’ont cessé de fracturer.

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