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Comprendre

Publié le 09 octobre 2015 par Alteroueb

Le bus, le métro constituent mon quotidien invariable : c’est mon mode de déplacement incontournable, au milieu d’un foret de regards hagards qui évitent à tout prix de se croiser. Mais on perçoit aussi çà et là des conversations plus ou moins feutrés qui se révèlent être souvent fort intéressantes. Au-delà des petites histoires personnelles, certaines discutions témoignent de la manière dont l’actualité est perçue par la frange de la population qui constitue une bonne partie – du moins suffisamment significative – de la société : étudiants, précaires, prolétaires… Pour en prendre le pouls du moment, prenez le métro, et laissez traîner les oreilles.

Et ce que j’y ai entendu à propos de «l’incident» lors du comité central d’entreprise de Air France m’a suffisamment marqué pour l’évoquer ici. A chaque fois que ce sujet était cité, les personnes ne semblaient nullement choqués par les faits, comme la presse et Manuel Valls l’ont martelé. Au contraire. Il semblait que dans de nombreux cas, la chose aurait très bien pu se passer chez eux de manière identique. Et que, si tel n’était pas le cas encore, cela n’allait tarder tant certains dirigeants, assurément, le méritaient.

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Tout de même, ce genre de propos font réfléchir. Pour ma part, l’utilisation de la violence n’est guère acceptable, quelle qu’en soit la forme. Cela dit, nul besoin regarder bien loin en arrière pour constater que les mouvements et défilés pacifiques, aussi imposants soient-ils, sont purement et simplement ignorés. Mais en cassant, comme les bonnets rouges, un exemple parmi d’autres, on médiatise, et on obtient… sauf si on est écologiste, sauf si l’on vient d’une cité célèbre pour abriter une population grouillante et basanée.

Puis reste la notion de degré. La violence physique est immédiatement condamnée, celle des attitudes et des faits jamais. Le mépris et la froideurs des décideurs annonçant l’anéantissement social de milliers de gens sans aucun état d’âme sont souvent d’une violence inouïe, mais personne alors ne s’en offusque. Il n’y a plus ni ministre, ni presse pour dénoncer des méthodes ahurissantes. La condamnation subie est sans appel, et vous fait passer ensuite dans la catégorie des fainéants profiteurs, assistés professionnels, comme tous ces sans-emplois qui ne font rien pour retrouver de l’activité. Une double peine, qui vous fait perdre bien plus qu’une chemise.

Quand une entreprise décide d’un plan d’économies, ce n’est jamais les décideurs qui font les frais de l’opération, ce sont les subalternes qui trinquent. Ceux qui déclarent les guerres n’y envoient pas leurs enfants, mais ceux des autres…

Et malgré tout, on parle du dialogue social, qui n’a de dialogue que le nom. En écoutant le monde autour de nous, on remarque juste que cela craque de partout, que les endroits ou l’on se parle encore dans les entreprises font figure d’exception digne du Guiness’book. Car on se rend compte que le management actuel ressemble de plus en plus au management par la peur. La mésaventure Volkswagen en cours, pourtant sans lien apparent avec Air France, laisse petit à petit entrevoir toute la lourdeur et l’intransigeance d’un management moderne et inhumain, poussant peut-être des ingénieurs apeurés à concevoir de curieux dispositifs pour réaliser des objectifs inatteignables… Possible ou pas, le cas est cependant révélateur d’un malaise généralisé qui ne peut qu’éclater de la sorte. Surtout qu’au final, ce sont les ouvriers qui feront les frais de l’affaire et se retrouveront à poil.

Dans mon entourage plus ou moins proche, ce n’est guère différent. Il est un endroit ou toutes les attitudes sont injustes, incompréhensibles, voire contre-productives, quand elles ne sont pas carrément brutales et volontairement humiliantes pour les personnels. Il y a un espèce de sadisme malsain qui renvoie systématiquement la même réponse à toute requête, personnelle ou collective : c’est non, entretenant une colère sourde dans un cocktail de plus en plus détonnant. C’est très mal de le dire, mais il y en a quelques-uns que j’apprécierais bien de voir décamper en caleçon.

Je le dis cependant fermement : je n’approuve pas. Comment je pourrais-je ? Mais je comprends. Le désespoir peut pousser à de telles extrémités irrationnelles. Il faut condamner la violence, mais sans être aveugle, sans oublier la tyrannie du chiffre, le despotisme des élites qui savent mieux que quiconque ce qui est bon pour les masses. Une société dans laquelle la violence est tolérée devient invivable. Et de toute évidence, on y est.

Voyez cette vidéo captée lors du fameux comité central d’entreprise de Air France. Continue t-on ainsi ?


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