Magazine Cinéma

[Critique] JOY

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] JOY

Titre original : Joy

Note:

★
★
★
★
★

Origine : États-Unis
Réalisateur : David O. Russell
Distribution : Jennifer Lawrence, Robert De Niro, Bradley Cooper, Edgar Ramirez, Virginia Madsen, Isabella Rossellini, Diane Ladd, Dascha Polanco, Drena De Niro…
Genre : Drame/Biopic
Date de sortie : 30 décembre 2015

Le Pitch :
Enfant, Joy avait la tête pleine de rêves. Douée pour inventer des objets, elle pensait sincèrement que les prédictions de sa grand-mère allaient se réaliser et qu’un jour, elle pourrait s’accomplir pleinement. Pourtant, en devenant adulte, Joy a enchaîné les désillusions. Mère de deux enfants, elle se débat avec les dettes et avec une famille pour le moins problématique. Pourtant, un jour, Joy a une idée. Une idée qui pourrait tout changer. Histoire vraie…

La Critique :
On peut légitimement se demander pourquoi David O. Russell a choisi d’adapter à l’écran la vie de Joy Mangano, l’inventrice du Miracle Mop, un balai-serpillière à franges, en son temps révolutionnaire. D’habitude, quand Hollywood décide de s’intéresser à la vie de quelqu’un, il s’agit de stars de la musique, du cinéma, du sport ou encore de la littérature. Le truc, c’est que David O. Russell n’est pas Hollywood. Déjà plutôt frondeur à ses débuts, l’homme a profité du succès pour acquérir une certaine liberté, en somme toute plutôt rare dans le milieu. Ainsi, tous ses films, et plus particulièrement les plus récents, dénotent d’un désir d’illustrer des thématiques bien précises par le biais d’histoires qui s’y prêtent, afin de ne jamais forcer le passage. Vu sous cet angle, alors que la crise économique impacte encore malheureusement la marche du monde, un film sur la success-story d’une femme en apparence comme les autres, qui a fait fortune en inventant un balais, n’a pas de mal à trouver sa pertinence et, en toute logique, sa place.

Joy-Robert-De-Niro

Parmi tous les cinéastes en activité, et à plus forte raison quand ils écrivent leurs films, David O. Russell est l’un de ceux qui brossent le mieux l’âme humaine. Tout particulièrement la famille. Le couple aussi. Quelques-un de ses meilleurs longs-métrages, soit Happiness Therapy ou encore Fighter, pénètrent une intimité dans laquelle il est simple de se retrouver. À nouveau, avec Joy, le réalisateur pose ses caméras au beau milieu d’une famille dysfonctionnelle. Le père est aimant mais plutôt compliqué, la mère sombre, la sœur est jalouse, l’ex-mari paumé et les enfants perdus au milieu. Joy pour sa part, tente de faire tourner le manège. O. Russell s’intéresse donc plus particulièrement à elle. À celle qui dut mettre ses rêves de côté pour s’occuper des siens pour franchir le cap si délicat de l’âge adulte. Le balais n’est qu’un prétexte pour le cinéaste. Il symbolise la porte de sortie. Et si le film est en effet un biopic, il est surtout, avant toute chose, une brillante et pertinente réflexion sur l’ambition et cet instinct de survie qui empêche parfois de baisser les bras quand le sort s’acharne.
À bien des égards, sous ses apparats de comédie dramatique traditionnelle, Joy est l’œuvre la plus complexe de son géniteur. Pourtant facile d’accès, car prenant dès le début des airs de conte de fée moderne pour adultes, cet étonnant film doit néanmoins composer avec son postulat, qui ne va pas manquer de déclencher les foudres de la critique et d’un certain public, peu enclin à prêter du crédit à une histoire de femme au foyer et de serpillière. Ce qui serait véritablement regrettable tant Joy offre tout ce qu’un film de ce genre doit offrir. Plus encore si on considère l’angle pris par Russell, dont la réalisation toujours très fluide et pleine d’ampleur, confère à l’ensemble un cachet indéniable et très personnel. La musique, toujours très importante chez le réalisateur, tient aussi une place de choix. Les morceaux sont magnifiquement intégrés à la narration, toujours placés au bon endroit pour répondre aux ressentis des personnages et appuyer une dramaturgie qui s’en trouve alors décuplée. L’écriture également, impressionne en permanence, grâce à ce savant mélange d’humour et d’émotions à fleur de peau. Peu sont ceux, qui comme David O. Russell, parviennent à retranscrire l’ambiguïté des relations humaines. Avec une déconcertante facilité, cet auteur hors pair capture les non-dits, exploite l’époque dans laquelle il a planté son décors, et travaille ses personnages avec une justesse absolue non dénuée de poésie.
Portait de femme plein de souffle, Joy est un film féministe, mais pas seulement. Le propos est beaucoup plus fin et au final, alors que Cream fait retentir une nouvelle fois son I Feel Free, difficile de ne pas se dire que peu sont les films qui ont su croquer avec tant d’éloquence un personnage féminin puissant, sans avoir recours à une quelconque forme de cynisme ou encore à toute la batterie d’arguments bateau mis la plupart du temps en avant.

