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Le loup en questions ; Fantasme et réalité – Jean-Marc Moriceau

Publié le 11 janvier 2016 par Malaurie @jfbib
Le loup en questions ; Fantasme et réalité – Jean-Marc Moriceau

Jean-Marc Moriceau est historien, spécialisé en histoire rurale rattaché à l'université de Caen. En 2010 il devient membre de l'Institut Universitaire de France où il dirige un projet de recherche sur le loup : " Un problème d'histoire de l'environnement : la conflictualité entre l¹homme et le loup de la fin du Moyen Âge aux années 1930 ".

Après des publications sur l'élevage en 1999 et 2005 (dont une " Histoire et géographie de l'élevage français du Moyen Âge à la Révolution) la majeure partie de ses publications ont aujourd'hui pour sujet le Loup, en voici un florilège :

  • Histoire du méchant loup, 3000 attaques sur l'homme en France XVe - XXe siècle - 2007
  • La Bête du Gévaudan - 2008
  • L'Homme contre le loup. Une guerre de deux mille ans - 2011
  • Sur les pas du loup. Tour de France et atlas historiques et culturels du loup, du Moyen Âge à nos jours - 2013
  • Vivre avec le loup ? Trois mille ans de conflit - 2014

Et enfin cet ouvrage de vulgarisation en 2015.

La question du loup et de son retour en France à réveillé de nombreux conflits notamment auprès des éleveurs ovins et de leur pratique professionnelle. Ces derniers, victimes d'un contexte professionnel fragilisé par les pratiques libérales issues de la mondialisation des échanges et l'arrivée de viande ovine à bas coût de l'autre bout du monde (Nouvelle Zélande notamment) ne résistent pas à ce qu'ils ressentent comme une nouvelle agression. Agression, le mot est juste : les troupeaux sont attaqués par un prédateur, les bergers sont dévalorisés par une société qui ne reconnait pas suffisamment ce nouveau contexte professionnel (accroissement de la charge de travail, des conditions de travail et du stress induit), les éleveurs sont atteints économiquement et affectivement.

Après avoir disparu du paysage français pendant une très courte période, moins d'un siècle (quelques loups isolés ont été tués au cours de la première moitié du XX° siècle - le dernier abattu en 1954 en Isère), le loup est devenu dans l'imaginaire le symbole d'une Nature retrouvée et s'est débarrassé de tous les attributs négatifs qui ont conduit à sa disparition (bête du diable, mangeur d'enfants, etc...).

Jean-Marc Moriceau rappelle cette histoire et pose avec justesse le contexte actuel qui voit s'opposer deux conceptions contradictoire de la société. D'un côté une Nature valorisée défendue par ceux qui majoritairement n'ont plus grand-chose à voir avec elle (les urbains) de l'autre la défense d'un modèle économique à bout de souffle par des paysans face à une évolution cruciale de leur profession : sa survie étant en jeu.

Voulons-nous d'un monde sans paysans et avec des loups ? Ou d'un monde ou subsistent les deux ? Est-il pour autant possible de défendre les deux positions ? Jean-Marc Moriceau estime qu'une cohabitation est impossible alors qu'une coexistence semble envisageable, mais à quel prix et sous quelles conditions ?

Cette question est à la fois sociétale et politique. Elle interroge sur le type d'agriculture que nous souhaitons défendre et sur la place de l'Homme en haut de la pyramide des espèces dans sa fonction de régulation et de gestionnaire des espaces naturels : la concurrence sur les estives entre loup et moutons, entre bergers et militants associatifs, entre éleveurs et défenseurs de la biodiversité pose une question encore plus profonde, celle de la place de l'Homme dans les écosystèmes et surtout de son action sur les autres espèces animales et végétales. De plus Jean-Marc Moriceau rappelle que le loup est un animal dangereux pouvant attaquer les hommes et que son développement numéraire conduira certainement à des accidents de ce type (l'Histoire montre que cela s'est toujours produit), notre société est-elle prête à ce genre d'éventualité dramatique que pour l'instant elle refuse de voir mais qui arrivera ?

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La défense d'une agriculture responsable, biologique et paysanne, tel que je le réalise au sein de mes associations ( AMAP les Paniers d'Irigny et le Réseau des AMAP de la Région Auvergne Rhône Alpes), devient quasiment impossible dans ce contexte de retour du loup. Les éleveurs qui ont une pratique agricole responsable et paysanne : de petits troupeaux qui pratiquent l'estive à la belle saison est la forme d'élevage la plus touchée. Comment concilier alors une défense de la biodiversité et des équilibres écologiques en soutenant la présence du loup (des ours ou du lynx, des grand prédateurs qui sont présent sur le territoire français) avec une activité économique en train de sombrer : le pastoralisme ?

Il est évident que cette activité économique est légitime ; l'élevage ovin répond à de multiples besoins humains : se nourrir, se vêtir, contribuer à préserver des paysages anthropisés dont nous avons besoins pour d'autres activités économiques, notamment touristiques en montagne.

Les attaques des loups sur les troupeaux conduisent inexorablement vers une évolution du métier d'éleveur que je réprouve : des élevages intensifs hors sol, à l'abri des attaques des prédateurs. La possibilité d'élevages extensifs, pâturant en montagne sur les terres ou sévissent les loups est actuellement un problème épineux : on ne peut se protéger du loup sans en réguler ses populations, sans donner les moyens à ceux qui sont attaqués de pouvoir se défendre, sans réapprendre une certaine forme de coexistence. La législation doit donc évoluer pour permettre à la fois la sauvegarde d'une profession en danger et une espèce animale, le loup, dont la légitimité de sa présence sur notre territoire national ne doit pas être remise en question, les mentalités doivent aussi évoluer, des deux côtés : pour les partisans des prédateurs, accepter qu'il puisse y avoir des bergers qui se défendent en éliminant les bêts qui attaquent leur troupeau, pour les adversaire des prédateurs, d'intégrer leur présence comme inexorable et la considérer tout autant indispensable que leur activité économique.

D'un côté les défenseurs du Loup devraient accepter une gestion de l'espèce, de l'autre côté, les politiques doivent prendre en compte une profession fragilisée et défendre un modèle économique responsable au détriment d'une agriculture conventionnelle irrespectueuse des droits des animaux et génératrice de dégâts sur l'environnement et l'économie inacceptables.

Une autre question se pose aussi : avons-nous autant besoin de nous nourrir de protéines animales ? Ne devrions-nous pas diminuer notre consommation de viandes et laitages ?

à suivre les prochaines semaine d'autres fiches de lectures et commentaires sur ce sujet.

Le loup en questions ; Fantasme et réalité – Jean-Marc Moriceau

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