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Philippe Nemo : «Les socialistes veulent éradiquer la culture classique»

Publié le 05 décembre 2015 par Lecriducontribuable

Enquêtes du contribuable EcoleCet entretien est extrait des Enquêtes du contribuable #13, octobre/ novembre 2015. Numéro épuisé. Disponible en téléchargement gratuit sur notre boutique en ligne. 

➜ Que pensez-vous de la récente réforme du collège ?

C’est le parachèvement de la destruction de l’enseignement secondaire classique engagée par la gauche depuis de longues années. Les socialistes échouent sur tous les plans, ils veulent au moins, avant de partir en 2017, faire avancer au maximum leur projet d’éradication complète de la culture classique, c’est-à-dire – car c’est là leur désir profond et obsessionnel – la destruction des classes sociales «privilégiées» qui la possèdent. A l’Éducation nationale, ils ont toujours eu tout pouvoir, et aujourd’hui plus que jamais ; ils franchissent aujourd’hui une nouvelle étape, c’est bien naturel.

➜ Quelles sont les origines de cette désagrégation de l’enseignement ?

C’est la conséquence du choix politique qui a été fait d’imposer une « école unique », censée être la matrice d’une société nouvelle où n’existeraient plus d’inégalités. Le problème est que l’école unique, ça ne marche pas. En effet, quand vous enseignez sérieusement des savoirs et aptitudes aux enfants, c’est-à-dire de manière méthodique, en vérifiant les acquis de chaque étape avant de passer à la suivante, vous créez des effets différenciants : certains élèves comprennent tout de suite, d’autres plus lentement, d’autres jamais.

Vous ne pouvez donc poursuivre le processus qu’en séparant les élèves en filières distinctes. Or l’idéologie refuse cette différenciation. Il ne reste donc plus qu’une solution : ne rien apprendre à personne. Ne donner aux jeunes qu’une teinte superficielle de savoirs, en transformant les professeurs en animateurs de ce « lieu de vie » qu’est devenue l’école. C’est ce qu’on a fait dans l’Éducation nationale depuis des décennies. Et cela a donné le résultat que chacun connaît aujourd’hui : l’effondrement du niveau scolaire français dans tous les tests comparatifs internationaux, dont les fameux tests PISA où notre pays est en bas de l’échelle européenne et perd encore des points chaque année.

➜ Ce phénomène est-il propre à la France ?

Oui et non. Des forces idéologiques identiques ont été à l’œuvre dans de nombreux pays, avec les mêmes conséquences. Mais elles ont trouvé en France un terrain d’élection, puisqu’il existe chez nous un appareil scolaire unifié où il suffit de prendre le pouvoir. En revanche, dans les pays où existe un certain pluralisme de fait et de droit (religieux, fédéral…), ces forces ont dû composer avec d’autres et l’école secondaire
traditionnelle a pu subsister. En Hollande, Suisse, Italie, Allemagne, Angleterre, on a conservé la tradition d’enseignement secondaire qui a formé toutes les élites intellectuelles de l’Europe depuis l’origine.

➜ Quels sont les fondements historiques de cette tradition ?

Cette tradition remontait à l’Antiquité, aux écoles épiscopales et monastiques du Haut Moyen Âge, aux « Facultés des arts » des universités médiévales, aux collèges des grandes congrégations enseignantes comme les Jésuites ou les Oratoriens. Le lycée napoléonien et républicain en a hérité, et cela s’est maintenu chez nous jusqu’à la fin des années 1960 environ.

Le caractère commun de toutes ces écoles secondaires traditionnelles est qu’on y enseigne le trivium et le quadrivium, c’est-à-dire les lettres et les sciences. Ce sont des disciplines élémentaires, mais déjà rationnelles et pleinement scientifiques, qui ne peuvent être acquises que par des élèves ayant déjà atteint, à l’âge de 10 ans environ, le stade de l’intelligence abstraite et désintéressée (pour reprendre les classifications de Jean Piaget). Ces jeunes peuvent être très nombreux dans une classe d’âge, mais il est certain qu’ils n’atteignent jamais 100%.

C’est pourquoi nos socialistes français, voulant à tout prix faire l’école et le collège uniques, ont cru pouvoir jeter aux orties cette tradition, ne se rendant pas compte que non seulement ils condamnaient ainsi le pays à la ruine intellectuelle et au non-renouvellement de ses élites, mais interdisaient aux jeunes des milieux populaires toute vraie promotion sociale, telle que le leur permettait l’école méritocratique de Jules Ferry.

« Je puis témoigner qu’il y a de vrais illettrés parmi les inspecteurs de l’Éducation nationale »

Cet affaissement du niveau scolaire a-t-il des répercussions sur celui des enseignants ?

Bien entendu. La plupart des professeurs d’aujourd’hui ont fait leurs études à une époque où l’école était déjà dégradée : ils ne peuvent donc transmettre ce qu’eux-mêmes n’ont pas appris.

Cette chute observable du niveau des enseignants concerne aussi l’encadrement de l’Éducation nationale, y compris les inspecteurs, parmi lesquels je puis témoigner qu’il y a désormais de vrais illettrés (il suffit de lire leurs rapports, dont beaucoup sont publics, pour constater que leurs textes sont souvent aussi jargonnants et fautifs dans la forme que niais sur le fond).

Pas étonnant, puisqu’ils sont recrutés depuis des décennies sur des critères politiques et syndicaux, et non en fonction de leurs compétences intellectuelles.

➜ Que faut-il faire pour redresser la barre ?

Il faut réintroduire dans le système diversité, innovation et émulation. C’est la seule voie possible et raisonnable. En effet, je ne crois pas à une grande loi qui réformerait globalement l’Éducation nationale. Les forces conservatrices qui s’y opposeraient sont trop importantes – forces idéologiques, syndicales, politiques et aussi sectaires, puisqu’on sait qu’une grande partie du pouvoir réel au sein de l’Éducation nationale appartient à la franc-maçonnerie.

Aucun gouvernement ne s’y risquera. En revanche, il est possible d’agir aux marges du système, avec l’accord tacite de l’opinion publique qui est lassée et désabusée et attend autre chose.

➜ Comment renouer avec la tradition d’excellence qui a forgé la tradition française?

Il faut, par exemple, autoriser la naissance d’établissements publics dérogatoires, fondés sur le volontariat, la liberté de recruter professeurs et élèves selon des critères affichés d’excellence. Ou instituer, pour les écoles privées, un nouveau type de contrat moins contraignant que les actuels contrats Debré et permettant une véritable autonomie pédagogique, comme cela vient d’être fait au Portugal.

L’essentiel est que de nouveaux types d’écoles et de cursus puissent naître, être testés, réussir, se faire connaître et servir alors de modèles pour d’autres acteurs de l’éducation qui ne se résignent pas à l’échec actuel du système. Par le jeu de l’émulation et sous la pression des parents qui sauront que d’autres modèles éducatifs sont possibles et efficaces, l’Éducation nationale pourra alors évoluer, éventuellement très vite.

Propos recueillis par Didier Laurens

Enquêtes du contribuable Ecole «École : nos enfants en péril», Les Enquêtes du contribuable d’octobre/novembre 2015. En téléchargement gratuit sur notre boutique en ligne.


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