Désireux de pouvoir se concentrer sur la forme, qu’il désirait originale, quelque part entre la success story, la chronique familiale, la comédie, le drame et le feel good movie, David O. Russell a tenu à proposer un nouveau CDD à son trio de Happiness Therapy et American Bluff, soit Jennifer Lawrence, Bradley Cooper et Robert De Niro. Des comédiens qu’il connaît bien et en qui il pouvait placer toute sa confiance. On savait donc que les acteurs allaient assurer mais, et c’est là aussi que le film impressionne, ils arrivent pourtant à surprendre. Robert De Niro prouve encore qu’il n’a rien perdu de son talent, bien au contraire. Sous la supervision d’un formidable directeur d’acteurs, il fait des merveilles, sans forcer, quand bien même il doit composer avec un personnage ambigu, à la fois attachant, drôle et parfois antipathique. Bradley Cooper, un poil plus en retrait, est lui aussi impeccable, tout comme la batterie de seconds rôles, assurés par des acteurs de premier plan (parfois un peu oubliés), comme Virginia Madsen, Isabella Rossellini, Diane Ladd et Edgar Ramirez. Des noms qui à eux seuls démontrent parfaitement l’amour que O. Russell porte aux acteurs.
Et Jennifer Lawrence ? Et bien elle est parfaite. Il n’y a pas d’autres mots. Sa relation avec le cinéaste contribue à inscrire leur travail commun au panthéon des grandes unions du cinéma contemporain. Charismatique, mature, émouvante, belle à tomber, la jeune comédienne livre une véritable performance. Pas du genre programmée pour les Oscar (même si elle va probablement s’y retrouver), mais de celles qui coulent de source. De quasiment tous les plans, Jennifer Lawrence fait du combat de Joy le sien. Tour à tour vulnérable et forte, elle fait des merveilles, avec la prestance de celles et ceux qui ont inscrit par leur talent, leur nom dans les tables de loi du septième-art. On en fait trop ? Non franchement, pas du tout.

Chronique rock an roll, formellement magnifique, Joy est une ode à tous ceux qui, un jour, ont décidé d’essayer, quitte à échouer. Il s’agit bien d’une success story à l’américaine, mais pas du même goût que la majorité de celles que nous avons déjà vu. Ici, il y a un petit quelque chose en plus. Une universalité supplémentaire, qui décuple les émotions et galvanise en profondeur. Anti-académique, personnel et éloquent, Joy est un film qui coule de source. Grâce au talent combiné d’acteurs au diapason et d’un réalisateur qui a eu le courage de raconter l’histoire de la femme qui un jour, inventa un balai-serpillière révolutionnaire.

@ Gilles Rolland

Joy-Jennifer-Lawrence
  Crédits photos : 20th Century Fox France


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Onrembobine 57561 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines