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I am a Hero : toujours le meilleur manga de zombie ?

Publié le 08 janvier 2016 par Paoru

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De la fin des années 2000 au début des années 2010 naissait, ou plutôt REnaissait, une tendance, une thématique : celle des zombies, portée aussi bien par les films de morts-vivants de George A. Romero que par le succès du comics The Walking Dead et de sa série télé qui débuta en 2010 aux Etat-Unis. Au Japon c’est à cette époque que naissait I am a Hero, le seinen de Kengo HANAZAWA (Ressentiment, Boys on the run), dans les pages du Big Comic Spirits (20th Century Boys, Bonne nuit Punpun, Ushijima, etc.) de la Shôgakukan.

Comme toute mode, chaque précurseur est toujours suivi d’une lame de fond. Avec l’arrivée en 2012 de I am a Hero aux éditions Kana, c’est toute une déferlante de mangas de zombies qui a suivi, pour le meilleur et pour le pire, jusqu’à une certaine accalmie l’an dernier, excepté le sympathique Crueler than Dead. Le manga de zombie n’est donc pas encore mort (ah ah) mais on peut plus facilement faire le tri. Ainsi, la semaine dernière, lorsque j’ai croisé le 15e volume de I am a Hero, c’était l’occasion d’une séance de rattrapage. J’avais plus ou moins oublié la série depuis le tome 11, en août 2014, et en avalant ces 4 tomes ce fut autant une bonne surprise qu’une confirmation : I am a Hero n’est pas que l’un des précurseurs des nouveaux mangas de zombie en France, il reste aussi l’un des meilleurs de sa catégorie au vu de tout ce que l’on nous a proposé.

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Néanmoins, avant de vous dire pourquoi, je vous propose un petit résumé pour les néophytes où ceux qui ont précocement lâché la série… Je ne sais pas où vous en êtes restés donc je fais simple et sans trop de spoil, mais vous pouvez passer au prochain intertitre si vous êtes à jour.

I’m a sur-vi-vor, i’m gonna make it !

Hideo Suzuki est un assistant mangaka trentenaire qui n’a jamais vraiment percé. Un beau jour, sa vie bascule dans l’horreur : le Japon est infesté par une épidémie qui transforme les gens en zombie et il doit lutter à mort avec sa petite amie pour ne pas se faire dévorer. Finalement, après avoir perdu tous ses proches, Hideo s’enfuit et quitte la ville pour tenter de survivre, fusil à pompe sur l’épaule.

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© Hanazawa Kengo/Shogakukan / I Am a Hero Project

Son chemin croise celui d’autres survivants mais de nombreux meurent, encore et encore : la menace réveille les bas instincts de certains, les zombies se révèlent plus rapides et plus forts que les humains (plus nombreux aussi), et une morsure suffit pour être condamné. Mais Hideo a beau ressembler à un loser et à un couard, ses rencontres – parfois heureuses, souvent malheureuses – vont petit à petit le changer… Avec un peu de chance, il parvient à continuer sa route. Le voilà désormais aux côtés de la jeune Hiromi, contaminée mais qui reste entre les deux mondes, et de mademoiselle Oda, jeune femme au caractère bien trempé mais au passé peu enviable, fait d’échecs et de déceptions.

Cela dit Hideo, Hiromi et Oda ne sont pas les seuls à survivre dans ce cauchemar éveillé. D’autres gens se sont regroupés, se sont armés et  organisés pour affronter la menace et ce nouveau quotidien : aller chercher à manger, tuer des zombies, trouver des médicaments, tuer des zombies, trouver un endroit plus sûr… tuer  fuir les zombies, décidément trop nombreux. Qu’ils s’enterrent dans une forteresse ou qu’ils optent pour une fuite perpétuelle, ils évoluent tous dans un monde qui semble condamné, où les humains meurent ou mutent les uns après les autres.

Mais plus on en apprend sur cette malédiction, plus elle prend les traits d’une mutation, d’une évolution même… Certains, de rares élus, conservent une part de leur humanité et leur intelligence, tout en gagnant des capacités physiques décuplées dans la transformation. Et tous, des zombies lambdas aux créatures hybrides, sont reliés par une connexion psychique. Un réseau aussi vaste qu’étrange, quasi onirique, où ils ne sont jamais seuls, mais où certains semblent capables de prendre le pouvoir. Pour en faire quoi ? C’est toute la question !

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© Hanazawa Kengo/Shogakukan / I Am a Hero Project

NO FUTURE

Si la thématique zombie a resurgi des tréfonds du cinéma d’horreur où elle n’était qu’un sous genre pour film de série Z, c’est parce qu’une génération d’auteurs a su en décortiquer les codes, la philosophie et la rythmique pour la régénérer et la réintroduire dans son époque. Dans I am a Hero, la pandémie zombie est autant une fin de l’humanité et un retour à une bestialité animale pour la grande majorité, qu’un reset de notre civilisation pour les survivants. Les immeubles, les supermarchés, la nourriture, TOUS les biens matériels sont alors à portée de main pour quelques êtres humains. Les maisons sont vides, la survie a fait sauter tous les codes moraux, il peut s’écouler des semaines sans que vous croisiez un seul de vos congénères : une liberté totale, une richesse infinie…en apparence. Même si le manga de HANAZAWA ne pousse pas l’isolement au point d’un I am a Legend, il dévoile cette île sauvage et violente mais aussi déserte qu’est devenu le Japon. On entame ce voyage étrange vers l’inconnu, une nouvelle vie où toutes les cartes ont été redistribuées. Je survis donc je suis, ok, mais ensuite je fais ce que je veux… et tout ce qui reste est à moi !

Kurusu - © Hanazawa Kengo/Shogakukan / I Am a Hero ProjectMais cet idéal est une chimère et HANAZAWA ne veut pas laisser planer le fantasme trop longtemps, quitte à prendre du recul par rapport à son personnage principal, pour que le lecteur comprenne. Dans le 10e tome, le mangaka se lance dans un second récit, en parallèle. On découvre Takashi, un hikikomori  qui sort de sa prison et fait la connaissance d’une troupe de survivants, comme il en existe plusieurs. Néanmoins, leur leader Kurusu (ci-contre) est des plus singuliers : ce jeune homme facétieux et lunatique – toujours en slip, parce que c’est la classe – est d’une puissance et d’une vivacité peu commune. Intrigué puis séduit, notre cher Takashi intègre ce groupe hétéroclite composé d’une petite dizaine de personnes. De toute façon, il n’a pas le choix. La vérité est que survivre seul est une mission impossible, en tout cas sur le long terme. Les losers de l’ancien monde se retrouvent contraint de retourner à la vie en groupe, peut-être encore plus aujourd’hui qu’hier car ils sont désormais poussés par le danger, la peur ou la faim.

Ce récit, inattendu, va se poursuivre sur quasiment quatre tomes, montrant les ravages du chacun pour soi, l’ironie du sort, la personnalité qui émerge de chacun de nous face au danger, du courage à la couardise en passant par le pragmatisme et la capacité d’analyse. Chaque membre du groupe a une personnalité assez distincte, bien travaillée, et on se dit que c’est un second récit qui démarre, un nouveau chemin pour une nouvelle bande, qui va venir fusionner avec celle d’Hideo. Mais, même si cette aventure finit par s’imbriquer dans la trame de fond, c’est surtout le récit d’une impasse, qui rappelle l’horreur et la réalité d’un monde de zombies : pour 99.9% des gens cela n’aura rien d’un renouveau du genre humain. Que vous soyez beau et jeune ou moche et vieux, sympathique ou antipathique, armé, attentif et entraîné… Ça finira tôt ou tard par partir en sucette et au moindre faux pas, c’est le bain de sang assuré.

Même si HANAZAWA aime jouer avec l’ironie d’un loser qui devient un héros, thématique déjà abordée auparavant dans Ressentiment, I am a Hero n’est donc pas une revanche idéalisée des mal-aimés. Etant au départ isolés de la société contaminée, les exclus mourront sans doute plus tard, certes, à coté des malins et des guerriers bien armés, mais ils mourront comme les autres…

Comme aime le rappeler ce seinen : mourir, il n’y a rien de plus facile.

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© Hanazawa Kengo/Shogakukan / I Am a Hero Project

La clôture de cette parenthèse se fait avec la découverte de cette nouvelle race, entre humain et zombie, et la genèse d’un nemesis pour Hideo. C’est aussi la fin de l’errance léthargique de la population zombie, qui semble se regrouper en divers endroits pour s’entre-absorber et devenir d’étranges créatures. Difficile de dire vers quelle dynamique va partir l’auteur après toutes ses révélations, mais quelle que soit l’ampleur du scénario, le désir de poser des ambiances hyper immersives et angoissantes reste constant. Les décors sont toujours aussi nombreux et hyper détaillés, avec une excellente gestion des tons de noirs et blancs employés, on s’y croirait :on respire la froideur d’une nuit, on entend le chuchotement des survivants. Je me dis donc que rien ne sera précipité, que le voyage va perdurer en gardant tout son sel, que les phases d’action pour la survie alterneront brillamment avec un étrange quotidien fait de peurs et d’accalmies.

Le manga de zombie est une aventure et, en plus du travail graphique et de la modernité apportés par un auteur foutrement doué, I am a Hero continuer de créer une dystopie immersive qui gère avec brio la composante humaine, sans jamais perdre l’équilibre entre crédibilité de la catastrophe et folie du chaos, se hissant à la hauteur des icônes américaines du genre. Aussi fou que soit le postulat zombie de départ, s’il devait en un jour funeste se réaliser, on se dit que c’est à ça qu’il pourrait ressembler. 

I am a Hero c’est un peu comme Le Guide de Survie en territoire Zombie de Max Brooks : on l’emporterait quand même, juste au cas où. Mais nous serions sans doute morts ou zombifiés avant de comprendre ce qui nous arrive. Damned !

I am a Hero

i-am-a-hero-tome-15Fiche descriptive

Titre : I am a Hero
Auteur : Kengo Hanazawa
Date de parution du dernier tome : 11 décembre 2015
Éditeurs fr/jp : Kana / Shôgakukan
Nombre de pages : 208 n&b
Prix de vente : 7.45 €
Nombre de volumes : 15/18 (en cours)

Visuels : © Hanazawa Kengo/Shogakukan/I Am a Hero Project

Pour en savoir plus vous pouvez suivre l’auteur sur son compte Twitter. Sachez également qu’un film sort au Japon cette année, le 23 avril prochain. Il sera réalisé par Shinsuke Sato (Gantz, Library Wars, Princess Blade), tandis que Akiko Nogi (Library War, Sayonara, Robinson Crusoe) se chargera du scénario et Makoto Kamiya(Gantz, Cutie Honey, Resident Evil: Degeneration, Resident Evil: Damnation) s’occupera du maquillage et des effets spéciaux. Le personnage principal, Hideo Suzuki, sera interprété par Yo Oizumi, et voici la bande annonce qui est plutôt alléchante :


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