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La France déchue de François Hollande (451ème semaine politique)

Publié le 26 décembre 2015 par Juan

 

La France déchue de François Hollande (451ème semaine politique)

Crédit Illustration: DoZone Parody

Le réveillon est clos. Hollande remonte dans les sondages. Le chômage frôle des records inattendus. L'extrême droite sera au second tour d'un scrutin présidentiel de la République.

Joyeux Noël.

Mercredi 23 décembre, François Hollande a finalement maintenu la déchéance de nationalité comme punition symbolique, détestable et inefficace à son projet de loi d'extension de l'état d'urgence dans notre Constitution.  Politiquement, la décision fait débat. Hollande retient des élections régionales qu'il a blanc-seing pour chiper tous les symboles de la droite furibarde, jusqu'à ceux de l'extrême droite.


Le tournant
Si elle est votée, cette déchéance s'étendra donc aux bi-nationaux "condamnés définitivement pour un acte qualifié de crime ou de délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme" même s'ils sont nés Français. Le Conseil d'Etat ne trouve rien à redire, ou presque: "cette mesure pourrait se heurter à un éventuel principe fondamental reconnu par les lois de la République interdisant de priver les Français de naissance de leur nationalité. (...) La mesure envisagée par le Gouvernement poserait, en particulier, la question de sa conformité au principe de la garantie des droits proclamé par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen."
Rien que ça.
Christiane Taubira, garde des Sceaux, assurait la veille de la décision de son opposition à la mesure et que cette dernière avait été abandonnée par Hollande. Après son adoption en conseil des ministres, la déchéance de nationalité affaiblit la crédibilité de la Garde des Sceaux.
Les supporteurs du président toussent, ils expliquent que "les clivages tombent", que les "temps ont changé" à cause des attentats qui ont frappé la France. Ils confondent la riposte militaire contre Daesch avec cette manœuvre politicienne. Ils rappellent que la République avait été plus violente en 1848 en menaçant de déchéance de nationalité les esclavagistes. Ils rappellent aussi la réforme d'Elisabeth Guigou de 1998, oubliant au passage que sa démarche était l'exact opposé -  La gauche plurielle du gouvernement Jospin l'avait restreinte aux bi-nationaux naturalisés en 1998 pour éviter de créer des apatrides.
Cette mesure est stupide: elle créera plus de problèmes que de solutions. L'ancien juge anti-terroriste Marc Trévidic s'interroge: "Que se passera-t-il si l'Algérie, les Etats-Unis nous adressent des déchus ? Allons-nous les accepter ?" La mesure est discriminatoire, puisqu'elle ne concerne pas les terroristes qui ne sont pas bi-nationaux. C'est une "rupture d'égalité" commente Martine Aubry puisqu'elle créé une distinction entre Français nés Français.  Elle heurte évidemment à gauche, mais bien au-delà de l'opposition traditionnelle. Elle heurte aussi chez les centristes ou des gaullistes (Jacques Toubon) Elle déclenche une levée de boucliers chez ce qu'il reste d'intellectuels et des personnalités du monde de la culture. Ces cris et protestations braquent quelques soutiens du président, y compris chez les blogueurs. "Vous avez perdu la tête !" lancent-ils, soudainement oublieux de l'Histoire. Et les voici à appeler au calme alors que Hollande surréagit sous le coup de l'émotion avec l'agitation d'un Sarkozy de pacotille.
Même Manuel Valls a reconnu l'inefficacité de la mesure: "Ça ne dissuade aucun terroriste de se faire sauter au Bataclan" confie-t-il à des journalistes le 15 décembre dernier.  Les rares djihadistes bi-nationaux des attentats de Paris de 2015 n'étaient Français que par hasard et se fichaient d'ailleurs pas mal de savoir s'ils l'étaient. François Bayrou confirme l'inutilité, même s'il votera la mesure.
"La déchéance de nationalité est contraire aux fondements de la Republique et n'a aucune efficacité contre le terrorisme. Pourquoi alors?" Arnaud Montebourg.
La déchéance de nationalité est un symbole, rien qu'un symbole. Et donc la question suit, inévitablement, naturellement: pour qui donc cette déchéance de nationalité est-elle un symbole ? Chaque républicain connaît la réponse: c'est un symbole pour celles et ceux qui pensent qu'il faut effectivement trier parmi les Français. C'est-à-dire pour l'extrême droite et cette large fraction de la droite furibarde. Marine Le Pen applaudit la décision: "Déchéance de nationalité: premier effet des 6,8 millions de voix pour le Front national aux élections régionales" écrit-elle sur Twitter. L'avocat Jean-Pierre Mignard, proche de Hollande, prévient: "La déchéance de nationalité pour les binationaux nés en France (est un) rétablissement régressif des Français de souche, et du droit du sang".
La déchéance de nationalité n'est pas votée pour lutter contre le terrorisme, elle n'est qu'un symbole. C'est comme poser une gerbe sur la tombe de Pétain. Cela ne change rien à notre vie quotidienne. C'est juste un symbole ignoble. François Hollande connaît l'importance des symboles. Au cours de son quinquennat, il en a choisi quelques-uns de très nobles pour faire avancer le droit et la mémoire, et reconnaitre les failles de la France. Mais en cette veille de Noël, il s'est abimé par un tournant dont il sous-estime peut-être la portée.
La primaire
La déchéance de nationalité est d'abord une déchéance politique, la compromission de trop. Eric Besson, ex-ministre de l'identité nationale de Nicolas Sarkozy, doit se frotter les mains à voir Hollande faire un tel pas. Hollande, comme l'écrit Libération, a réussi, "au prétexte d’être en phase avec l’opinion, à légitimer une bonne fois pour toutes une mesure issue de l’extrême droite, à offrir une victoire politique à la droite et à fracturer une gauche qu’il s’agit précisément de ressouder dans la perspective de la prochaine présidentielle." Ce n'est pas une "France unie" comme Mitterrand l'avait cherchée et construite en 1988 face à une droite fatiguée par son extrême, mais une composition politique rétrécie vers la droite d'un Giscard de 1974 que Hollande vise. On murmure que Bayrou ou Borloo seraient ses prochains premiers ministres en cas de victoire en 2017. Qu'importe ! On sait désormais que Hollande est capable de tout.
Hollande n'est pas engagé dans une primaire à gauche pour concourir à sa réélection, mais dans une primaire à droite. Avec ce nouveau "coup de poker" contre son camp, Hollande préparerait une vaste recomposition politique pour 2017, la grande alliance avec le centre-droit, l'union nationale contre le Front national menaçant. "Il prépare le gouvernement d'union nationale de son deuxième quinquennat" confie un proche anonyme au JDD.
La Vème République s'abîme ainsi encore dans ses compromissions et autres trahisons avec ses principes fondateurs. Le virus de ce régime monarchique focalise les locataires élyséens sur leur survie davantage que sur leur programme, sur leur réélection plus que sur leurs alliés. Hollande a fatigué son électorat de 2012, il en cherche un autre comme on change de chemise quand le col est usé. Il est habile. Il fait désormais la course en tête pour le Grand Scrutin.  La perspective d'une victoire possible fera taire les critiques dans son camp. Car cette victoire, présentée comme impossible depuis 2013, serait un miracle pour nombre de socialistes fidèles, tétanisés par la descente aux enfers qu'a subi leur mentor depuis son élection.
Faut-il juger ce président exclusivement sur ce tournant symbolique ? Non bien sûr, mais que nous reste-t-il ?
François Hollande n'a pas voulu priver de droits civiques les évadés fiscaux. Contre eux, pourtant, la mesure auraient eu une sacrée efficacité dissuasive. Et le paiement de l'impôt national n'est-il pas l'un des premiers fondements de la République ?
En matière sociale, le bilan est morose. Le 1er janvier, la prime d'activité entre en vigueur. C'est un subside d'environ 80 à 100 euros mensuels pour les "travailleurs mensuels"."C’est une aide importante qui peut faire la différence au quotidien" pavoise le ministère du travail. Vraiment ? La France compte un million de travailleurs pauvres, contraints au temps partiel et à un revenu inférieur à 800 euros mensuels.
"Un Iphone 6 représente à lui seul un mois d’indemnisation pour la moitié des chômeurs." Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, 23 décembre 2015.
 L'Insee vient de publier une première estimation de la pauvreté en France pour 2014. L'institut, qui cherche à réduire son temps d'analyse, conclue que "la baisse des inégalités constatée en 2012 et 2013 ne se poursuivrait pas en 2014 ". L'an dernier, la France comptait 14,2% de pauvres. L'extension de la crise aux couches moyennes a même fait baisser le seuil de pauvreté: autrement dit, "des personnes pauvres en 2011 ne l’étaient plus en 2012 avec le même revenu", rappelle l'Observatoire des inégalités à la veille de Noël.
Le chômage, non plus, ne baisse pas. Les statistiques publiées par Pôle emploi le 24 décembre le confirment (seule la catégorie A des sans-emploi fléchit de 15.000 inscrits en novembre). La courbe ne s'inverse pas. La ministre du travail, Myriam El Khomri, promet une énième réforme du code du travail pour mars, et un nouveau plan en janvier, centré sur l’accompagnement des personnes peu qualifiées.
Les années passent, les discours se répètent.
Seul Hollande change.






Mauvais Noël.














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