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L’Interview Très Stratégique de MNSTR, l’agence d’un « nouveau type »

Publié le 14 décembre 2015 par Darkplanneur @darkplanneur

Le Digital, les Social Media, l’Influence, sont des mots qui sont devenus des philosophies et qui obligent l’ensemble du secteur de la communication, agences, comme annonceurs à se réinventer pour survivre..un Darwinisme 2.0 qui couplé à la vitesse exponentielle de circulation de l’information accentue le fossé entre bonnes propositions et stratégies / créations d’un autre siècle. MNSTR est une agence d’un nouveau type le Digital intégré à son ADN, qui n’a donc pas eu besoin de faire sa mue, et qui aujourd’hui est à l’avant-garde des communications intégrées.

Perrine Lizé et Louis Bonichon respectivement Associés Directrice Conseil et Directeur de Création se sont livrés à l’exercice de style de l’interview très stratégique pour nous révéler leur approche disruptive du business.

Darkplanneur: Comment va MNSTR?

Perrine Lizé : Nous allons bien. Nous existons depuis 5 ans, nous sommes aujourd’hui 40 personnes, entre Paris et Annecy. Et nous venons de gagner des nouveaux comptes.

D: Comment prononce t-on le nom de votre agence ?

Louis Bonichon: « Monstre ».

PL : Nous avons même fait un petit film pour les vœux de 2013 qui est un tutoriel de prononciation.

HNY 2O13 | SAVEZ VOUS PRONONCER MNSTR from MNSTR on Vimeo.

D : pourquoi avoir choisi ce nom très positionnant ?

LB: Nous venons d’une agence Pure Player qui s’appelait « Megalo », cataloguée digital uniquement, ce qui était réducteur. Nous souhaitions créer des dispositifs de communication qui conjuguent de l’image, de la technologie etc. … Nos projets étaient hybrides et notre raison d’être était déjà une sorte d’agence « monstre » : une agence polymorphe et pluridisciplinaire. C’est ce que nous continuons d’être. L’évolution de l’équipe est organique, car nous recrutons des compétences complémentaires. Sur un projet, le stratège, le commercial et le créatif travaillent au même niveau, sans étape et sans prise de pouvoir.

D : Quel est le positionnement de votre agence ?

PL : Nous sommes une agence de communication tournée vers le digital.

LB : Notre agence est une alternative aux grands groupes : en termes de projets, de process et aussi de qualité relationnelle que nous voulons développer.

D : Quelles sont les compétences de l’agence ?

PL : Nous avons pris le parti de ne pas trop marketer notre offre. Ce que nous vendons c’est la capacité d’être chef d’orchestre pour monter un dispositif global.

LB : La campagne que nous avons produite pour Lacoste LT12 « Elegance is Victory » se déploie autour d’une histoire avec l’édition d’un livre, la production de mini capsules Instagram et le design des vitrines.

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PL : Nous vendons notre agilité, et non pas des offres fermées qui nous priveraient d’opportunités. Nous ne voulons pas nous empêcher de faire des choses que nous n’avons pas encore faites.

D: Qu’avez-vous retiré de Cannes Lions 2015 ?

LB:  Nous avons retenu que les agences dépensaient beaucoup pour créer des ghosts…

PL: Je retiens 1 projet vraiment génial: Rosa Park pour Thalys « Sounds of a City »

D: j’ai l’impression qu’aujourd’hui la technologie prend le pas sur la Big Idea, constat au cœur d’une polémique lancée par le directeur de la création monde de DDB, qui selon lui : « il faut faire attention à ne pas mélanger grande innovation technologique et Big Idea ». Qu’en pensez-vous ?

 LB : Je ne suis pas d’accord, je n’ai pas l’impression que ce soit comme cela ; c’était peut-être le cas trois ans en arrière. Aujourd’hui, l’évolution des supports nous pousse à être créatifs. Comme avec l’arrivée de Vine et des formats de 7 secondes.

