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[Critique] Le pont des espions

Par Régis Marton @LeBlurayphile
[Critique] Le pont des espions[Critique] Le pont des espions

Titre original : Bridge of spies

Un film de : Steven Spielberg

Avec : Tom Hanks, Mark Rylance, Scott Shepherd, Amy Ryan, Sebastian Koch, Alan Alda, Austin Stowell, Mikhail Gorevoy, Will Rogers

James Donovan, un avocat de Brooklyn se retrouve plongé au cœur de la guerre froide lorsque la CIA l'envoie accomplir une mission presque impossible : négocier la libération du pilote d'un avion d'espionnage américain U-2 qui a été capturé par les soviétiques.
[Critique] Le pont des espions

La recette du succès

Inspiré d'une histoire vraie, le scénario que Steven Spielberg a fait remanié par les frères Coen, après un premier jet de Matt Charman, est à la fois trop loin du cinéma décalé du duo de réalisateurs et en même temps son modernisme s'éloigne du didactisme que l'on avait pu reprocher à et plus encore de l'infantilisation maladroite de Cheval de Guerre, les deux dernières métrages du réalisateur de E.T. Alors qu'il avait seulement l'intention de le produire, ce dernier a donc eu la bonne idée d'enterré son projet de blockbuster de science-fiction, Robopocalypse, pour s'atteler à ce projet. La façon qu'a le réalisateur de revenir sur la guerre froide - une période qu'il n'avait jamais encore abordé - n'est pas sans rappeler l'ambiance de mélange entre film d'espionnage, thriller politique et reconstitution historique qui faisait le sel de son excellent Munich. Avec Tom Hanks dans le rôle principal, il s'assure de plus une valeur sûre en termes d'interprétation. Bref, un cocktail qui avait de quoi garantir une réussite artistique sans faille. Et force est de constater que le défi est allègrement relevé tant Le Pont est Espions est de très loin le meilleur Spielberg depuis au moins dix ans.

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L'art de la paranoïa à toutes les échelles

Dès l'ouverture, impliquant la peinture d'un autoportrait face à un miroir, marquant la façon que peut avoir un agent infiltré de se rappeler qui il est, et une scène de filature que le découpage rend terriblement haletante, un sentiment de peur s'installe. Dans des décors qui retranscrivent parfaitement le New-York des années 50, se met en place une paranoïa qui n'a rien à envier à la défiance moderne envers la surveillance numérique. La haine envers les supposés communistes, mais aussi ceux qui prennent leur défense, est un élément omniprésent dans toute la première moitié du film, dans laquelle l'avocat James Donovan, interprété par Tom Hanks, se voit attaquer de toutes parts en acceptant, au nom des principes égalitaristes qui l'animent, de défendre cet espion soviétique. Mais, jusque-là, cette affirmation des valeurs humanistes ne passent que par les mots et n'apportent pour enjeux que la cohésion familiale de cet américain moderne dont la femme s'oppose, par peur des représailles, à ce choix de prendre parti pour ce traître à la patrie. Le parcours en alterné d'un soldat embauché par la CIA pour accomplir une mission de reconnaissance aérienne et sa capture en Russie parvient à rendre tangible l'idée que cet état de suspicion permanente n'est pas sans raison, mais qu'une guerre ouverte entre les deux blocs est bel et bien sur le point d'exploser.

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Dans les coulisses d'une géopolitique explosive

Une des rares scènes à ne pas suivre le personnage de Tom Hanks, est certainement l'une des plus réussies en termes de reconstitution et de charge émotionnelle. Puisqu'elle met en scène la construction du Mur de Berlin et l'interception d'un étudiant américain par les agents de la RDA, un événement qui va compliquer la situation, davantage que les quelques questions de droits vaguement évoqués dans la première moitié. Les relations diplomatiques - qui sont au cœur de la suite - ouvrent au scénario des enjeux bien plus complexes. Le talent des frères Coen pour rendre divertissant n'importe quelle thématique se ressent bien dans la façon dont les transactions vont réussir à se démêler avec une clarté jamais naïve et sans que le suspens diminue.

[Critique] Le pont des espions

Embrigadé dans des jeux de pouvoirs aux ramifications qui le dépassent, mais dont il apprendra à tirer parti, James Donovan est un personnage captivant pour saisir, à hauteur d'homme, toute la tension que peut générer une situation diplomatiquement aussi houleuse que la scission d'un pays en deux. On retrouve dans la figure de cet avocat tiraillé entre une situation trop grave pour qu'il puisse rien y changer et son irrépressible envie de sauver des vies humaines. Une résonance toute particulière héros de La liste de Schindler, preuve que Spielberg aime ces héros oubliés de l'Histoire et sait toujours leur rendre hommage avec brio.

Sans s'empêcher un certain relent patriotique, Le Pont des Espions est la preuve que, du haut de ses 68 ans, Spielberg reste un maître dans l'art du cinéma hollywoodien. Ni film pop-corn, ni film auteuriste, son 28ème long-métrage est une œuvre de fiction dans la lignée des plus belles fresques que le cinéma américain ait su nous offrir, avec sa part de classicisme romanesque et de modernité formelle à la fois.

Nos attentes pour l'édition collector

Un making-of bien sûr, pour en savoir plus notamment sur le travail de formidable décoration effectué. Mais aussi des images d'archive, car quoi de mieux pour donner du crédit à une histoire vraie ?

Crédits images : ©DreamWorks II Distribution Co., LLC and Twentieth Century Fox Film Corporation. All Rights Reserved.

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