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Iran : danser malgré l’interdiction

Publié le 27 novembre 2015 par Erwan Pianezza

desert-dancer-afficheSortie du film Desert Dancer, de Richard Raymond. Sur les écrans le 6 janvier 2016.

En 2014, six jeunes iraniens ont été condamnés à  six mois de prison et 91 coups de fouets pour s’être filmés en train de danser sur « Happy » de Pharrell Williams et l’avoir mis sur YouTube. Si cette condamnation a été assortie d’un sursis de trois ans, elle rappelle cependant qu’en Iran, danser est une activité interdite.

Desert Dancer, premier long-métrage du réalisateur Richard Raymond, raconte la véritable histoire d’Afshin Ghaffarian (interprété par Reece Ritchie), qui s’est battu pour réaliser son rêve : devenir un danseur, en dépit de la répression qui règne en Iran. L’action se situe en 2009, pendant des élections présidentielles controversées et le début du « mouvement vert » qui a suivi l’annonce des résultats des élections.

A l’origine du film 

Le parcours de Richard Raymond explique en partie son intérêt pour l’histoire d’Afshin, parce que les deux hommes ont tous deux en commun cette prédisposition à se battre pour réaliser leur rêve.

A l’âge de 15 ans, et comme l’avait fait Steven Spielberg avant lui en fréquentant l’Universal Studio, Richard Raymond se faufilait dans les studios de Pinewood en Angleterre, au nez et à la barbe des gardiens. Devenant petit à petit une figure familière, il décroche des petits boulots, devient même le protégé de Richard Attenborough et finit producteur. Ne bénéficiant d’aide d’aucune sorte, la carrière de Richard Raymond s’est bâtie sur sa motivation et sa passion pour le cinéma. Se faisant, il ne faisait qu’appliquer l’un des préceptes que lui avait inculqué son père, immigré du Moyen-Orient : « dans la vie il y a deux types d’individus : les moutons et les bergers. Soit tu veux mener ta vie, soit tu la subis ». Et c’est en ce sens que l’histoire d’Afshin a une résonance particulière pour Richard Raymond : tous deux ont su trouver leur voie par leurs propres moyens.

En janvier 2010, Richard Raymond tombe sur un article du Sunday Times et lit l’histoire d’Afshin. Très touché par ce récit, il décide de rencontrer le jeune homme à Paris où il a trouvé l’asile politique. Au bout de six mois de confidences, un scénario est en route.

L’histoire d’Afshin Ghaffarian et sa mise en images

Danser malgré l’interdiction est considéré comme un accès de révolte : c’est cet état de fait que Afshin rappelle en précisant qu’avant sa venue en Occident, il avait pensé à ce qu’il devait faire, et non à ce qu’il pouvait faire.

Le film, inspiré de sa vie, le montre dans son enfance dansant devant ses camarades de classe. C’est à cette occasion que sa mère lui révèle l’existence de la police religieuse et l’interdiction de danser dans son pays. Plus tard, il intègre l’université de Téhéran où, avec un groupe d’amis, il fonde une compagnie de danse clandestine. Les membres du groupe sont aussi des activistes du « mouvement vert », soutenant Mir Hossein Mousavi, après son échec aux élections présidentielles de 2009  face à Mahmoud Ahmadinejad. Le film raconte que, à la suite d’une représentation dans le désert, la troupe de danseurs est espionnée, arrêtée puis brutalisée, forçant Afshin à s’exiler en France.

La réalité n’est pas si éloignée : le véritable Afshin Ghaffarian a effectivement  monté Médée, un spectacle qu’il répétait avec ses amis dans la salle de prière d’une école primaire et qu’il a représenté dans le désert devant une dizaine de spectateurs. Un moment inoubliable pour Afshin qu’il définit comme un acte de résistance. C’est au mois de juin 2009, après les élections présidentielles, qu’Afshin inonde le web de vidéos contestataires. Il est arrêté, torturé puis finalement relâché, jeté en pleine nature. Il trouve finalement le moyen de s’exiler en Allemagne d’abord, puis en France.

Deux acteurs au service de leur art

Découvert par Richard Raymond dans Lovely Bones de Peter Jackson, Reece Ritchie achève de convaincre son réalisateur qu’il est apte à incarner Afshin : il a en effet pratiqué les arts martiaux pendant quelques années et il confie même qu’il participait enfant à des concours pour imiter les pas de Michael Jackson. Recherches, observations du travail de son modèle sont le quotidien pendant plusieurs mois de celui qui se considère être né pour ce rôle.

Même chose du côté de Freida Pinto : totalement dévouée à sa mission, elle passe douze mois à danser, délaissant pendant ce temps les propositions de rôles au cinéma.

Un film tourné en anglais

Cette histoire est une allégorie, une réflexion sur le fait de croire qu’on ne puisse pas être autorisé à faire quelque chose d’aussi naturel que la danse. En tant qu’artiste, Richard Raymond se sentait obligé de parler de cette histoire qui rappelle combien d’artistes nous avons perdu à cause de cette oppression.

C’est pour cette raison que le film n’a pas été tourné en farsi, la langue du pays. L’histoire d’Afshin est trop bien connue des iraniens, il fallait donc la raconter pour le reste du monde. Le film était pour le réalisateur une opportunité de raconter une histoire universelle, dans laquelle chacun puisse se reconnaître. Le casting est à 50% iranien, mais le reste de la distribution est internationale : Freida Pinto vient d’Inde, et Reece Ritchie est anglais.

Le film touche à la notion de liberté, avec laquelle il faut prendre des pincettes de notre point de vue occidental. Richard Raymond revient sur cette fameuse vidéo mise sur You Tube (cf plus haut) et rappelle que le monde entier s’est dit qu’il n’y avait pas de place pour le bonheur en Iran. Une idée erronée contre laquelle le réalisateur s’insurge en faisant ce film, Desert Dancer, qui prouve qu’il y a en Iran une jeunesse optimiste.

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