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Paris Smart City : « La participation citoyenne est notre priorité. »

Publié le 03 décembre 2015 par Pnordey @latelier

En 2015, la Ville de Paris a lancé la mission « ville intelligente et durable » pour faire de la ville lumière la smart city de demain.

Rencontré dans le cadre du Digiworld Summit, Benjamin Favriau, chef de projet smart city au sein du Secrétariat Général de la Mairie de Paris, revient sur la vision parisienne de la ville intelligente.

Benjamin Favriau, chef de projet smart city à la Mairie de Paris

L’Atelier : Y a-t-il autant de modèles différents de smart cities que de villes dans le monde ? Qu’est-ce qui fait la force et l’originalité de Paris par rapport aux autres villes intelligentes ?

Benjamin Favriau : Paris définit la smart city comme le croisement de trois modèles de villes : la ville durable, la ville connectée et la ville ouverte. C’est cette dernière composante qui fait l’originalité de Paris.

L’objectif n’est évidemment pas de déployer des capteurs partout dans la ville pour le seul plaisir d’utiliser de nouvelles technologies, mais de mettre-en-œuvre de nouvelles méthodes pour délivrer un service public plus efficace auprès des Parisiens. Par exemple, dans le cadre du plan « nager à Paris », nous voulons connecter les piscines pour y mesurer la fréquentation, en installant des capteurs au-dessus des bassins. Cela permettrait à la fois d’adapter les dépenses des infrastructures en eau et en chauffage au nombre d’usagers présents, et d’informer les Parisiens de l’affluence en temps réel via la plateforme paris.fr.

A Paris, nous avons aussi la chance de pouvoir financer des solutions innovantes et d’entreprendre de manière agile pour produire un meilleur service public, grâce aux 3 000 start-ups présentes et à des incubateurs très structurés autour de Paris&Co.

Malgré les points forts que vous évoquez, le projet « Paris ville intelligente et durable » n’a été inauguré que cette année, en 2015. Pourquoi Paris s’est-elle décidée si tardivement à devenir « smart » ?

Je ne crois pas que Paris se soit forcément lancée plus tard que les autres villes. Au contraire, elle a été intelligente très tôt ! Cela fait longtemps que des plans « smart » ont été déployés avec succès dans l’espace urbain : je pense notamment aux projets comme les Vélib’ ou les Autolib’ qui bénéficient d’une grande visibilité.

Selon moi, la prochaine étape pour que Paris devienne plus intelligente encore est de sortir de sa logique de silos. Les données prélevées via les objets connectés ont un potentiel d’une infinie richesse si nous arrivons à les croiser ! Dans le cadre des piscines connectées, nous pourrions par exemple améliorer la prédiction de l’affluence en croisant les données de comptage collectées à partir des bassins avec les données Velib’, la météo, etc. En sortant de la logique de silo et en recoupant la donnée avec d’autres informations, on pourra créer des services à très forte valeur ajoutée et prendre de l’avance. La transversalité entre les différents projets durables et intelligents mis en place par la ville est absolument indispensable.

Vous n’évoquez pour le moment que des évolutions technologiques, mais comment l’utilisateur prendra-t-il part au déploiement de la smart city ? Quel accompagnement recevra-t-il de la Ville de Paris pour faire bon usage des nouvelles technologies ?

Paris est une ville ouverte, elle a fait le choix de la participation citoyenne. L’exemple majeur de cette démarche est celui du budget participatif qui a permis de faire remonter plus de 5000 propositions vers les services de la ville, qui ont ensuite pu soumettre plusieurs centaines de ces projets au vote définitif des Parisiens. De nombreuses définitions de politiques publiques passent désormais par une phase de réflexion et d’échange avec les Parisiens sur la plate-forme idee.paris.fr.

La formation des populations aux nouveaux usages du digital est également cruciale, bien entendu, à commencer par celle de nos équipes. Nous avons procédé chez nous à une acculturation. Le projet de « Paris, ville intelligente et durable » est mené par cinq personnes au sein d’une mission du Secrétariat Général de la Mairie de Paris. Nous avons créé un comité des partenaires et nous organisons des ateliers réunissant des acteurs privés et associatifs, ainsi que chacun des départements de la Mairie de Paris pour co-construire tous ensemble notre projet smart city.

Nous nous appuyons par ailleurs sur l’expérience d’autres démarches comme la création de l’application « Dans ma rue », qui implique plusieurs services de la ville et des partenaires de l’exploitation de l’espace public et qui permet notamment aux Parisiens de faire remonter des anomalies sur l’espace public vers les services municipaux.

Au moment où de nouveaux acteurs viennent concurrencer vos partenaires historiques dans leur propre secteur, on parle énormément entre autres du cas d’Uber et des taxis parisiens, comment travaillez-vous avec les différents acteurs privés qui tiennent un rôle important dans la ville ?

Le principe de la ville intelligente, c’est d’être ouverte et de co-construire les territoires avec plusieurs partenaires : les entreprises de toutes tailles, y compris les start-ups, et les usagers.

De nombreux projets commencent avec les ateliers du comité des partenaires, qui permettent de mettre en place la feuille d’actions et de projets. C’est ce qui sera fait par exemple avec le groupe de travail « mobilité », qui sera ouvert début janvier. Nous réunirons les nombreux acteurs de la mobilité à Paris pour pouvoir, je l’espère, construire une réponse coordonnée.

Aujourd’hui, certains de nos partenaires craignent une uberisation de leur activité. Le rôle de la ville est de travailler à leurs côtés pour les aider à définir leur stratégie digitale en amont, pour qu’ils ne soient plus réduits à réagir une fois que le changement a déjà eu lieu.

Comment évaluez-vous l’efficacité des projets choisis ?

L’évaluation est souvent l’étape la plus difficile et la moins bien menée de la gestion d’un projet. La Ville de Paris évalue l’impact et le modèle économique des projets selon des critères quantitatifs comme le nombre d’emplois créés, la réduction des gaz à effet de serre, etc. Ces estimations sont bien sûr essentielles pour la collectivité et pour les groupes partenaires, mais elles permettent aussi aux start-ups collaborant sur les projets de pouvoir tester leurs solutions dans la ville et d’obtenir un vrai retour sur leur activité.

Et bien sûr, il ne faut pas oublier un second aspect de l’évaluation des projets : l’aspect qualitatif. La Ville de Paris souhaite aussi examiner la perception que les usagers ont des services publics améliorés. Par exemple, nous allons prochainement installer des panneaux signalétiques dans la ville pour guider les touristes venus assister à l’Euro 2016, et il faudra s’assurer que ces nouveaux signaux sont tout à fait compréhensibles pour le public visé.

Nous parlons aujourd’hui de ville intelligente, mais les villes coopèrent-elles pour concevoir une région, un pays, ou même une Europe intelligente ?

Les appels à projets européens permettent de mettre en place une coopération dépassant l’échelle de la ville, pour partager des retours d’expériences et imaginer de nouvelles solutions. C’est un levier très sain, même s’il y a un revers de la médaille, puisque les villes françaises sont en concurrence dans le cadre des appels à projets européens et ne peuvent pas participer à un même groupe de travail. Pour autant, les villes françaises coopèrent de plus en plus souvent sur certains plans, notamment en ouvrant leurs données.


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