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L'Evangile selon Saramago

Publié le 11 juin 2008 par Mani
Imaginez le dieu d'un petit peuple, perdu sur une petite parcelle de terre, il y a de cela vingt siècles... Imaginez son ennui à s'occuper d'un peuple si petit et son désir d'étendre son pouvoir sur le plus grand nombre possible d'êtres humains... Imaginez aussi que ce dieu soit machiavélique... et qu'il ne se prive pas d'user de ses forces pour soumette à sa volonté les membres de ce peuple dévoué.
Il suffit d'imaginer... et José Saramago (portugais, Prix Nobel de Littérature en 1998) l'a si bien fait. Il a écrit son évangile, et il l'a attribué à Jésus-Christ lui-même ! "L'Evangile selon Jésus-Christ", ou comment se servir de l'Histoire sacrée pour raconter une autre histoire, à peine différente, mais aux enseignements bien plus humains.
Quelle jouissance de lire un tel livre ! Plusieurs choses vous marquent du début jusqu'à la fin. D'abord, le style dense, fait de phrases interminables et de ponctuation hérétique. Ensuite, l'ambiance du texte, reconstituée de toutes pièces à partir des éléments historiques sur la vie des hébreux à l'époque. Puis, au fil des pages, ces personnages étranges, qu'on connaît sans vraiment connaître : Joseph, Marie, Jésus, Dieu, Marie de Magdala, le Diable. Troublante est la ressemblance entre Dieu et le Diable. L'humanisme de ce dernier rappelle une scène du film "L'avocat du Diable" quand le Diable (joué par Al Pacino) plaide sa cause devant son fils (Keanu Reeves). Au fil des pages, on lit : "Et le Diable dit, Il faut être Dieu pour aimer autant le sang".
Cet évangile raconte que Dieu a mis en placee un plan infaillible pour conquérir le monde. Il se débrouille donc pour avoir un enfant humain dans le but d'en faire son instrument de domination sur les peuples. Pour ce fils, il promet la gloire éternelle, en échange du sacrifice de sa vie. Acceptera-t-il ou pas ? Je vous laisse deviner. Sachez juste que c'est une œuvre sur le destin et une vraie tragédie humaine. Une réflexion sur la vie et sur notre rapport à Dieu, mais aussi sur notre rapport aux bêtes que l'on sacrifie parfois pour satisfaire l'ego démesuré de Dieu. Admirez plutôt : "Quand donc arrivera, Seigneur, le jour où tu viendras à nous pour reconnaître tes erreurs devant les hommes ?"
Inoubliable, la scène sur le lac de Tibériade où Jésus, Dieu et le Diable se rencontrent pour discuter de l'avenir des hommes. Un long plaidoyer contre la religion. Des pages et des pages à énumérer les victimes de l'arrogance de Dieu et de l'aveuglement des hommes. Les desseins divins sont démasqués, et la bêtise humaine est mise à nu. Mais Saramago croit encore en l'Homme, au moins l'Homme Jésus. Il ne faut plus lever la tête vers le ciel. Laissons Dieu seul, lui qui porte seul ce nom : ..."nous ne nous aventurerons pas à supposer qu'un sentiment de fraternité plus étroite existe entre ceux qui portent le même nom, tel le sentiment que nous imaginons chez Joseph quand il se souvient de l'autre Joseph que fut son père, il se sent alors non pas son fils mais son frère... et voilà bien le problème de Dieu, personne ne porte le nom qu'il a."
Enfin, une dernière citation pour la route. Tant pis si ça vous gâche le plaisir de découvrir ça par vous-même si jamais vous entreprenez de lire ce chef-d'œuvre : regardez Jésus sur la croix, il agonise, il attend que ça finisse, il souffre... Le ciel s'ouvre, il voit Dieu... écoutez bien ce que dit Jésus à ce moment-là :
« Hommes, pardonnez-lui, car il ne sait pas ce qu’il fait »
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PS :
* Merci infiniment pour celle qui m'a conseillé de m'intéresser à Saramago.
* Un autre roman de Saramago "L'aveuglement" vient d'être adapté au cinéma
* Je ne fuis pas la discussion avec 7enkich, Titof, Amrouch et les autres. Mais je reviens d'ici deux jours maximum

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