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441ème semaine politique: ce que Jean-Luc Mélenchon a compris. Et pas les autres.

Publié le 17 octobre 2015 par Juan

441ème semaine politique: ce que Jean-Luc Mélenchon a compris. Et pas les autres.

Marine Le Pen est restée silencieuse. Nicolas Sarkozy est resté prévisible, troublé après de nouvelles accusations de fraude par un ancien proche. Manuel Valls est resté inaudible après son voyage enthousiaste dans la dictature saoudienne.

Seul Jean-Luc Mélenchon a compris ce qui se passait.


La fraude
Nicolas Sarkozy pouvait ignorer les déclarations de Silvio Berlusconi ("obsédé par l'argent")
ou de Patrick Buisson ("Un bon candidat, mais un mauvais président") à son encontre. Il y avait pire.
Jérôme Lavrilleux a tout balancé, puisque c'est la guerre des droites à nouveau. L'ancien directeur de campagne de Sarkozy en 2012, s'est lâché devant les colonnes de l'Obs. Et il a même accusé Sarko de lâcheté.
"Il se défausse, il vit dans un monde irréel et ne sait pas assumer. Les grands chefs sont pourtant ceux qui assument" Lavrilleux à propos de Sarkozy.
En cause, la révélation, par la presse, que Sarkozy avait confié aux enquêteurs de l'affaire Bygmalion, dans le huit-clos de leurs bureaux, qu'il ne savait rien mais que Copé avait forcément manigancé tout seul cette incroyable fraude aux règles de financement électoral. Cette trahison de Sarkozy ne passe pas chez Copé. Même les époux Balkany, dont la Justice a fini par cerner l'ampleur de la fortune et de la fraude présumée, n'ont rien balancé contre Sarkozy.
Lavrilleux, proche de Copé, agit à charge et sur commande. "Les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012 ont dérapé, et pas seulement le budget consacré aux meetings. Il ne faudrait plus appeler cette affaire 'Bygmalion', mais celle des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy".
Mercredi à Limoges, le trouble de Sarkozy était notable. Sur l'estrade d'un meeting régional pour soutenir une femme d'affaires désignée candidate,  l'ancien monarque bafouille quelques formules incompréhensibles qui font le bonheur du Petit Journal de Canal+: "Je voudrais leur dire qu'on a reçu le coup de pied au derrière mais que c'est pas parce que vous voulez renverser la table que vous descendez de la voiture dont vous vous abstenez de choisir le chauffeur."
Une presse aveuglée par ces déconvenues croit que Sarkozy est mal parti pour le scrutin présidentiel de 2017: déconsidéré au centre à cause de ses outrances frontistes, peu crédible à cause de son bilan, caricaturé par lui-même et dépassé par ses propres casseroles judiciaires, il a pourtant toutes ses chances. D'abord, il y a fort à parier qu'il gagnera une primaire à droite réduite au corps électoral des ultra-fans sarkozystes. L'ancien monarque a réduit les adhérents à quelques dizaines de milliers de supporteurs. Cela suffira pour remporter la primaire contre un Juppé qui travaille davantage les sondages que son électorat primaire, et un Fillon qui multiplie les bourdes.
La colère
Des policiers étaient en colère, mercredi, sous les fenêtres de la Garde des Sceaux, contre le "laxisme des juges". Des avocats aussi, mais ailleurs. Ils protestent sur la trop faible rémunération de l'aide juridictionnelle, celle-là même qui sert aux prévenus les plus démunis.
Mais ces colères-là restent anecdotiques dans le débat national à côté d'une autre inquiétude.

"La résistance et la colère doivent être plus contagieuses que la peur." Cette simple phrase lâchée sur les réseaux sociaux a effrayé et indigné. Jean-Luc Mélenchon a encore choqué les bonnes âmes. Mardi matin sur RMC, découvrant quelques heures plus tôt que cinq salariés d'Air France soupçonnés de violences contre le DRH de la compagnie le 6 octobre dernier avaient été arrêtés au petit matin à leur domicile puis placés en garde à vue, le leader du Front de gauche exprime sa solidarité avec les arrêtés. "On ne va pas chercher à 6 heures du matin dans leur lit des gens qui n'ont aucune intention de s'enfuir. (...) On n'a pas été chercher Cahuzac à 6h du matin". Là est l'argument, central et justifié, contre ce double poids. Après le scandale socio-économique - Air France, ses 2000 nouveaux licenciements pour 100 millions de CICE, la preuve de l'inefficacité d'un pacte irresponsable - le désastre politique. Car comment qualifier l'image que renvoie un gouvernement qui laisse/autorise/ordonne à la police d'arrêter des salariés au petit matin devant leur famille. Mélenchon est seul, bien seul, a comprendre ce qui se trame parmi nos dirigeants nationaux.
"Monsieur Bourdin, atterrissez ! C'est la France ici, ce n'est pas la monarchie !"
Pour ses contradicteurs, l'occasion était trop belle de fustiger cet appel à la colère rapidement assimilée à un appel à la violence.