D : Ce que j’entends dans cette critique, c’est que les créatifs ou les planneurs ne sont plus sur l’idée pure, ils basculent très vite vers le dispositif.

LB : En effet. Avant, une idée pure était exprimée de manière pure dans un film de 30 secondes, ou sur une image dupliquée un nombre infini de fois sur du 4×3. Aujourd’hui, la technologie nous invite à créer une histoire, comme une sorte de capsule, qui va être racontée en différentes étapes. Le consommateur ne reçoit plus seulement une histoire, mais il va pouvoir échanger, interagir. Par exemple, pour la campagne « Old Spice, Response » lancée sur Twitter en 2011, la Big Idea se situe dans l’exécution des vidéos qui excellent et par les quelles le « Old Spice Guy » répond directement aux fans de manière personnalisée et en temps réel.

D: La forme serait-elle en train de prendre le pas sur le fond ?

LB : La forme devient aussi importante que l’idée. L’exécution est très importante car aujourd’hui les clients se demandent comment les gens vont vivre une expérience super cool avec leur marque, plutôt que vouloir leur imposer son autorité via une Big Idea.

D: On a pu aussi constater que les jurés ont eu beaucoup de mal à définir les catégories. Comment l’expliquez-vous ?

PL : Par définition c’est devenu impossible de segmenter les campagnes en opération Digitale, opération Print … Parce qu’une campagne s’inscrit tout au long d’un parcours consommateur. Nous sommes nous-mêmes confrontés à cette même problématique, que ce soit aux Lions de Cannes, aux Euro Best… A chaque festival, nous devons prévoir dans quelle catégorie notre opération a le plus de chance de gagner. Ces clivages ne correspondent plus aux campagnes, qui ne sont plus figées, qu’elles soient « intégrées » ou « 360 », car elles correspondent aux usages et comportements des consommateurs.

LB: les campagnes s’inscrivent plus dans la vraie vie.

D: 50% des cas présentés dans la catégorie PR étaient présentés par des agences de publicité, qu’en pensez-vous ?

PL : Toutes les activations Social Media sont des actions PR. Les agences de publicité préemptent ces budgets dans le but de faire rayonner leur idée, elles sont obligées d’avoir tout un dispositif d’activations et de médiatisation de l’idée.

LB : Plutôt que d’acheter de la visibilité, les agences de publicité préfèrent faire une opération de communication dont va parler la presse, et donc obtenir du Earned Media.

PL : Sur chaque budget de l’agence nous réfléchissons systématiquement à une activation PR, je ne sais pas si nous prenons du travail aux agences PR qui travaillent de manière traditionnelle, avec des médias traditionnels. Les médias digitaux et les influenceurs, elles ne savent pas encore bien les appréhender et nous aujourd’hui nous savons le faire…de plus, étant à l’origine de l’histoire, nous sommes encore plus légitimes pour la raconter et la diffuser.

D: PR et Digital sont maîtres aujourd’hui, la « publicité à la papa » serait-elle morte?

LB: Je l’espère ! (Rires) … Mais bon on voit que ce modèle fonctionne encore à la télévision.

PL: La « publicité à la Papa » est une très bonne expression. C’est une pièce du puzzle, mais elle ne peut plus régner en seul maître.

D: Si vous deviez vous singulariser par rapport aux autres agences, que diriez-vous ?

 PL: C’est une question difficile, j’ai tendance à penser que nos concurrents sont ceux face à qui les clients nous mettent en compétition, et cela prouve bien que nous sommes hybrides. Nous sommes autant en compétition contre des BETC, que des Sidley, Ubi Bene, Public Système, Buzzman, You tube, Mazarine … Même Buzzman n’est même plus un concurrent direct car nos styles sont très différents, et selon moi aujourd’hui Buzzman ressemble à un BETC, c’est une agence de publicité qui fait de très bons spots publicitaires, et de temps en temps de vrais dispositifs très réussis comme avec Milka … Le digital n’est plus son cœur de métier.

