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Doit-on s’offusquer devant les salaires des footballeurs ?

Publié le 13 janvier 2016 par Edelit @TransacEDHEC

50 000 euros bruts mensuel, tel est le salaire moyen d’un joueur de Ligue 1, le championnat professionnel de football français. En Ligue 1, à la signature du premier contrat professionnel, le joueur peut difficilement toucher moins de 120K annuel. Cette dynamique ne semble pas prête de s’inverser à la vue de l’explosion des droits TV dans certains championnats (plus de 6 milliards de recettes à venir pour les clubs anglais d’ici à 2020). Sans surprise, selon 96% des français en 2014, « les footballeurs sont trop payés ». L’image du sport n’en est pas moins dégradée et ce d’autant plus en raison des récents scandales de corruption. Laissons de côté les considérations de chacun et les injustices ressenties, légitimes ou non, et interrogeons nous plutôt sur le fonctionnement d’un tel marché, à son évolution et ses conséquences économiques.

Contrairement aux préjugés, tous les joueurs de foot n’ont pas un salaire à 6 chiffres

Le marché des joueurs est segmenté en deux parties. D’un côté les superstars, rares et aux rémunérations faramineuses. Pour ces célébrités, aucun problème : ils trouvent toujours un emploi rapidement. Ils se situent en quasi situation de monopole et peuvent négocier des salaires très élevés. En 2000 par exemple, époque où le championnat Italien jouit d’une réputation sportive marquée, 25 des 500 plus grosses rémunérations du pays étaient celles de joueurs professionnels.

De l’autre côté figure le joueur moyen, à l’efficacité réduite mais qui doit faire face à une vive concurrence. La concurrence est rude et les salaires négociés plus faibles. Fait qu’ignore la plupart du temps l’opinion publique: le taux de chômage des footballeurs est fort : en France, il était en 2010 de 20% selon l’Union nationale des footballeurs professionnels. Ce chiffre est bien supérieur au taux de chômage actuellement dans l’Hexagone (environ 10%).

Le cercle est vicieux. Nombre d’éléments se sont développés dans le monde du football notamment les moyens de communication et se font à l’avantage des meilleurs joueurs. En plus du salaire fixe, certains joueurs perçoivent des revenus publicitaires astronomiques.  La star internationale Lionel Messi a perçu sur la saison 2013-2014 41 millions d’euros, dont presque 30 provenaient exclusivement de la publicité !

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Comprendre la logique marchande du milieu à travers de son cadre juridique

Même s’il y a toujours eu de l’argent dans le milieu du football, l’arrêt Bosman en 1995 a bouleversé les mécanismes du marché. Entre 1970 et 1995, presque tous les joueurs allaient au bout de leurs contrats. Si un club X voulait enrôler un joueur en fin de contrat dans un club Y, ce dernier avait le droit de réclamer une indemnité au club X contre l’acquittement du joueur. Par ailleurs, le nombre de joueurs étrangers par club était limité à 3.

En 1995, la Cour Européenne de justice estime que cette règle est en contradiction avec l’article 48 du traité de Rome portant sur la concurrence et la libre circulation des travailleurs. Avec l’arrêt Bosman de cette même année, le marché des joueurs est totalement libéralisé.

Cette mesure accélère fortement la division du marché évoquée. Les meilleurs joueurs peuvent faire monter leurs salaires étant donné que le nombre de clubs les désirant augmente. C’est la loi de l’offre et la demande. Ainsi, les attaquants, joueurs les plus demandés et du coup les plus chers sur le marché des transferts, ont eu en moyenne 4 clubs sur 10 ans (entre 1999 et 2009). Chaque transfert impliquant très souvent une meilleure rémunération.

Les montants des transferts grimpent alors rapidement pour atteindre des sommes record comme en 2010 avec l’achat du portugais Cristiano Ronaldo par le Real de Madrid à Manchester United pour la modique somme de 94 millions d’euros.

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Des recrutements parfois dignes de stratégies financières

Source de potentiels gros revenus, les transferts font l’objet de diverses stratégies. Ces stratégies se rapprochent de méthodes utilisées sur les marchés financiers. Compte tenu des imperfections sur le marché des joueurs, il est possible, comme pour tout autre actif, de réaliser un gain par le transfert : souscrire un contrat à des joueurs sous-cotés et accepter de revendre des joueurs surcotés.

Certains grands clubs comme Arsenal se focalisent sur le recrutement de jeunes joueurs. L’institution les forme et espère qu’ils se révèleront par la suite pour devenir des étoiles du football. Les revendre plus tard pourrait ainsi rapporter plusieurs dizaines de millions d’euros.

Au contraire, d’autres clubs n’achètent que des grands joueurs. Ces achats s’effectuent dans une stratégie globale d’acquisition de joueurs menée très souvent par des milliardaires. L’homme d’affaire Roman Abramovitch a dépensé pas moins de 2 milliards d’euros sur le marché des transferts depuis 2003 et près de 20% de sa fortune personnelle. Les revenus publicitaires et sponsoring sont les objectifs visés par les clubs adhèrent à cette stratégie.

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Toujours plus de dettes, pour quels risques ?

Vous vous en doutez bien, pour payer ces salaires astronomiques, certains  clubs anglais et espagnols doivent s’endetter lourdement. En France les comptes sont surveillés par la Direction Nationale de Contrôle de Gestion,  (DNCG) et ce problème se pose moins. Il existe plusieurs types de dettes. Les clubs s’endettent d’abord entre eux. En effet il est à noter que lors de la signature du transfert, très rares sont ceux qui paient immédiatement. C’est encore plus vrai si le prix est élevé. Les clubs s’endettent également auprès des institutions financières mais aussi auprès du Trésor public. En 2012, chez nos voisins espagnols, on comptait 750 millions d’euros d’impôts impayés par les clubs professionnels.

Pourtant, les faillites sont rares surtout pour les gros clubs. Malgré un endettement croissant, des clubs comme le Real et le FC Barcelone ne pourront jamais être placés en redressement judiciaire. La raison est simple : il existera toujours une entité (un milliardaire, un fond d’investissement, une banque) capable de recouvrir l’ensemble des dettes. D’autre part, la disparition de telles institutions aurait un impact sur l’ensemble des revenus. Ils représentent gros pour la FIFA et l’UEFA car génèrent des droits TV colossaux à l’échelle internationale. Une Ligue des champions sans le Real Madrid, vous arriveriez à imaginer ça vous ?


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