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[Critique] Ash Vs. Evil Dead, Saison 1

Par Régis Marton @LeBlurayphile
[Critique] Ash Vs. Evil Dead, Saison 1[Critique] Ash Vs. Evil Dead, Saison 1

Une création de : Sam Raimi, Bruce Campbell, Craig DiGregorio et Robert G. Tapert

Avec : Bruce Campbell, Ray Santiago, Dana DeLorenzo, Lucy Lawless, Jill Marie Jones

Trente ans après avoir combattu, dans une cabane au fond des bois, les créatures maléfiques que le Nécronomicon avait permis d'invoquer, Ash Williams se retrouve, suite à une de ces balourdises dont il a le secret, responsable du retour de ces démons sur Terre. Après quelques hésitations, il va accepter son destin, ressortir sa tronçonneuse et aller dézinguer du zombie tout en essayant de comprendre comment les renvoyer en enfer.

Les retrouvailles que l'on n'attendait plus

Petit rappel pour les néophytes, est initialement un film de série Z réalisé en 1981 et sorti chez nous en 1983 dans lequel, grâce à une inventivité folle qui palliait un manque de moyens flagrant, Sam Raimi réinventait le film de zombies en apportant une dimension cartoonesque au genre. Deux films ont suivi, en 1987, qui avait la particularité d'être à la fois un remake et une suite du précédent et dans lequel les moyens plus élevés permirent au réalisateur de surenchérir dans la folie, puis Evil Dead 3 - Army of Darkness, en 1993, une comédie moins convaincante car moins gore qui se déroulait au moyen-âge. Depuis, plus rien, si ce n'est une rumeur récurrente d'un quatrième opus, une comédie musicale qui n'est malheureusement jamais passée par la France et, en 2013, un odieux remake qui se prenait au sérieux. Difficile pourtant de parler de retrouvailles, puisque son acteur Bruce Campbell n'a jamais été réellement séparé de Sam Raimi, qui lui a offert des petits rôles dans la plupart de ses films, ni d'ailleurs avec le monteur du premier , Joel Coen, qui l'a lui-aussi fait apparaître dans quelques-uns des films cosignés avec son frère. Il ne s'agit pas non plus de véritables retrouvailles entre l'acteur et son personnage, celui-ci lui ayant collé à la peau tout le long d'une carrière qui n'aura été finalement faite que de variations du personnage de Ash (que ce soit dans Une nuit en Enfer 2, Bubba-Ho-Tep ou même My Name is Bruce où il jouait son propre rôle... se faisant passer pour Ash). C'est en revanche pour les fans, les vrais, que les retrouvailles avec sont les plus fulgurantes. Mais la nouvelle tendance de recycler des films pour en faire des formats séries a été source de très bonnes (...où apparaît Bruce Campbell d'ailleurs) comme de très mauvaises (Minority Report) fictions. Autant dire que le retour d'Ash était attendu au tournant avec autant d'impatience que d'appréhension.

Nostalgie régressive, quand tu nous tiens!

L'épisode pilote, diffusé aux Etats-Unis à l'occasion d'Halloween, que Sam Raimi a réalisé lui-même, a réussi à littéralement ressusciter l'esprit déjanté et grand-guignolesque de ses films. On y retrouve la nonchalance et la grossièreté légendaires d'Ash, toujours employé au rayon électroménager du Walmart local, qui sont parfaitement remises au gout du jour par un Bruce Campbell qui réussit à ne pas retomber dans le cliché du redneck antipathique dans lequel l'avaient enfermé ses dernières interprétations mais à faire revivre des mimiques et des punchlines qui ont rendus culte son personnage. On y retrouve aussi un certain gout pour les effets spéciaux bricolés, en particulier dans les masques en latex, et même si certains effets numériques ne sont pas justifiés, l'ensemble garde un esprit très kitsch qui plaira aux nostalgiques de l'ambiance cradingue des long-métrages. Mais surtout, l'humour noir outrancier et les effusions de sang sont de nouveau de la partie! Et la série réussit à ne pas s'adresser qu'aux fans de la première heure mais à tenter de conquérir un public plus large, friand de The Walking Dead et autres histoires de zombies à la mode, en leur expliquant brièvement les événements passés (après, libre à eux de voir ou non les films, les deux premiers surtout, le troisième ayant été écarté du canon scénaristique pour d'obscurs raisons de droits). Après cet épisode pilote, la réalisation a tourné entre plusieurs metteurs en scène (dont Michael J. Bassett qui ne s'est pas empêché d'inclure une créature numérique qui semblait toute droit sortie de son Silent Hill : Revelation 3D). C'est ce processus qui va rapidement rendre tangible le problème de l'inégalité entre les épisodes. Il est indéniable que tous sont drôles et possèdent au moins une scène trash mémorable, mais certains d'entre eux (notamment le 6 et le 7, tous deux signés par Michael Hurst) n'ont pas l'énergie des autres, alors que le format 25 minutes se devait de permettre un rythme soutenu.