D: Tu commences pure Player, avec des dimensions de trublion, et finalement tu es rattrapé par l’establishment publicitaire français, le marché serait-il structuré par les annonceurs ?

PL: Mon impression est que les annonceurs sont en train d’évoluer, les décideurs chez les annonceurs, sont aujourd’hui des gens comme nous, ils commencent à avoir des gens de notre génération. Des anciens d’Orangina sont arrivés chez Bell, à des postes assez forts, ces personnes ont une vraie vision digitale, et ils n’ont pas un poste « digital » mais de marketing.

LB: La nature des discussions change.

PL: Alors même si certains annonceurs nous obligent à vulgariser à l’extrême nos propos dans les échanges, je ne suis pas résignée à faire de la pub à cause de ces difficultés ou à renier notre identité digitale. Cela évolue dans le bon sens.

D : Vous avez créé la fonction de Channel Planner, Kezako ?

PL : Nous avions nécessité à donner une dimension plus ROIste à nos idées d’activations et de dispositifs, nous travaillons toujours en collaboration avec des agences médias, mais nous avons déjà une idée préconçue de la manière dont il faut médiatiser notre dispositif, car nous l’avons imaginé et nous savons sur quel Touchpoint il va être le plus pertinent, là où il faut investir de manière plus importante, et de manière plus tactique. Pour inculquer cela à toutes les personnes qui sont chez MNSTR nous avons engagé une personne dont c’est le métier, qui nous aide à légitimer le fait que parfois il ne faut pas faire un spot de pub TV mais plutôt investir sur du social media…

LB : Nous avons besoin de cela car nous sommes complètement neutres en termes de médias. Le Channel Planner challenge les idées, leur trouve les meilleurs points de contact. Il rationnalise les idées extravagantes.

D: N’y a t-il pas là un recul par rapport à la loi Sapin qui sépare les activités de conseil en création et de conseil en média ?

PL: L’agence ne fait pas d’achat média, Le Channel Planner a une fonction de conseil, et d’interface entre les agences médias et les clients. Le Channel Planner aide l’annonceur à faire son brief à l’agence média.

D: Parlez-nous de la campagne LT12 de Lacoste …

MNSTR – Case Study : LACOSTE, lancement de la collection LT12 from MNSTR on Vimeo.

LB: Nous sommes fiers de cette campagne car la LT12 est un dispositif de communication total. L’objectif était de promouvoir une raquette qui incarne tout l’historique et toutes les valeurs de la marque Lacoste. Nous avons été missionnés pour créer le rituel d’achat et en même temps tout le dispositif de communication. Ce qui est intéressant c’est ce mix du Pop Ephémère, que sont ces mini conduits digitaux, associé à du tangible que sont le livre et le travail de scénographie en boutique avec de la création de meubles, une conjugaison de deux contraires.

PL: On a travaillé avec eux sur ce qu’ils appellent un « Glorifier » pour tous leurs points de vente à travers le monde, pour présenter la raquette.

LB: On a écrit une histoire avec une signature « Elegance is a Victory ». Que nous racontons sur les différents formats.

PL: Comme nous le disions précédemment, notre fonction sur leur événement (que nous n’avons pas organisé) a été celle de chef d’orchestre. Nous étions auprès du client pour être garant du Story Telling, nous avons décidé des guidelines, quelle agence événementielle allait remporter la compétition … Nous nous sommes retrouvés de l’autre côté du miroir pour une fois. Cela nous a permis de maintenir le fil rouge que nous avions imaginé pour que l’ensemble fonctionne.

#BeautifulTennis :
 
7 épisodes sur instagram et Vine :

Le livre dans sa version papier était offert à chaque achat d’une raquette :

 

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L’application fournie avec:

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LB : Et c’est aussi la première fois qu’en termes de partenaires nous avons étendu les collaborations. Nous avons travaillé avec le photographe Sam Hofman qui est très doué, ainsi qu’avec Romain Laurent pour les films Instagram, et avec Adrien Bosc qui venait d’écrire « Constellations », éditeur génial et rédacteur en chef du magazine Desports.

