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brooklyn résistera-t-elle à la brooklynisation du monde ?

Publié le 15 octobre 2015 par Mynewyork @mynewyork_fr

Brooklyn, capitale mondiale du cool, a–t-elle encore de beaux jours devant elle ? En trahissant ce qui a fait sa grandeur et en s’exportant à tout-va, ses jours semblent désormais comptés… à notre plus grand désespoir.

brooklyn s'exporte

Brooklyn, victime d’une « GGV », Gentrification à Grande Vitesse

Ainsi va la gentrification… un monstre qui dévore sur son passage. On commence à connaître la chanson puisque  les quartiers qui connaissent un renouveau dans les capitales occidentales ont tous les mêmes caractéristiques :

  • un passé industriel avec des bâtiments à rénover
  • des immigrés du monde entier, garantie d’une diversité culturelle et culinaire
  • des artistes d’avant-garde

Malheureusement, à force d’occuper trop le devant de la scène, ces quartiers attirent les investissements, les classes aisées… et repoussent les habitants pré-gentrification. Il est bien là le problème : ce sont justement ceux que l’on fait fuir qui faisaient l’intérêt du quartier. Sans les immigrés, les classes populaires et les artistes, le quartier risque de perdre toute sa saveur et se transformer en Disneyland pour hipsters. Avant de s’embourgeoiser complètement et de repousser les hipsters à leur tour un peu plus loin.

La diversité et l’authenticité qui faisait justement l’identité du quartier ont disparu sur l’autel des promoteurs immobiliers. Par exemple, le pourcentages de « blancs » a augmenté d’environ 30% entre 2000 et 2010 dans les quartiers de Williamsburg, Fort Greene, Clinton Hill et Bed Stuy.

Des quartiers entiers perdent leur « vibe » et mode de vie. Ce qui était « alternatif », différent, expérimental ne l’est plus. L’Amérique capitaliste a l’habitude de récupérer la culture anticonformiste, contestataire voire révolutionnaire pour injecter du sang neuf dans le mainstream, usé jusqu’à la moelle. Le tout dans le but de standardiser les modes de vie et étendre ses parts de marché plus facilement.

Brooklyn, une marque global qui s’exporte

Brooklyn tient une place particulière. Devenu la référence mondiale en matière de cool, ce n’est pas un petit quartier mais toute la partie ouest du borough qui s’est gentrifiée.

Aux quatre coins de la planète, les grandes métropoles sont obsédés par Brooklyn. Alors de petites poches dans la ville ressemblent de plus en plus aux coins branchés du borough new yorkais : Silver Lake à Los Angeles, Wynwood à Miami, Shoreditch à Londres, Kreuzkölln à Berlin (l’intersection entre Kreuzberg et Neukölln) ou encore Södermalm à Stockholm. Même la capitale française, qui pourtant ne devrait rien avoir à envier à sa rivale, a entamé sa brooklynisation. En témoigne notamment cette rentrée avec le Bon Marché Rive Gauche qui a vu le grand magasin exposer des centaines produits made in Brooklyn. Et puis avez-vous fait un tour au bord du canal St Martin ou aux Buttes Chaumont un week end ? Vogue US vient même de publier un article sur les Parisiens qui s’habillent comme des Brooklynites. D’ailleurs, la marque parisienne, Brooklyn We Go Hard, s’est fait connaitre par son sweat culte Brooklyn Parle Français.

A Brooklyn et dans toues les avatars brooklyniens du monde, on consomme de l’ « authentique », on consomme de l’ « alternatif », on consomme du « local ». Au final, on consomme du global bien ciblé et marketé. Ironie suprême : Brooklyn est le lieu où ce qui est local est sanctifié avant d’être exporté.

Swet de Brooklyn We Go Hard, marque parisienne

Swet de Brooklyn We Go Hard, marque parisienne

Un héritage artistique plus fantasmé que réel

Cela peut décevoir mais mieux vaut être honnête. La marque Brooklyn se fonde sur un mythe. Le borough n’a donné naissance à aucun mouvement social ni aucun mouvement artistique (littéraire ou musical par exemple). La « classe créative » actuelle s’efforce de produire des doughnuts fait maison, du café torréfié sur place, de l’artisanat et des fringues sur mesure.

Les cafés et lieux de rencontre ne servent pas vraiment d’espace où les artistes communiquent et échangent leurs idées. Au mieux, ils « inspirent ». Au pire, ce sont des temples de la consommation qui récupèrent tout ce qui faisait la force de Brooklyn pour en faire des arguments marketing.

Brooklyn, victime de la brooklynisation

Pour s’intégrer dans la marque Brooklyn et connaître un succès immédiat, les nouveaux spots cool du borough finissent par se ressembler.

Brooklyn est devenu ce qu’on attend de lui. Ce n’est plus la réalité de Brooklyn qui nourrit son image exportable mais cette image exportée qui dicte au borough la voie à suivre. Brooklyn se caricature. Brooklyn devient plus brooklynisé et moins Brooklyn. Seulement voilà…. à partir du moment où Brooklyn cesse de produire quelque chose de plus significatif que ses propres mythes, ses jours sont comptés. Ce moment n’est-il pas déjà là ?


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