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Bras de fer entre les USA et la DRS algérienne

Publié le 04 octobre 2015 par Amroune Layachi
Bras de fer entre les USA et la DRS algérienne Algérie : les vraies raisons de l'éviction du patron de la police politique Vu son rôle central au sein du pouvoir algérien, le "limogeage", le 13 septembre dernier, du général Mohammed Médiène (dit "Tewfik") de son poste de chef du DRS (les services secrets de l'armée, véritable police politique) a fait couler beaucoup d'encre, en Algérie et à l'étranger. Et a suscité un flot d'explications contradictoires, voire relevant de la pure désinformation. D'où l'importance de l'article très complet publié ce 4 octobre par l'association Algeria-Watch (qui documente et dénonce depuis 1997 les violations des droits humains en Algérie) sous le titre "De Tewfik à Tartaf : un criminel contre l'humanité en remplace un autre à la tête des services secrets algériens", et que je reproduit ici. De Tewfik à Tartag : un criminel contre l'humanité en remplace un autre à la tête des services secrets algériens Algeria-Watch, 4 octobre 2015 13 septembre 2015, 14 h 44 : coup de tonnerre dans le ciel (pas du tout serein) du sérail du pouvoir algérien. Un très sec communiqué de la présidence de la République annonce qu'elle " a mis fin à ce jour aux fonctions de chef du Département du renseignement et de la sécurité [DRS], exercées par le général de corps d'armée Mohammed Médiène, admis à la retraite[1] ". Vingt-cinq ans après sa nomination, le 3 septembre 1990 (par un décret présidentiel resté secret à l'époque), à la tête du DRS, la police politique algérienne, héritière de la redoutable Sécurité militaire de Boumediene, le général Médiène (76 ans), dit " Tewfik " - pourtant spécialement décoré de la " médaille de bravoure " par le ministère de la Défense nationale le 5 juillet 2015[2] -, est remplacé par l'un de ses anciens adjoints, le général Athmane Tartag (65 ans), dit " Bachir " (de son vrai nom El-Bachir Sahraoui). Aux origines : la " sale guerre " des années 1990 Régulièrement et faussement donné " partant " depuis 1995 par les ragots récurrents de la presse algéroise[3] , celui qui a longtemps été considéré, à juste titre, comme l'" homme fort " du pouvoir politique et économique algérien, aurait donc été officiellement " débarqué " par le président Abdelaziz Bouteflika (78 ans), lequel incarne depuis 1999 la façade " démocratique " de l'" Algérie Potemkine "[4] . Une fable d'autant plus invraisemblable que nul n'ignore que ce dernier, victime d'un grave accident de santé en novembre 2005 (on a parlé alors d'un cancer à l'estomac), puis d'un accident vasculaire cérébral en avril 2013, est depuis lors très diminué ; au point que depuis sa quatrième réélection (frauduleuse comme les précédentes) en avril 2014 à la tête de l'État, il n'est plus qu'une sorte d'ectoplasme politique ne disposant, au mieux et grâce à force drogues, que de quelques heures de lucidité quotidienne. Et donc dénué du moindre pouvoir réel. C'est pourquoi le tsunami de commentaires qui a accompagné le départ du général " Tewfik " Médiène dans la presse algérienne (officielle comme " opposante ", imprimée ou " en ligne ") doit être considéré avec les plus grandes précautions, tant s'y mêlent les désinformations made in DRS et les élucubrations les plus absurdes. Perplexes à juste titre face à ce nouvel épisode relevant de la difficilement décryptable " kremlinologie " algéroise, les médias occidentaux se sont en général cantonnés à l'évocation prudente de la thèse avancée par la plupart des médias algériens : l'éviction du général " Tewfik " Médiène et de son " clan " marquerait le triomphe du " clan Bouteflika ", incarné par Saïd Bouteflika, frère cadet du président qui tirerait les ficelles à sa place ­ - dans le but, selon certains, de le remplacer. Tewfik et la " machine de mort " Certains des crimes contre l'humanité commis alors à l'initiative de Tewfik Médiène et de ses collègues ont notamment été révélés en 2001 par le lieutenant dissident Habib Souaïdia, dans son livreLa Sale Guerre, où il relatait les atrocités dont il avait été le témoin[9] . Puis par un autre officier dissident en 2003, le colonel Mohammed Samraoui, qui a détaillé dans sa Chronique des années de sang les modalités de l'instrumentalisation de la violence " islamiste " par les chefs du DRS et de l'ANP[10] . En octobre 2003, Algeria-Watch et le militant algérien Salah-Eddine Sidhoum ont publié le rapport Algérie, la machine de mort, qui établissait en détail, témoignages à l'appui, le fonctionnement de l'appareil répressif largement clandestin mis en œuvre par ces derniers[11] . En 2004, dans un livre de référence, Françalgérie. Crimes et mensonges d'États, les journalistes Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire ont très précisément synthétisé et mis en perspective l'ensemble des informations alors disponibles permettant de comprendre la mise en place de cette " machine de mort ", ainsi que la complicité des autorités françaises dans ce processus[12] . Un travail complété et détaillé, la même année, par le Comité justice pour l'Algérie, organisateur à Paris de la 32esession du Tribunal permanent des peuples consacré aux " Violations des droits de l'homme en Algérie, 1992-2004[13] ". Et depuis lors, Algeria-Watch n'a cessé de documenter, par de multiples études et communiqués, le rôle du DRS et de son chef Tewfik dans ce terrorisme d'État, toujours actif en 2015, certes sous de nouvelles formes. Un