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CRIA CUERVOS à CINEMED 2015

Publié le 28 octobre 2015 par Idherault.tv @ebola34
CRIA CUERVOS à CINEMED 2015 Retour sur " CRIA CUERVOS " film de Carlos Saura projeté à Montpellier dans le cadre du Cinemed 37e édition

Retour sur
" Cria cuervos " film de Carlos Saura, 1975 - Cinemed 37e édition - Montpellier
Centre Rabelais - lundi 26 octobre 18h

Double voyage dans le temps, grâce à Cinemed. Pas eu besoin de faire appel à la DeLorean de " Retour vers le futur " et c'est à pied que je suis arrivé au " Pathé ". Les aficionados qui déjà se pressaient dans le hall, demi-heure avant la projection, parlaient de Saura, du débat qui devait avoir lieu et de... souvenirs. " Je venais ici pour voir des films américains. Des Disney, des westerns. C'était il ya... " " Sur la façade se dresse toujours le coq de Pathé cinéma, c'est bien de l'y avoir laissé ! "
18 h la salle se remplit. " Il y aura tous les profs d'espagnol à la retraite de Montpellier et des alentours... ". Il est vrai que mes voisins sont plutôt abonnés au troisième âge. Le film a 40 ans et c'est l'occasion de revivre une époque. Mais il y a aussi des jeunes, arrivés au dernier moment. Les jeunes sont pressés, les vieux ont le temps !

CRIA CUERVOS à CINEMED 2015

" Cria cuervos y te sacaran los ojos " (Elève des corbeaux et ils t'arracheront les yeux) c'est la version espagnole, plus " sangre et muerte ", de notre " Fais du bien à Bertrand... ". Mais est-ce bien de l'ingratitude que traite le film.

CRIA CUERVOS à CINEMED 2015

La salle est pleine, le présentateur, sobrement, donne de l'œuvre de Saura un aperçu très documenté. C'est bien fait, très pro et cela donne envie !
Les premières images surgissent, préludes à un voyage temporel. Le son est crachotant, les couleurs un peu passées et quelques " rayures " se surimposent. Mais ça passe très vite et la magie opère. La petite Ana accapare l'écran, l'envahit, son regard nous fixe et nous traverse. Face à la joie enfantine et à l'insouciance de ses sœurs, elle incarne l'enfance brisée, elle qui " ne comprend pas que l'on dise que l'enfance est une période heureuse ". Saura aurait fait le film pour elle, mais c'est bien elle qui a fait le film de Saura. Et puis les premières notes de " Porque te vas " éclatent à nos oreilles. Un 45 tours, le petit électrophone, le bras que l'on pose sur le disque noir, c'est notre " madeleine ". La mélodie n'a pas pris une ride, elle se réinstalle, une scie pour plusieurs jours. Nostalgie, pas vraiment, saut dans le passé, certainement. Passé, l'est-il vraiment ce film ? On suit les paroles sur les lèvres fines d'Ana. C'est doux-amer et c'est vrai.

