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LES PAYSANS A PARIS (Alphonse DAUDET - CONTES DU LUNDI)

Par Elisabeth Leroy

A Champrosay, ces gens-là étaient très heureux. J'avais leur basse-cour juste sous mes fenêtres et, pendant six mois de l'année, leur existence se trouvait un peu mêlée à la mienne. Bien avant le jour, j'entendais l'homme entrer dans l'écurie, atteler sa charrette et partir pour Corbeil, où il allait vendre ses légumes ; puis la femme se levait, habillait les enfants, appelait les poules, trayait la vache et, toute la matinée, c'était une dégringolade de gros et petits sabots dans l'escalier de bois. L'après midi tout se taisait. Le père était aux champs, les enfants à l'école, la mère occupée silencieusement dans la cour à étendre du linge ou à coudre devant sa porte en surveillant le tout petit... De temps en temps, quelqu'un passait dans le chemin, et on causait en tirant l'aiguille...

Une fois, c'était vers la fin du mois d'août, toujours le mois d'août, j'entendis la femme qui disait à une voisine :

- Allons donc, les Prussiens !... Est-ce qu'ils sont en France, seulement ?

- Ils sont à Châlons, mère Jean, lui criai-je par ma fenêtre.

Cela la fit rire beaucoup... Dans ce petit coin de Seine-et-Oise, les paysans ne croyaient pas à l'invasion.

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A Champrosay, ces gens-là étaient très heureux. J'avais leur basse-cour juste sous mes fenêtres et, pendant six mois de l'année, leur existence se trouvait un peu mêlée à la mienne. Bien avant le jour, j'entendais l'homme entrer dans l'écurie, atteler sa charrette et partir pour Corbeil, où il allait vendre ses légumes ; puis la femme se levait, habillait les enfants, appelait les poules, trayait la vache et, toute la matinée, c'était une dégringolade de gros et petits sabots dans l'escalier de bois. L'après midi tout se taisait. Le père était aux champs, les enfants à l'école, la mère occupée silencieusement dans la cour à étendre du linge ou à coudre devant sa porte en surveillant le tout petit... De temps en temps, quelqu'un passait dans le chemin, et on causait en tirant l'aiguille...

Une fois, c'était vers la fin du mois d'août, toujours le mois d'août, j'entendis la femme qui disait à une voisine :

- Allons donc, les Prussiens !... Est-ce qu'ils sont en France, seulement ?

- Ils sont à Châlons, mère Jean, lui criai-je par ma fenêtre.

Cela la fit rire beaucoup... Dans ce petit coin de Seine-et-Oise, les paysans ne croyaient pas à l'invasion.

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