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Les pauvres morts de Paris

Par Montaigne0860

Le mieux serait peut-être de se taire pour retrouver le malheur qui cogne si fort : les pauvres morts ne parlent pas. Les rejoindre dans leur silence, méditer, laisser monter ce qui fut leur présence. Les moulins médiatiques brassent des paroles. Bien sûr il faut remplir le vide, c'est une manière de se défendre. Certains disent qu'ils prient pour Paris, pourquoi pas si c'est leur autre manière. Le langage peut y aider.

Je me tais.

J'écoute les battements de mon cœur, comme un hommage aux pauvres morts. Je leur donne à entendre ma vie, mon pas ; leur souvenir bat à ce rythme. Je voudrais les serrer de plus près, ces anciens vivants qui étaient comme nous avant-hier. Je les vois avec leurs rires du vendredi soir, leurs mots d'esprit, leurs joies, et peut-être hélas pour certains leur ultime tristesse. Je les entends, j'entends leurs voix, leurs fourchettes, les verres tintent, je devine leurs yeux brillants dans la nuit. Je voudrais les serrer un par un contre moi, ceux qui sont morts, ceux qui vont mourir encore. Il me semble qu'on peut y parvenir si l'on noue sa gorge et qu'on prête l'oreille à la tiédeur de ce novembre.

Se taire c'est laisser aux pauvres morts de Paris toute la place de notre silence respectueux et qui dure.

Je ne ramènerai pas leur nombre à un signe mathématique : 129 ? 200 ? 300 ? Non. Ne pas les regrouper. Ils sont chacun une seule, un seul. Je sais bien qu'on les dénombre pour y voir clair. Je n'ai pas envie d'y voir clair. Leurs visages me flottent là-devant en un brouillard lumineux, écoulement épuisant. J'ai envie d'être épuisé d'eux. Je les vois.

Je ne m'ouvrirai jamais assez au respect de leurs visages.


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