Un plaisir en demi-teinte

La question qui se pose en suivant la série est justement " Fallait-il en faire une série? ". Le producteur Robert G. Tapert, rattaché à la saga depuis ses débuts, ayant depuis fait ses preuves dans ce format, il ne serait étonnant que l'idée vienne de lui. Une chose est sûre, le rôle de l'antagoniste tenue par Lucy " Xena " Lawless est de son fait, puisqu'il s'agit de son épouse. Quoi qu'il en soit, au cours des quatre heures que forme l'ensemble de cette première saison, les événements semblent étirés de manière à pouvoir être découpés par dix, alors que, en supprimant les temps morts et les scènes inutiles, ils auraient pu très bien pu tenir sur une durée au moins deux fois plus courte, et donc faire l'objet d'un long-métrage. Un choix étrange, donc, qui ne s'explique sans doute que par une certaine facilité de diffusion sur une chaîne câblée par rapport à une distribution en salles. On peut surtout regretter que Sam Raimi se soit contenter de superviser le metteur en scène plutôt que de réaliser l'ensemble de la saison. Ce manque à gagner se ressent tout d'abord dans la mise en scène et la direction artistique, puisque hormis l'épisode pilote, où Sam Raimi reproduit certains effets de caméra, et les deux derniers qui font revenir les personnages dans le décor des deux premiers films, il n'y a finalement que dans le recyclage des effets spéciaux old-school (le visuel désuet des deadites et la célèbre " shaky cam " qui faisait le lien entre le premier et le second film et qui est ici utilisée comme une sorte de running gag) que la série est formellement identifiable à la trilogie . Le retrait de Raimi sur les épisodes est également palpable dans l'écriture du scénario et la direction d'acteur. Sans entrer dans le détail de leur caractérisation et de leur arc narratif respectif, on constate que les personnages secondaires (Pablo, Kelly et Amanda) ne sont pas forcément aussi attachants que le laissait présager le pilote et auraient sans doute mérités d'être traités différemment. Bruce Campbell non plus semble en peine retrouver le ton juste sans Raimi pour le diriger, résultat, il nous sort autant de punchlines dans l'épisode pilote que dans l'ensemble des neuf suivant. Malgré tout, la jouissance de la violence tant verbale que physique reste suffisant du début à la fin de la saison pour nous faire fermer les yeux sur le manque d'inventivité visuelle et burlesque dont font preuve ces yes-man incapables d'égaler le talent créatif de leur showrunner.

Groovy ou pas groovy?

Une chose est sûre, les fans passeront un bon moment, heureux de retrouver une des icônes de la culture geek reprendre du service. Des scènes gores et un humour irrévérencieux sans limite, ça reste quelque chose de trop rare à la télévision pour faire la fine bouche et s'en priver. Toutefois, l'idée d'avoir déléguer la réalisation à quelques réalisateurs tout juste désireux d'imiter la trilogie initiale sans prendre le risque d'y apporter du neuf pose vite les limites du projet (tiens, c'est fou, on dirait la critique de Star Wars: Le réveil de la Force!). De plus, la saison, ayant été promis à un renouvellement, elle se permet de se terminer sans répondre à toutes les questions qu'elle pose mais au contraire en garantissant à sa propre mythologie une ouverture qui lui permettra tous les excès... pour le meilleur ou pour le pire. On peut continuer à espérer que Sam Raimi nous fasse, lui tout seul, un quatrième film, mais mieux vaut admettre que, maintenant, ça parait compromis.

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