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[Critique série] MAKING A MURDERER

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique série] MAKING A MURDERER

Titre original : Making A Murderer

Note:

★
★
★
★
½

Origine : États-Unis
Créateurs : Laura Ricciardi, Moira Demos
Réalisateurs : Laura Ricciardi, Moira Demos
Distribution : Steven Avery, Brendan Dassey, Dean Strang, Jerry Buting…
Genre : Documentaire
Diffusion en France : Netflix
Nombre d’épisodes : 10

Le Pitch :
Steven Avery vient de passer 18 ans en prison pour un crime qu’il n’a pas commis. Innocenté à la suite d’un test ADN qui nie son implication dans les faits qui lui sont reprochés, Avery tente de reprendre le cours de son existence. Cependant, la justice n’en a pas encore fini avec lui…

La Critique :
Quand la réalité dépasse la fiction…
Les séries policières sont légion. Les films aussi. Souvent inspirée de faits divers, la fiction imagine également de nombreux rebondissements, parfois à la limite du vraisemblable. Immanquablement, de temps en temps (souvent même), ce que nous offrent le petit et le grand écran brille surtout par son invraisemblance, et ce, à cause des pirouettes que les scénaristes nous régalent dans l’espoir de pimenter quelque chose qui n’a parfois pas besoin de l’être pour sonner vrai et être spectaculaire…
Le truc avec la réalité, c’est justement qu’elle est vraie. Et quand on se retrouve devant des histoires comme celle que Making A Murderer nous relate, il est difficile de ne pas lui reconnaître un caractère tragiquement bien plus retors et marquant qu’un grand nombre de scénarios sortis des studios hollywoodiens. Ici, rien n’est imaginé. Tout s’est déroulé exactement comme on nous l’expose. Et au final, le résultat est estomaquant à plus d’un titre.

Making-a-Murderer-Steven-Avery

Ironiquement, l’histoire de Steven Avery rappelle celle de Daniel Holden, de la série Rectify, où il est question d’un homme injustement accusé d’un crime et libéré de prison après une longue peine. Une comparaison à titre informatif car au fond, les deux séries n’ont pas grand chose à voir l’une avec l’autre pour la simple et bonne raison que Steven Avery existe bel et bien.
Jeté derrière les barreaux par des autorités pressées de trouver l’auteur d’un crime dont le vrai coupable ne fut identifié que bien plus tard, Avery est une victime du système dès son plus jeune âge. Américain moyen typique, gamin désœuvré, il est le coupable parfait. 18 ans après sa condamnation, il est néanmoins relâché, à la suite d’un test ADN. Pressé de commencer enfin sa vie d’adulte, Avery est alors loin de se douter que le pire l’attend au tournant. C’est ici que la série produite par Netflix débute…

Le chemin fut long pour que Making A Murderer ne finisse pas être diffusé. Personne ne voulait de cette série documentaire focalisée sur une affaire criminelle notoire. Aujourd’hui considérée à juste titre comme un modèle du genre, saluée par les critiques, le public et même Barack Obama, la série a également poussé de nombreuses voix à s’élever contre les autorités responsables du sort de Steven Avery.
C’est après avoir emmagasiné des centaines d’heures de rush, résultant d’un travail étalé sur 10 années, que Laura Ricciardi et Moira Demos ont commencé le montage pour arriver à réaliser une suite de 10 épisodes d’une heure, relatant l’affaire Avery. Un boulot remarquable car bien loin des classiques reportages criminels dont la télévision nous abreuve. Formellement, Making A Murderer embrasse en effet les codes des séries TV. Le générique est soigné, la musique également et la réalisation, aussi pertinente qu’inspirée, sans pour autant tomber dans l’esbroufe. Prenant le temps de poser le décors, de nous présenter les protagonistes, la série s’attache, bien sûr en priorité, à rendre lisible et compréhensible l’imbroglio juridique dont il s’agit. Et si à l’arrivée, tous les détails apparaissent avec une grande clarté, il s’avère également que tout ceci s’avère passionnant. Effrayant aussi, car l’autre grande force de Making A Murderer est de parvenir à rendre son propos, bien ancré dans le système américain, tout à fait tangible pour nous français.
La France où il serait d’ailleurs impossible de produire une telle chose. Du moins pas exactement, ne serait-ce qu’à cause de l’interdiction de filmer dans les tribunaux. Aux États-Unis, les caméras peuvent capturer les images des procès et Making A Murderer comprend d’ailleurs de longues séquences de plaidoiries. Le duel entre les avocats de la défense et ceux de l’accusation s’avère ainsi très impressionnant, distillant au fil des épisodes, une tension exponentielle, dont peu de fictions se sont approchées.
Véritable documentaire, implacable et minutieux, Making A Murderer sait aussi accrocher son auditoire. Là encore en usant de mécanismes propres aux meilleures séries, comme ces cliffhangers en fin d’épisodes, qui donnent irrémédiablement envie de continuer, et donc de se livrer au fameux binge-watching. Les 10 épisodes filent à la vitesse grand V, et si certains rares passages peuvent apparaître un peu lents, c’est tout simplement car les réalisatrices tiennent à ne pas aller trop vite. Leur application est parfaite en cela qu’elle rend justice à tous les aspects de l’affaire et s’attache à l’humain, sans tomber dans le voyeurisme et la complaisance envers la violence du crime que l’on reproche à Avery.

Autre grande force de Making A Murderer : laisser le spectateur se bâtir sa propre opinion. Cela dit, le cas Avery est tel, qu’il est difficile de ne pas se positionner de son côté, face à une machine impitoyable, pilotée par de sombres personnages habilités par la Justice. À vrai dire, tout ceci est vraiment hallucinant. Triste également, quand le sort s’acharne sur des gens dont la vie ne cesse de voler en éclat. Et on ne parle pas forcément ici de Steven Avery, dont on a tout à fait le droit de douter, mais de sa famille et plus globalement de toutes celles et ceux qui souffrent des dommages collatéraux d’une histoire aux nombreuses victimes.
En plus de raconter une incroyable chronique judiciaire, Making A Murderer relate aussi un pays. L’Amérique est au centre de la dynamique du documentaire. Celle d’en bas, sur laquelle on tape sans relâche au bénéfice de ceux nés sous une meilleure étoile. La casse-auto de la famille Avery, qui revient souvent tout au long des 10 épisodes, illustre relativement bien une grande partie des thématiques qu’entend illustrer Making A Murderer en filigrane. Avec une intelligence rare, Laura Ricciardi et Moira Demos nous livrent une œuvre unique, appelée à devenir le mètre-étalon d’un format que d’autres vont à coup sûr s’approprier dans les mois à venir. Sans aucune faute de goût, avec un engagement total, sans faire preuve de démagogie ou de cynisme, cette série-documentaire trouve le bon angle, le bon équilibre et plus généralement la bonne façon de faire pour aborder un sujet difficile auquel elle offre un écrin de choix.

@ Gilles Rolland

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  Crédits photos : Netflix


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