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La petite vendeuse de Durian

Publié le 25 février 2008 par Ad

La chaleur mouillée exalte et transporte les odeurs comme si le vide humide était plein d’invisibles aérosols parfumés.

Ballons de lavande, bulle de thym, boule de romarin… senteurs prégnantes de notre gastronomie (ou de nos chaussettes) dont les volutes nous chatouillent les nez, pourraient bien paraître rebutantes aux petits pifs vietnamiens.

Pour comprendre il suffit de transposer la scène qui suit.

Elle, accroupie au milieu de ses denrées odorantes disposées à même le trottoir, à suffoquer de la brise chaude expulsée des moteurs alentours,

La petite vendeuse de durian attend protégée des infâmes effluves noires grâce à son bouclier anti-puanteur répandu sur son trottoir.
Son étale stratégiquement positionnée au feu rouge, la guirlande de motos stationne en flamand rose.
Ses yeux ne comptent plus, tandis que les motards scrutent le décompte du feu.

Je lâche mon frein et j’inspire une bonne bouffée de gaz carbonique avant de reprendre mon apnée.

Croisement de regard.
J’échange un sourire niais dont j’ai le secret, quand tout à coup…

Mes abondants poils de nez m’annoncent de la présence d’un corps étranger à proximité.Mes narines se plissent. Je voudrais les fermer mais je n’ai pas les muscles pour le faire ; de tout façon j’ai trop de poils pour que l’opération soit bien hermétique.
Ma mine déconfite par l’odeur infecte comparable aux fragrances diffusées par l’arrière-train de mon chien. (Pardon Caramelle mais c’est vrai, tu flatules).

Elle, sourire d’incompréhension : comment se peut-il que mes fruits ne le fassent fantasmer ? Comment mes arômes aiguisés ne séduisent-ils pas à ce bel éphèbe occidental ? Succombera-t-il un jour au virus de l’intense plaisir caché sous ces piques verts ?

Le durian : 3 à 5 kilos de parfum Jean-Paul Gauthier local, ovoïde verdâtre qui renferme l’équivalent vietnamien de la gelée royale, pâte jaune, molle comme du beurre, qui goûte bon le camembert. C’est le festin que le Vietnam s’arrache. Une famille est prête à l’endettement pour savourer la douceur visqueuse de la pulpe aux relents d’ail. Plus le fruit mûrit, plus la senteur putride et nauséabonde se répand.

Ma rue compte l’une des plus grandes étales de la ville, ainsi chaque matin sur le petit chemin du travail, je peux profiter pleinement du thiol, ce composant sulfuré qui pue plus que mes pieds.


Ballons de vomi, bulles de putois, boules d’égouts …
L’apprentissage du goût est incroyablement régional… et même familial.


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