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[critique] (9/10) LA GRANDE BELLEZZA par Whodunnit

Par Christian Papia @ChristianPAPIA

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Synopsis: Rome dans la splendeur de l’été. Les touristes se pressent sur le Janicule : un Japonais s’effondre foudroyé par tant de beauté. Jep Gambardella – un bel homme au charme irrésistible malgré les premiers signes de la vieillesse – jouit des mondanités de la ville. Il est de toutes les soirées et de toutes les fêtes, son esprit fait merveille et sa compagnie recherchée. Journaliste à succès, séducteur impénitent, il a écrit dans sa jeunesse un roman qui lui a valu un prix littéraire et une réputation d’écrivain frustré : il cache son désarroi derrière une attitude cynique et désabusée qui l’amène à poser sur le monde un regard d’une amère lucidité. Sur la terrasse de son appartement romain qui domine le Colisée, il donne des fêtes où se met à nu "l’appareil humain" – c’est le titre de son roman – et se joue la comédie du néant. Revenu de tout, Jep rêve parfois de se remettre à écrire, traversé par les souvenirs d’un amour de jeunesse auquel il se raccroche, mais y parviendra-t-il ? Surmontera-t-il son profond dégoût de lui-même et des autres dans une ville dont l’aveuglante beauté a quelque chose de paralysant…

Tout d'abord, je suis allé voir ce film avec une grande crainte. Crainte de me retrouver face à un film-fleuve d'esthète, une satire intello ou une déclaration d'amour pompeuse à Rome. En fait La Grande Bellezza tient un peu de tout cela à la fois. Je ne suis pas familier de ce genre de film, et le dernier souvenir de cinéma similaire dont je suis ressorti de la séance aussi galvanisé, remonte à Holy Motors de Carax. Dans l'un comme dans l'autre, tout n'est pas donné au spectateur. Les béances aménagées au sein du scénario, laissent un rôle à jouer ou tout du moins obligent le spectateur à gamberger.

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Paolo Sorrentino a un vrai sens du cadre. Rien n'est laissé au hasard de la première à la dernière minute, c'est d'ailleurs ce qu'on pourrait lui reprocher, un emballage trop léché, surfait. Pour moi cela participe au génie de ce film, La grande bellezza, qu'a vainement recherché Jep Gamberdella journaliste mondain, nous est projetée à la face durant deux heures vingt. Les plans de Rome tiennent d'un rêve étrange plutôt que de la carte postale et participent à la création d'un espace incertain, où se côtoient la débauche et le sublime. L'oisiveté rencontre le sacré et personne finalement ne semble être heureux dans cette ville endiablée. Les images des fêtes, nombreuses, sont tout bonnement obsédantes, semblables à un tourbillon, dans lequel se noient les protagonistes et le spectateur.

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 L'alternance de chants lyriques et de musiques de discothèques synthétise la vie de Gamberdella, le jour, sensible, esthète, la nuit entraîne dans le néant de la vie mondaine. Ce néant, Jep, le palpe, le ressent, s'en moque même, mais pourtant n'en sort pas. Comme si la lente apathie qui l'a peu à peu détourné de sa carrière d'écrivain, s'assimilait à une drogue qui aurait pris au fil des années le contrôle de sa vie. Alors Jep s'amuse, rencontre des femmes, se lasse, travaille, se balade, mais la nostalgie guette.

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Soixante-cinq balais le Jep (Toni Servillo,Viva La Libertà,La Belle endormie). Soixante-cinq années d'abus en tous genres et de noctambulisme qui ont laissé un visage marqué, un homme las et désabusé.L'héritage de Fellini est bien sûr incontestable, dans ce microcosme jet-set, où l'on se fait voir plus qu'on ne voit. Pourtant, point de malhonnêteté de la part de Sorrentino, plutôt un amour farouche de ce cinéma italien qu'il ravive. Les personnages sont une galerie de « monstres- risiens », rongés par l'amertume, l'angoisse, la lubricité etc. Pourtant une véritable fascination opère dès les premières minutes.La manière de filmer de Sorrentino a beaucoup à voir avec le regard. Il capte des bribes visuelles, des instants fugaces lors des errances de Jep. Beaucoup de scènes étranges, sans réel apport scénaristiques au film parsèment également le film, ce qui nous plonge d'autant plus du voyage introspectif de Jep. Le montage de Cristiano Travaglioli (également monteur de This must be the place et Il Divo) contribue énormément à l'atmosphère étrange et envoûtante que distillent les images du film.Pour finir, je dirais que le film vaut la peine à tous les niveaux et qu'il entre pour moi dans la catégorie du cinéma total, pas au sens du réalisme exacerbé, mais plutôt de la synergie de la technique et du propos, de la musique et de l'image pour un résultat où tous les aspects du film se subliment.

La Grande Bellezza Bande Annonce VOST (2013)

WHODUNNIT.


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