Sacrilège et tremblements ! Emoi dans les rédactions ! Vapeurs à Solférino ! Le quotidien libéral l'Opinion publie une fausse pub du Front de gauche devant une affiche figurant Hollande et Valls la chemise déchirée avec ce slogan détourné: "demain on leur enlève le bas". Une caricature que Melenchon reposte avec humour sur sa page Facebook.  Sur Europe 1, l'ancien compagnon-philosophe de Carla Bruni, Raphaël Enthoven, s'exclame: "Comment Jean-Luc Mélenchon peut-il demander à la loi de ne pas être la même pour tous ?" Dans les colonnes de Challenges, l'économiste libéral Philippe Manière renchérit: Mélenchon "refuse" l'état de droit. "Air France, les mots de trop" s'indignent les Echos.

La théâtralisation de la sanction contre une poignée de salariés d'Air France qui ont dérapé dans l'émotion et la colère est un spectacle honteux, désespérant, et grossier. Aussi désespérant et grossier que ce nouvel hallali médiatique sur le seul leader national à avoir exprimé une solidarité avec des salariés pris dans une instrumentalisation politique assez lunaire.
Bizarrement, rares ont été ceux à commenter l'assourdissant silence de Marine Le Pen ou les commentaires de son triste sire Florian Philippot sur cette affaire ("Quand on agresse quelqu'un, on est un voyou"). Les dirigeants du FN, si prompts à parler "peuple", rappellent involontairement de quel côté du bâton ils sont en réalité.
Au gouvernement, ou plutôt à l'Elysée, on commence à peine à réaliser la bévue de cette théâtralisation.  Visitant une bourse du travail, Emmanuel Macron évite un pot de crème-dessert jeté par une représentante syndicale en colère, et les banderoles de la CGT à l'entrée du bâtiment. Visitant l'usine STX à Saint-Nazaire, où il croyait retrouver des salariés heureux de la reprise des commandes, François Hollande est tout interloqué quand deux représentants CGT au calme froid refusent de lui serrer la main et rappellent que STX licenciera quand même 40 personnes: "Il n'y a pas de politesse à avoir, il y a des actes concrets à faire."

Échange entre Francois Hollande et Sebastien... par OuestFranceFR
Le ridicule
Vendredi 16 octobre, Manuel Valls, la mèche trop courte pour qu'elle vole au vent sous les assauts de la Tramontane, inaugure un mémorial au camp de Rivesaltes, où des milliers de républicains espagnols, juifs, harkis, et tziganes, furent internés entre 1939 à 1964. Il a les mots justes, évidents, républicains: "Ce camp de Rivesaltes est là pour rappeler, pour dire haut et fort ce qui, pendant trop longtemps, s'est murmuré tout bas. Il est là pour reconnaître toutes les mémoires, toutes les douleurs, pour n'en oublier aucun."
Le même jour de ces déclarations, on apprenait que l'Etat se pourvoyait en cassation après la confirmation de sa condamnation par la cour d'appel de Paris pour contrôle au faciès.
On aurait presque oublié son déplacement de début de semaine. Dans la chaleur d'un émirat, il marche, visite, sourit, accompagné d'une centaine de patrons espérant des contrats commerciaux et d'une cohorte de ministres. Même l'inutile Jean-Marie le Guen, ministre en charge des relations avec le parlement s'est égaré dans ce voyage en Arabie Saoudite: allait-il rencontrer un député des Français de l'étranger ?. En début de semaine, donc, Manuel Valls, le teint trop rose, était radieux en Arabie Saoudite. On dénombre quelque 110 décapitations en place publique depuis le début de l'année mais rien n'y fait. Valls est lyrique sur l'estrade. Il en rajoute, il surjoue. De retour à Paris, il n'écoute pas les critiques. La real-politik commerciale a ses raisons que le coeur doit ignorer. Hollande refuse de livrer deux navires Mistral à une Russie coupable d'ingérence militaire et d'exactions en Ukraine. Ce qui fait hurler à gauche et à droite, de Mélenchon à Fillon. Valls n'a pas de souci à parader au micro d'une estrade: "venez investir en France !"
Et Hollande ?
Il pose devant un glacier fondu en Islande.
Voilà.


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