pari malheureusement gagné pour l'essentiel, comme l'atteste entre mille exemples le silence qui a accueilli en France la publication en 2008 du bouleversant et révélateur témoignage posthume du journaliste algérien Saïd Mekbel, assassiné le 3 décembre 1994 par des " islamistes "[14] . Dans ces entretiens accordés à l'automne 1993 à la journaliste allemande Monika Borgmann, l'éditorialiste du quotidien Le Matin - où il soutenait pourtant avec constance la politique d'" éradication " des islamistes poursuivie par les généraux janviéristes - expliquait pourquoi il était convaincu que les meurtres d'intellectuels laïques qui se multipliaient depuis quelques mois, attribués aux GIA (ou revendiqués par eux), étaient en réalité commandités par le général " Tewfik " Médiène : il s'agissait selon lui d'un " terrorisme pédagogique ", visant à " réveiller la société civile "[15] . Et il disait sa conviction que s'il était tué à son tour, ce serait sur son ordre. Tartag, le " monstre " de Ben- Aknoun " Cette unité était constituée de plusieurs groupes de six à dix éléments accoutrés en tenue "afghane" et portant des barbes d'une dizaine de jours. Au milieu de la nuit, à bord de véhicules civils banalisés, ils se rendaient dans les quartiers "islamistes" comme Cherarba, Les Eucalyptus, Sidi-Moussa, Meftah, etc., pour cibler des familles bien précises, celles des islamistes recherchés. Ils frappaient à la porte en criant : "Ouvrez, nous sommes desmoudjahidine." Dès que la porte s'ouvrait, les occupants étaient tous massacrés. Le lendemain, les quotidiens nationaux attribuaient ces crimes aux islamistes ou à la guerre fratricide déchirant leurs rangs. En 1993 et 1994, le bilan quotidien de ces exactions variait de dix à quarante victimes. Dans son livre, Mohammed Samraoui révélera également que Tartag était particulièrement impliqué, dès 1992, dans l'infiltration et les manipulations des premiers groupes armés islamistes, puis dans le pilotage des groupes directement contrôlés par le DRS, comme le Front islamique du djihad armé (FIDA) et le Groupe islamique armé (GIA) de Djamel Zitouni[18] . Parmi les innombrables horreurs perpétrées par ces " groupes islamiques de l'armée ", principalement contre la population civile, il faut très probablement inscrire l'assassinat - revendiqué par le GIA - à Alger, le 3 août 1994, de trois gendarmes et deux fonctionnaires français. En effet, écrivent Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire : " Si l'opération semble bien avoir été exécutée par un groupe armé contrôlé par le DRS, celui de l'"émir" Mahfoud Tadjine, adjoint de Chérif Gousmi et numéro deux du GIA, plusieurs témoins affirment qu'elle fut organisée par le colonel Bachir Tartag, le patron du CPMI de Ben-Aknoun. Aucune enquête n'a été diligentée par Paris sur l'assassinat de ses cinq gendarmes et fonctionnaires, mais toutes les informations disponibles montrent qu'il s'agissait d'une vaste manipulation destinée [...] à faire basculer la France dans le camp éradicateur[19] . " 2013-2015 : l'" effeuillage du DRS " et la valse des dirigeants - juillet 2015 : le général-major " Ali " Bendaoud, réputé proche de Tewfik, est remplacé à la direction de la DSI par le général Abdelkader (qui dirigeait le CTRI de Blida, de sinistre mémoire, depuis 2005) ; la Direction générale de la sécurité et de la protection présidentielle (DGSPP), qui dépendait du DRS, est rattachée à l'état-major de l'ANP (son patron, le général Djamel Lekhal Medjdoub, est remplacé par le général Nacer Habchi) ; tandis que le général-major Ahmed Moulay Meliani, patron de la Garde républicaine, est remplacé par le général-major Ben Ali Ben Ali, chef de la 5e région militaire ; Le rôle majeur des pressions américaines dans la prétendue " normalisation " du DRS Première pièce d'information manquante de ce puzzle : les dessous de la gigantesque prise d'otages opérée le 16 janvier 2013 sur le site gazier de Tiguentourine - à 60 km de la petite ville saharienne d'In-Amenas -, qui s'est soldée par la mort de trente-neuf otages étrangers, un otage algérien et trente-deux assaillants. Dans un article de l'ex-lieutenant Habib Souaïdia[23] , Algeria-Watch a révélé, un mois après ce drame, ce qui s'est passé alors : selon les informations précises[24] qu'il a alors recueillies auprès de " militaires patriotes bien informés " - des officiers qui étaient présents au sein de la cellule de crise constituée sur place par des responsables des forces spéciales de l'ANP et du DRS -, c'est le général Athmane Tartag, alors chef de la DCSA, qui a ordonné aux hommes du GIS, commandés par le général " Hassan ", de " tirer dans le tas " : les missiles tirés par leurs hélicoptères ont indistinctement tué les terroristes islamistes et les otages occidentaux qu'ils détenaient (dont dix Japonais, neuf Philippins, six Britanniques, cinq Norvégiens, trois Américains et un Français). Cette information sur le rôle direct du DRS dans ce drame n'a été reprise par aucun des grands médias occidentaux[25] . Mais les services de renseignements des principaux États occidentaux impliqués en Algérie (CIA et NSA pour les États-Unis, MI6 pour le Royaume-Uni, DGSE pour la France) l'ont évidemment connue avant Algeria-Watch, tout en se gardant bien de le reconnaître - ce qui les conduira d'ailleurs à exercer des pressions constantes sur les familles des victimes pour qu'elles cessent de se battre sur le plan judiciaire afin d'obtenir vérité et justice. A Suivre........

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