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[critique] la Chute : fin de règne

Par Vance @Great_Wenceslas
[critique] la Chute : fin de règne

Tout le battage qui s'est produit sur certains médias, l'incertitude qu'il soit diffusé en France et la volonté de me faire ma propre opinion m'ont évidemment conduit à l'époque dans les salles obscures. Trop souvent, par le passé, l'expérience a montré qu'il y avait souvent beaucoup de bruit pour rien et qu'il valait mieux y aller voir par soi-même. Il y avait une certaine forme de courage, et peut-être un peu de suffisance, pour oser fair e un film sur les derniers instants d' Hitler qui a réussi à attirer au cinéma près d'un million de spectateurs hexagonaux.

Dès le départ, le film en impose : c'est incontestablement un Ainsi, choisissant le biais du témoignage filmé, il en supprime la voix off, alors même que la majeure partie des événements narrés sont tirés du roman autobiographique de la jeune secrétaire ensuite. Au travers d'un
monument. Malgré un montage parfois maladroit et une interprétation quelquefois limite, une VF qui ne parvient que rarement (chez les personnages féminins) à rendre la puissance évocatrice de certaines phrases ou décisions prises dans la hâte, la colère, le désespoir ou un accès de folie, le film est le récit minutieux d'une fin annoncée et peut s'honorer d'éviter les nombreux écueils qui se dressaient sur sa route.

[critique] Chute règne
Traudl, exquise dans cette candeur que va peu à peu obscurcir l'appréhension d'une horreur inavouable, dont elle ne percevra les tenants que bien longtemps après la fin de la guerre (la personne en question, auteure du livre, est elle-même interviewée en séquence pré- et post-générique). On assiste alors à ce qui pourrait être une sorte de docu-fiction, sauf que ce qui est montré porte le sceau de la réalité historique. Traudl est bien témoin, mais la caméra ne fait que montrer, observer, froidement, mécaniquement, la montée des tensions afférentes à l'acceptation de la fin.
Hitler Bruno Ganz tétanisant et hypnotique, il est le pivot du film, alors qu'il n'en occupe pourtant qu'une partie somme toute modeste ; une interprétation étourdissante et son aura historique faisant le reste, on a l'impression qu'il hante les couloirs carrelés de bleu de ce bunker de la Chancellerie dans lequel se joue une Comédie hum
aine macabre, d'un cynisme sans nom, qui mêlera dans des séquences aussi poignantes qu'irréelles, des scènes de beuverie entre officiers désenchantés mais stoïques, des démonstrations cliniques de la meilleure façon de trouver la mort, des divagations funestement ludiques destinées à tromper l'ennui dans l'attente de cette fin annoncée (presque plus mortel que la mort elle-même), et cette délicieuse petite famille aryenne dont les visages blondinets et joufflus ne portent pourtant aucun des stigmates affligeant l'énormité que s'apprête à accomplir leur génitrice, décorée peu de temps avant la Fin du titre de Meilleure Mère de la Patrie...

Et devant ce spectacle refusant tout caractère spectaculaire, scandé toutefois par quelques plans de bombardements et de populace errant entre des décors dignes de Les heures passent, l'ennemi approche, invisible. Et la Fin est là. Niée, refusée, puis repoussée, retardée par la volonté d'ignorer l'échéance, la fin du Reich devient une évidence pour le

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Stalingrad (le film a été en partie tourné en décors naturels à Saint-Pétersbourg), on assiste à cette lente et inexorable descente aux enfers. On y assiste, aussi passifs que certains des seconds rôles qui ne comprennent pas, puis refusent de comprendre. Les masques tombent vite, les trahisons fusent. Le temps des complots est déjà passé, seul l'espoir demeure, dans la fuite ou la compromission. Acculés ainsi, les acteurs de la tragédie révèlent ce qu'il y a de plus pervers, de plus ignoble ou, parfois, de plus sensible. Goebbels, encore plus pourri peut-être que tous les autres, ira même jusqu'à pleurer pour qu'on lui tape son testament. Mais il se ressaisira vite.
Führe
r. Ses généraux l'ont acceptée depuis bien longtemps pourtant et si certains ont cherché à sauver les meubles, d'autres, esseulés, ont préféré continuer à suivre la seule lumière qu'il leur reste : leur foi inébranlable dans leur chef. Pathétiques, les derniers dignitaires succombent aux travers connus en de telles circonstances. Les nerfs lâchent, partout. L'héroïsme n'est plus qu'un vain mot, pourtant quelques-uns ont encore le culot de se dresser contre les ordres absurdes, ne serait-ce que par respect envers les soldats qui se battent pour une cause perdue d'avance , ou pour les trois millions de civils enfermés dans la cité de Berlin, désormais assiégée par les Alliés vindicatifs.

Glauque. Pourtant, peu d'effets gore : le sang gicle peu alors que la mort rôde, insidieuse. Pour les ultimes rescapés, la dignité reprend parfois ses droits. Ou la chance, c'est selon.

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Le pire, c'est le fait de reconnaître que l'innocence apparente n'est que poudre aux yeux : personne ne peut raisonnablement sortir intact de ce cataclysme. Et que penser de ce jeune garçon des Jeunesses hitlériennes, si fier d'avoir descendu deux chars russes à lui tout seul ? Il finira par comprendre l'absurdité de la guerre, mais il ne pourra pas empêcher le drame qui frappera sa famille.
Il y aurait tant à dire. Mais il faut avant tout le voir. Et ne pas oublier.

Un regret toutefois, celui du refus du jusqu'auboutisme dans cette mise en scène

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pourtant sans compromis par ailleurs, cette sorte de timidité au moment de montrer comment le Führer se donne la mort, comme un voile pudique sur des chairs putrescentes : un peu maladroit, et déplacé en la circonstance. A moins qu'il ne s'agisse que d'une sorte d'effet de style. Mais ce n'est qu'une fausse note au sein d' une symphonie stupéfiante et fascinante.

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Titre original

Der Untergang

Date de sortie France

5 janvier 2005 avec TFM Distribution

Musique


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