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Treize contes du royaume de Lailonie, de Leszek Kolakowski

Publié le 30 novembre 2015 par Francisrichard @francisrichard
Treize contes du royaume de Lailonie, de Leszek Kolakowski

La Lailonie existe certainement quelque part mais elle est inatteignable, insituable et inimaginable. Et c'est mieux comme ça. Cela permet à chacun de se mettre en quête d'elle.

En tout cas, il faut être reconnaissant à Leszek Kolakowski d'avoir rapporté Treize contes du royaume de Lailonie, à Christophe Cadoux de les avoir traduits du polonais en français pour édifier petits et grands et à Alphonse Layaz de les avoir, avec ses couleurs et formes inimitables, illustrés pour impressionner les rétines.

Les bosses poussent dans le dos de vrais hommes et finissent par prendre leur place. Ne sont-elles pas leurs côtés sombres qui prennent le dessus quand les circonstances s'y prêtent et ne laissent alors guère de place à leur humanité?

Un conte sur les jouets montre qu'il ne faut pas se faire tout un monde, c'est le cas de le dire, de l'acquisition d'un jouet d'enfant, par crainte qu'il ne soit exorbitant, sans même s'assurer vraiment qu'il le soit. Jouer avec la réalité peut en effet s'avérer beaucoup plus coûteux.

Un beau visage n'a d'intérêt que s'il peut être vu. Il en va de même des trésors profondément enfouis, à grands frais, de peur qu'ils ne soient dérobés ou ne s'abîment, au lieu d'en jouir. Car des frais disproportionnés pour les conserver sont encore les meilleurs moyens de les perdre.

Comment Gyom devint un vieux monsieur? En se faisant pousser barbe et moustache, en portant parapluie, chapeau melon, bottes et lunettes. Un vieux monsieur, ça inspire confiance et ça permet de gravir l'échelle sociale. Encore faut-il qu'aucun de ses atributs ne manque à l'appel et ne menace l'édifice de l'avoir personnifié.

Un homme célèbre, c'est ce que Tat veut devenir. Mais il se rend bien vite compte que n'est pas célèbre qui veut et qu'il est vain de chercher à l'être. De plus, c'est souvent la quadrature du cercle: pour être connu, il faut être riche, et inversement, pour être riche, il faut être connu.

Comment le dieu Maior fut détrôné? Parce qu'un jour un de ses sujets eut l'audace de ne pas observer ses commandements et préféra dire les choses comme elles étaient plutôt que comme Maior voulait qu'elles fussent dites, c'est-à-dire, pour lui complaire, en dépit du bon sens et en déni de la réalité.

La tache rouge s'est répandue par contagion à tous les pantalons et les a transformés en taches, de sorte qu'il n'y a plus de vrais pantalons. Alors, pour qu'ils le redeviennent, il faut leur faire subir une petite opération qui leur redonnera la nature et l'imperfection des pantalons.

La guerre avec les choses est perdue d'avance pour Ditto. Les choses sont contre lui quoi qu'il fasse et elles se mettent même toujours du côté de Lina, avec laquelle elles redoublent d'amabilité. Aussi Lina ne le croit-elle jamais.

Comment fut résolu le problème de la longévité? Il se trouva des savants ou des médecins pour prétendre avoir trouvé le moyen imparable de prolonger la vie. Dans la vraie vie il existe ainsi des hommes qui prétendent être les seuls à détenir la vérité et qui veulent l'imposer aux autres. Mais cela finit toujours mal, comme dans ce conte.

Des bonbons révoltants sont le péché mignon de la petite Kiwi, qui aime les sucer et ne veut faire de mal à personne. Comme elle n'est pas du genre à se défendre contre les autres, justement, tous les autres habitants de la maison, qui ne se supportaient pourtant pas en raison de leurs petites habitudes, se réconcilient contre elle.  

La dispute met en présence trois frères qui, faisant route ensemble, arrivent à un carrefour. Quelle route prendre? Tout droit, à droite ou à gauche? L'aîné finit par imposer son idée d'aller tout droit et d'affronter ensemble les dangers de la forêt. Déçus bientôt par le but atteint ensemble, les deux puînés abandonnent ce qu'ils ont pour ce qu'ils auront peut-être.

Un petit conte sur une grande honte est l'histoire de Rio qui aime Muria sans rien savoir d'elle de précis. Comment peut-on aimer ainsi quelqu'une? Aussi a-t-il tellement honte d'être incapable de parler d'elle qu'il se fait tout petit. Puis il a honte d'être devenu si petit. Enfin il ne cesse de devenir petit à cause de sa honte etc.

La grande famine qui frappe le pays est un sujet de préoccupation pour l'archiprêtre. Pour la combattre il fait appel à des incompétents qui n'osent pas lui dire non, de peur de sa réaction. Leur intervention sont à l'origine de calamités que l'archiprêtre veut corriger en faisant appel à d'autres incompétents à l'origine d'autres calamités. Et pour payer ces incompétents il lève un nouvel impôt...

Ce recueil de contes philosophiques est destiné aux petits comme aux grands, sans que le lecteur sache vraiment s'il appartient à l'une ou l'autre de ces deux catégories. Chaque lecteur, quel qu'il soit, en les lisant, comprendra de toute façon ce qu'il pourra.

En lisant ces contes, chaque lecteur prendra également son plaisir comme il l'entend. Il n'aura pas de mal, car ces contes sceptiques sont des petits bijoux d'humour, de logique imperturbable, d'observations judicieuses sur la nature humaine, ses travers et ses illusions.

Francis Richard

Treize contes du royaume de Lailonie, Leszek Kolakowski, 152 pages L'Aire


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