La situation a changé, Franco est définitivement mort, mais les problèmes de fond restent les mêmes...quarante ans après !
De l'analyse de Thomas Tertois je reprendrai : " Ce qui frappe dans ce film, c'est l'état de pourrissement des relations sociales, qui ne sont maintenues que par les apparences. Carlos Saura attaque l'hypocrisie des conventions du régime. L'institution du mariage n'est qu'une chimère qui vole en éclats lorsque le désir se fait pressant. Le modèle patriarcal est présenté comme un lieu d'enfermement dans lequel sont jetées et enchaînées les femmes. L'homme, lorsqu'il est présent, est tyrannique, violent, obsédé. Carlos Saura exprime à travers cette histoire l'état de déliquescence d'un régime qu'il jugeait déjà mort avant la mort de Franco ".
La scène dans laquelle les trois fillettes jouent au " Papa et à la Maman " est symptomatique. La présence de la " bonne " ajoute au climat social. Elles ont tout compris et Ana, la " Maman ", est criante de vérité. Dureté, âpreté de ce jeune caractère lorsque, armée du Luger de son père, elle menace sa tante, Paulina, et son soupirant.
Ana est toute entière vouée au souvenir chéri de sa mère, décédée, mais elle est aussi une enfant aimante, la seule à apporter un peu de tendresse à la grand-mère, invalide
Elle deviendra une femme, celle qui raconte son enfance, en d'acrobatiques flash-backs, mais à quel prix ! Tout est dit dans le beau sous-titre, utilisé par T. Tertois, " La jeune fille et la mort " !
Malgré la censure, la présence d'un Etat soucieux de contrôler la rectitude de la pensée, Saura a su parler, nous parler. " Les conditions particulières de notre pays, dit-il, les difficultés quasi insurmontables de dire les choses directement (...) m'ont obligé à chercher d'autres systèmes narratifs plus indirects ". C'est ce cinéma de la métaphore ou de l'hyperbole que Cría Cuervos illustre parfaitement et c'est le cadeau que nous offre, à nouveau, Saura. " C'est également un film presque entièrement consacré à l'évocation d'un univers féminin. Le metteur en scène a su montrer avec une grande sensibilité la force de l'amour entre une enfant et sa mère irrémédiablement disparue ". Pour moi cela restera les images, presque insupportables, dans leur froideur dépouillées, des grands yeux d'Ana figés dans la vision de la souffrance de sa mère, mourante.
Un toujours grand film, un toujours moment d'exception. Un grand merci à Saura et à Cinemed d'avoir permis ces retrouvailles.

Précisons que ce film est disponible facilement en DVD et BR dans de multiples boutiques.

Récompenses :
Festival de Cannes 1976 : Grand Prix du jury (ex æquo avec La Marquise d'O...)
Prix du Syndicat des critiques français 1977 : Meilleur film étranger
Premios ACE 1978 : Meilleur film, Meilleur réalisateur (Carlos Saura), Meilleure actrice (Geraldine Chaplin), Meilleur second rôle masculin (Hector Alterio)
Nominations :
Césars 1977 : Meilleur film étranger
Golden Globe 1978 : Meilleur film étranger

Biographie de Carlos Saura :

Carlos Saura Atarés, né à Huesca (province de Huesca) le 4 janvier 1932, est un réalisateur et scénariste de cinéma espagnol. Il est l'un des cinéastes espagnols les plus influents et reconnus sur le plan international.
Originaire d'une famille d'artistes (sa mère était pianiste, son frère Antonio Saura était peintre), il développe pendant son enfance le sens artistique appliqué à la photographie.
À Madrid, en 1957, il obtient le diplôme de réalisateur de l'Institut de Recherches et d'Études cinématographiques, dont il devient professeur jusqu'en 1963.
En 1957-58 a lieu le tournage de son premier film documentaire, Cuenca. En 1960, avec Golfos (Les Voyous), il décrit le problème de la délinquance des jeunes dans les quartiers démunis de Madrid. En 1963, avec le film Llanto por un bandido, il réalise une reconstitution historique.
En 1966 son style, à la fois lyrique et documentaire, centré sur les problèmes des plus démunis, obtient la reconnaissance de la communauté internationale au Festival de Berlin, où il reçoit l'Ours d'argent pour son film La Caza (La Chasse).
En 1967, son film Peppermint frappé est à nouveau primé à Berlin.
Les films La prima Angélica (1974) et Cría cuervos (1975), qui traitent avec subtilité de la société franquiste, reçoivent le Prix Spécial du Jury au Festival de Cannes.
Son film Mama cumple 100 años (Maman fête ses cent ans) est nommé à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1979.
En 1991, il est enfin reconnu dans son pays et reçoit les Prix Goya du meilleur réalisateur et du meilleur script pour son film ¡Ay, Carmela! (1990).
Il est choisi comme réalisateur pour mettre en scène le film officiel des Jeux olympiques de Barcelone en 1992, Marathon.
En 1993, le Ministère de la Culture le distingue en le décorant de l'Ordre des Arts et des Lettres.


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