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Charbon : le début de la fin !

Publié le 04 novembre 2015 par Blanchemanche
#COP21
03/11/2015
Charbon : le début de la fin !
PASCAL CANFIN
Conseiller principal  sur le climat au WRI
L’industrie du charbon est « en mode panique ». C’est le président de l’association des charbonniers indonésiens qui le reconnaissait lui-même il y a un an. Et la situation ne s’est pas arrangée depuis ! La consommation chinoise de charbon, qui tirait la demande mondiale, a baissé pour la première fois en valeur absolue. Alors que les engagements politiques chinois situaient le pic charbon en 2020, il est de fait arrivé en 2014 et la baisse se poursuit en 2015 (moins 6 à moins 8 % selon les premières estimations).
Ce tournant n’est pas une réduction conjoncturelle, mais un changement structurel, motivé par la très mauvaise qualité de l’air dans les villes chinoises qui est la première source de mécontentement des classes moyennes urbaines. Le gouvernement a de plus mis en place de nouvelles normes environnementales pour limiter les émissions dues aux usines à charbon et annoncé la généralisation de son marché carbone en 2017, réduisant encore ainsi un peu plus la compétitivité du charbon.
Un secteur en crise
Face à cette baisse de la demande chinoise et à la concurrence des énergies renouvelables, qui représentent depuis 2013 plus de la moitié des nouvelles capacités de production d’électricité installées annuellement dans le monde1, c’est tout le secteur charbonnier qui est en crise. C’est tout le secteur charbonnier qui est en criseLes exportations de l’Indonésie vers la Chine ont été divisées par deux en an. En Australie, les grandes entreprises charbonnières ont vu leurs valeurs boursières fondre de 70 à 100 % entre début 2012 et octobre 2015. En Europe, le polonais Kompania Weglowa, premier charbonnier d’Europe, a dû être sauvé de la faillite par l’Etat polonais il y a quelques semaines. L’allemand E.ON a choisi d’opérer en 2014 une rupture stratégique majeure en se concentrant sur le secteur des renouvelables, des services énergétiques et de l’efficacité énergétique, et en isolant les actifs dans le charbon et le nucléaire dans une entité spécifique. Et début octobre, Engie annonçait renoncer à se développer dans le charbon.
Désinvestissements
Cet effondrement du modèle économique pousse les acteurs financiers à sortir progressivement du charbon et le priver ainsi d’un accès peu cher au capital. Natixis, Axa, le Crédit Agricole, Bank of America … et bien d’autres qui préparent de nouvelles annonces d’ici la Cop21 on ne compte plus les décisions de désinvestissement. Selon l’ONG 350.org, ce sont près de 450 institutions financières qui ont pris de tels engagements, parmi lesquels le Fonds souverain norvégien, plus grand fonds au monde.
Cette évolution est fondamentale car le charbon est incompatible avec le respect du seuil des 2 degrés de réchauffement climatique
Cette évolution est fondamentale car le charbon est incompatible avec le respect du seuil des 2 degrés de réchauffement climatique. Selon une étude publiée récemment dans la revue Nature, 88 % des réserves de charbon doivent rester dans le sol si l’on veut rester sous les 2 degrés2. Car le charbon est de loin la source d’énergie qui contribue le plus au réchauffement climatique. Pour la même production d’énergie, il émet deux fois plus de CO2 que le gaz naturel et jusqu’à 77 fois plus que des éoliennes. Même si la technologie du Captage et Stockage du Carbone (CCS) était opérationnelle, une centrale à charbon avec CCS émettrait toujours 20 fois plus que l’éolien3.

Le charbon est la source d'énergie la plus émettrice de gaz à effets de serre

Emission de gaz à effet de serre des différentes sources d'énergie par kilowatt-heure sur l'ensemble du cycle de vie

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Charbon : le début de la fin !Source : d'après les données du 5ème rapport du Giec.
Des alternatives existent
Là où le pétrole est utilisé principalement pour la mobilité, le charbon sert surtout comme source d’énergie pour produire de l’électricité et de la chaleur. Or les alternatives propres pour produire de l’électricité ou de la chaleur existent : ce sont les énergies renouvelables. Selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), la biomasse, l’hydroélectricité, la géothermie et l’éolien onshore ont déjà tous des coûts équivalents voire moins élevés que les centrales au charbon ou au gaz, même sans subvention publique. Le photovoltaïque a pour sa part vu son coût diminuer de manière drastique : moins 75 % entre fin 2009 et début 2014. La sortie du charbon est donc possible progressivement, dès maintenant !
La sortie du charbon est donc possible progressivement, dès maintenant !
Mais attention, cette évolution est aujourd’hui trop lente pour gagner la course contre la montre du climat. C’est pourquoi un accord international sur le climat à Paris en décembre prochain est fondamental. Il doit jouer un rôle irremplaçable d’accélérateur de cette transformation. Il reste quatre semaines pour y parvenir !
  • 1.Source : IRENA, www.irena.org
  • 2. “The geographical distribution of fossil fuels unused when limiting global warming to 2 °C”, Christophe McGlade & Paul Ekins, paru dans la revue Nature 517, 08 January 2015
  • 3.Source : 5e rapport du GIEC
PASCAL CANFIN
http://www.alterecoplus.fr/environnement/pascal-canfin/charbon-le-debut-de-la-fin-201511031028-00002447.html

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