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d'après Maupassant (N° 17/74)

Publié le 15 décembre 2015 par Dubruel

Cimetière hanté ...par une femme séduisante D'après LA MORTE (31 mai 1887)

Un soir de pluie, elle était rentrée trempée. Le lendemain, elle toussait. Puis elle respira difficilement, garda le lit bien couverte, et prit consciencieusement les médicaments que le médecin avait prescrit. Rien n'y fit.

Sentant la fin arriver, elle demanda un prêtre qui l'a bénie. Mais comme il l'appelait : ''Votre maîtresse'', je l'ai chassé, considérant qu'il l'insultait et qu'il m'offensait.

Elle fut enterrée dans un trou, elle, enterrée dans un trou ! Quelques amis étaient venus. Lesquels, je ne sais plus. Moi, je me suis sauvé de la nécropole en courant. J'ai longtemps erré par les rues avant de rentrer. J'ai bouclé ma valise et suis parti quinze jours en Espagne.

Je suis rentré hier, dans ces murs qui avaient abrité notre amour. Mais quand j'ai revu notre lit, quand j'ai pensé à notre bonheur passé, je n'ai pu rester un seul instant de plus à la maison et je me suis précipité au cimetière.

Gravés sur la pierre de sa tombe, j'ai lu : " Elle aima, fut aimée et mourut. "

Elle était dessous. Quelle horreur ! Puis j'eus un désir d'amant : rester auprès d'elle toute la nuit. Je pensai : ''Ce séjour des morts est bien petit comparé au monde où l'on vit !...Pourtant les morts sont bien plus nombreux que les vivants !''

Bientôt, je vis bouger la tombe voisine. Le mort enterré là, se dressa soudain. Il portait sur le dos la dalle de son tombeau sur laquelle était gravée : ''Ici repose François Renard, décédé à 61 ans. Il aimait les siens, fut honnête, bon citoyen et mourut dans la paix du Seigneur.''

Son squelette ramassa un silex et corrigea l'épitaphe : ''Ici repose François Renard, connu pour sa méchanceté. Il hâta la mort de son père, tourmenta sa vieille maman, tortura femme et enfants, et mourut sans les sacrements de l'Eglise.''

J'ai parcouru les allées du cimetière et constatai que d'autres morts effaçaient les mensonges sculptés sur leur stèle. Tous rétablissaient la vérité. Tous avaient été hypocrites, menteurs, malhonnêtes, calomniateurs...

Je me suis dit qu' Elle aussi avait dû tracer la vérité sur son tombeau. J'y retournai et, en effet, elle venait d'écrire : ''Un soir de pluie, elle a trompé son amant. Elle prit froid en rentrant chez lui et expira le lendemain.''


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