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Le cas étrange de l’étoile KIC 8462852 : ce ne serait pas non plus des comètes géantes

Publié le 22 janvier 2016 par Pyxmalion @pyxmalion

Les étranges et erratiques variations de luminosité de l’étoile KIC 8462852 sont encore loin d’avoir trouvé une explication. Une nouvelle étude qui revient sur 100 ans d’observation de cette région du ciel argue que l’hypothèse d’un cortège de comètes géantes qui passe devant cet astre ne tient pas la route. Aussi, même si tous les scénarios envisagés ont été rejetés, une origine naturelle encore inconnue n’est pas à exclure.

L’étoile KIC 8462852 n’a pas fini de faire parler d’elle. Dans les épisodes précédents de cette série à suspense qui a commencé publiquement en septembre 2015, nous avons vu que l’équipe de Tabetha Boyajian, université de Yale, a enquêté sur le cas étrange de cet astre distant d’un peu plus de 1.400 années-lumière, surnommée depuis Tabby en référence à la jeune astrophysicienne, très intriguée par les variations erratiques de sa luminosité.

En effet, l’étoile qui était dans les « filets » de Kepler, célèbre satellite chasseur d’exoplanètes par la méthode de transit (lorsqu’une ou plusieurs planètes passent devant leur étoile, cela fait légèrement fléchir sa luminosité intrinsèque), affiche des baisses importantes et apériodiques de son éclat, parfois jusqu’à 22 % durant plusieurs jours, sans qu’il soit possible, pour l’instant, de déterminer la ou les cause(s).

Les divers scénarios proposés

Pour tenter d’expliquer de façon naturelle ce comportement, plusieurs causes possibles ont été envisagées. S’agirait-il d’une exoplanète ? L’hypothèse ne tient pas la route comme l’indiquent les mesures. Même si celle-ci était plus grosse que Jupiter, elle ne pourrait pas infléchir la lumière de KIC 8462852 au-delà de 1 %. Peut-être sont-ce des perturbations à la surface de l’étoile ? Guère plus, affirment les astronomes. Appartenant à la séquence principale de classe spectrale F3 (un peu plus grosse et chaude que notre Soleil), sa luminosité est réputée très stable et elle ne devrait pas connaître de changement de régime avant plusieurs dizaines de millions d’années.

Y aurait-il pu avoir alors un problème technique avec le satellite ? Non plus, tout a été vérifié. Enfin, le scénario de vastes nuages froids de gaz et de poussière, de débris d’astéroïdes après de violentes collisions ou encore la présence d’un disque protoplanètaire furent à leur tour écartés suite au manque de signatures dans l’infrarouge lors des observations ultérieures avec Spitzer et Wise. « [Cette absence] deux ans après les événements à l’origine de la courbe de lumière inhabituelle observée avec Kepler défavorise davantage les scénarios qui impliquent une collision catastrophique au sein d’une ceinture d’astéroïdes, un impact géant perturbant une planète du système ou une population de planétésimaux enveloppés de poussière » indique Massimo Marengo, professeur agrégé à l’université de l’état de l’Iowa.

Finalement, l’équipe concluait que la seule explication naturelle qui résiste et corresponde à ce qui a été observé est celle d’un cortège de comètes géantes en transit. Une alternative fut cependant émise par certains collègues, non sans susciter un tsuncami de commentaires à travers le monde : et si ces anomalies de luminosité étaient plutôt produites par les activités d’une éventuelle civilisation extraterrestre ? Par exemple, une sphère de Dyson en chantier, visant à collecter l’énergie de l’astre, ou éventuellement un cerveau matriochka.

Dans cette perspective, l’institut Seti se mit plusieurs fois à l’écoute de KIC 8462852, sans pour autant être en mesure d’affirmer qu’il n’existe aucune émission d’origine artificielle issue de cette région de la Voie lactée.

KIC 8462852

L’étoile KIC 8462852 photographiée en octobre 2015 — Crédit : Efraín Morales, Astronomical Society of the Caribbean (SAC)

L’hypothèse des comètes est à son tour écartée

Le feuilleton est loin d’être terminé. L’enquête continue et cette fois, les astronomes ont fouillé dans le passé de l’étoile, histoire de voir si ces variations de lumière sont exceptionnelles – après tout, Kepler aurait pu regarder juste au moment où les comètes passaient devant… – ou si elles sont fréquentes et régulières.

Étant donné que Kepler n’a observé dans cette direction qu’entre 2009 et 2013, il a donc fallu à Bradley E. Schaefer (université de Louisiane), qui a soumis son étude à The Astrophysical Journal Letters (disponible sur Arxiv), trouver un autre moyen pour interroger le passé de l’astre incriminé. Pour ce faire, il a parcouru les plaques photographiques numérisées de cette région de la constellation du Cygne témoignant d’un siècle d’observation, de 1890 à 1989. Il a ainsi découvert que « Tabby » a eu sa luminosité qui a plusieurs fois fléchi d’environ 20 %. L’auteur écrit : « La courbe de lumière de KIC 8462852 montre une tendance séculaire très forte dans sa baisse de luminosité sur plus de 100 ans, ce qui est tout à fait sans précédent pour n’importe quelle étoile de type F de la séquence principale. » Ces anomalies ne sont donc pas seulement l’apanage de Kepler. On peut donc exclure de quelconques artefacts du satellite, étant donné la continuité du phénomène.

Cette constatation n’est pas sans poser problème au scénario d’une flottille de comètes. « Avec 36 comètes géantes sur une orbite qui provoquerait une seule baisse de 20 % de la luminosité comme vue avec Kepler, il faudrait 648.000 comètes géantes pour créer des baisses comparables tout au long d’un siècle », déclare Bradley E. Schaefer. Leur masse serait équivalente à celle, totale, de la ceinture de Kuiper. « Je ne vois pas comment il est possible pour quelque chose comme 648.000 comètes géantes [d’environ 200 km de diamètre chacune, NDLR] d’exister autour d’une étoile, tout en ayant leurs orbites orchestrées de sorte qu’elles passent toutes en face de l’étoile au cours du siècle dernier », argue le chercheur qui conclue que cette variation séculaire va à l’encontre de l’hypothèse d’une famille de comètes.


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