D: Comment articulez-vous les différents messages de communication, « Elegance is a Victory » et « Life is a Beautiful Sport » ?

PL : « Elegance is a Victory » est le prolongement de la signature chapeau de la marque : « Life is a Beautiful Sport » qui est la plateforme de marque. C’est dans le cadre du repositionnement de la marque sur le sport qu’ils nous ont commandité une campagne sur la raquette. Nous avons écrit le chapitre « sport » de la philosophie globale « Life is a beautiful sport ». « Elegance is a Victory » est l’expression de ce que Lacoste est dans le sport.

D : Lacoste, Boucheron, Jaguar, l’agence a développé au fil du temps une certaine relation avec des maisons de luxe, ou dite premium, quelle est votre approche qui ne doit pas être la même que pour le Petit Marseillais ?

PL: Ce qui nous a intéressés à chaque fois sur ces marques là, a été d’entrer dans leur histoire, car les marques de luxe ont un héritage et une histoire toujours très intéressants à traiter. Sur Boucheron, Loïc est devenu un fondu de joaillerie française, et de l’histoire de Boucheron. C’est ce qui nous a permis de faire les projets qu’on a fait avec passion alors que nous ne nous y attendions pas du tout.

LB : C’est passionnant de raconter aux gens la valeur des choses.

PL: Même l’emplacement de leur boutique Place Vendôme a été choisi car c’est le seul qui reçoive la lumière naturelle du matin au soir. Les artisans qui travaillent dans les ateliers dans les étages, sont des « artisans de lumière » et c’est pour cela que Frédéric Boucheron a choisi cette exposition. Quand nous travaillons sur un sujet pour Lacoste, que ce soit le nouvel an chinois, leur Noël, ou pour un sujet tennis, on revient toujours à l’histoire de René Lacoste, et à sa philosophie.

LB: A l’inverse, pour Pepsi, on s’éclate aussi, on ne va rien puiser dans l’héritage de marque mais on crée un ton, un ton hyper radical propre à la marque, propre aux insights consommateurs. Pepsi et Coca Cola en France c’est David et Goliath. Le seul moyen de se faire entendre est d’être extrêmement drôle et d’être en décalage à 2000%. Tous les jours Pepsi se faisait attaqué par les fans de Coca, et la marque n’a rien répondu pendant trois ans, et nous leur avons conseillé de répondre avec des chats avec des cœurs dans les yeux, de l’amour… et les fans de Pepsi nous ont suivis, et aujourd’hui ils demandent eux-mêmes aux « Haters » de quitter la page. Nous avons d’avord fait un travail sur leur communauté.

D : Dans une interview, vous avez parlé des marques et des agences qui créent une division digitale, et en corollaire cela signifiait une incompréhension du digital, c’est à dire ?

PL : Nous recrutons un Social Media Strategist, mais on ne dit pas qu’on crée un pôle Social Media. Le but d’avoir recruté un expert en Social Media est de transmettre son expertise à tous dans l’agence, aux directeurs de clientèle comme aux managers qu’il challenge, et à terme qu’il devienne un Directeur Conseil. Il ne va pas rester Social Media Strategist, car tout le monde le sera devenu; comme pour le Media Planner. Créer une division digitale est signe d’une incompréhension du métier. Tout le monde doit être infusé au digital.

LB: C’est un peu comme quand on parlait de la Team Créa : un Concepteur Rédacteur et un Directeur Artistique ; aujourd’hui il s’agit de conjuguer des talents par exemple rassembler un Directeur Conseil, un Stratège, un Créatif Technologiste, etc…Les domaines sont tellement diversifiés, au lieu de créer des pôles nous préférons créer des cellules de discussion où l’on va se challenger mutuellement… nous avons dépassé depuis fort longtemps ce que le marché appelle « les Silos » et qui semble être la nouvelle tendance sur le marché de la communication en 2015 tout de même!!

Et pour ce noël, MNSTR a remis le couvert avec Lacoste dans des saynètes tout en humour et décalage


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