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La voix des femmes: le chagrin des vivants d'Anna Hope: un roman à dévorer.

Par Eirenamg

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Anna Hope a signé un roman sensible, documenté et prenant. Elle suit le destin de 3 femmes : Ada, Hettie, Evelyn et de leurs familles au cœur de 5 jours de novembre 1920 ( du 7 au 11 novembre). Le fil rouge est le rapatriement du corps du soldat inconnu à Londres.

Ada a perdu son fils Michael et elle n’arrive pas à admettre sa mort, elle semble l’apercevoir partout et elle s’est éloignée peu à peu de son mari Jack. Hettie, elle travaille dans un dancing le palais et rêve d’avoir son indépendance loin de sa mère et de son frère qui lui est revenu. Son frère qui erre comme un fantôme dans les rues. Elle espère que quelque chose d’excitant lui arrive. Evelyn est une jeune bourgeoise qui travaille auprès des pensionnés de guerre, elle a perdu son fiancé Fraser et ne s’en est pas remis. Elle est en colère contre cette guerre et le décorum qui entoure la cérémonie.

L’auteur nous parle aussi de la guerre, de la boucherie des tranchées, de la folie avec Michael, de la hiérarchie militaire avec Ed le frère d’Evelyn. De l’impact psychologique et physique sur les hommes. Elle décrit leurs blessures comme autour de Rowan Hind qui n’arrive pas à s’empêcher de trembler. Elle fait des allers retours entre l’espoir par exemple de Michael le fils d'Ada qui veut combattre puis l’abattement et la certitude de la mort, le défaitisme à partir de 1917.

Elle décrit la misère noire des quartiers de Londres et les ravages de la guerre, le désespoir pour ces milliers de femmes qui ont perdu, un frère, un père, un mari. Evelyn et son travail dans l’usine de munitions, la volonté de survivre d’Hettie qui cherche encore le prince charmant et qui veut oublier, vivre. Elle évoque la joie et la folie de la victoire en 1918. L'auteur nous plonge et nous fait vivre comme les protagonistes, la révolte, la peine, le travail de deuil qui s'opère au fil des jours.

Et ce chagrin des vivants qui donne son nom au roman qui parcours Londres et l’Angletterre,de l’arrivée du cercueil jusqu’à son repos au Cénotaphe à Londres. Ce soldat inconnu qui comme une catharsis libère les pleurs et les secrets, puisque chacun y voit un membre de sa famille. La culpabilité des survivants qui hésitent entre survivre ou vivre tous simplement.

J’ai aimé l’écriture simple, efficace et sutout documenté de l’auteur. Elle donne à voir une autre vision de la guerre du point de vue des civils, des femmes, des conséquences sur la société britannique. Un récit bouleversant qui au-delà des pleurs, de l’évènement parle aussi d’espoir, d’amour et de reconstruction. C'est un récit humaniste, maîtrisé et qui casse les conventions sur la guerre.

J’ai été bouleversé par le personnage d’Evelyn, sa solitude et sa volonté de comprendre, elle voit cette cérémonie comme une énorme farce. D’Ada qui n’arrive pas à oublier son enfant et qui doit faire son travail de deuil. D’Hettie qui comprend peu à peu avec sa rencontre avec Ed que non la guerre ne peut s’effacer et qu’il faudra vivre avec.

Un livre à lire car au-delà de l’aspect historique, une histoire humaine et bouleversante qui nous donne furieusement envie de vivre. Alors laissez vous bercer par le chagrin des vivants et la douce mélodie d’Anna Hope.

Autour du livre : résumé des réponses de l’auteur lors de la présentation du 25 janvier.

 J’ai eu l’occasion de rencontrer l’auteur, un bel échange qui éclaire et fait davantage aimer le livre, voilà quelques  phrases pour retranscrire le contexte de création de ce livre.

Anna Hope nous a expliqué que sa passion pour l’histoire lui avait été transmise par son père,  l’histoire de la 1ere guerre a fortement marqué la mémoire collective britannique. 1 millions de soldats sont morts et n’ont jamais été rapatriés en Angleterre. Elle a fait de nombreuses recherches pour ce livre, en étudiant des ouvrages historiques, mais aussi des romans écrits à l’époque par des femmes. Elle s’est déplacée dans la Somme et c’est à la vue de ces milliers de croix blanche qu’elle a réalisé l’importance d’une tombe et d’un corps pour pouvoir faire le deuil. Une fois rentrée en Angleterre, elle a visionné un documentaire sur la cérémonie en faveur du soldat inconnu en 1920 et a décidé de prendre cet angle pour son roman. Elle a choisi volontairement de faire parler les voix des femmes, de ces 3 femmes qui ne sont pas du même milieu social. Ces personnages lui sont apparus, avec leurs détails pour Evelyn, sa colère et le fait qui lui manque un doigt, le fait qu’Ada n’arrive pas à faire le deuil de son fils et qu’elle le voit comme un fantôme. D’ailleurs, elle a souligné qu’à l’époque 60% de la population signalait des apparitions de fantômes, signe de ce traumatisme. Hettie la plus jeune, c’était la danse et cette salle de bal du Palais qui l’a marqué. Elle a écrit rapidement son 1er jet mais a retravaillé son texte pendant 2 ans. L’ouvrage est paru en 2014 en Angleterre et a eu un beau succès. Ce qui l’a frappé dans cette période c’est que les femmes ont été mises à contribution et qu’elles ont pu obtenir le droit de vote. Mais elle voulait s’intéresser aux classes moyennes pas aux femmes de la haute société, elles voulaient mettre en scène des femmes ordinaires et la dimension universelle de ce deuil. Pour elle, ce moment de l’histoire est important pour les britanniques car il symbolise l’apogée de l’empire et de l’impérialisme. Elle a été contente de savoir que les lecteurs français ont aussi été sensibles au souffle, à la cohérence et à la virtuosité de son écriture.  Elle a aussi parlé de son investissement dans l’écriture, du fait qu’elle entendait plus que voyait ses personnages et qu’elle imaginait parfois des acteurs pour étoffer la scène.  Elle a aussi parlé de son 2e livre qui va sortir bientôt en Angletterre et de ses inspirations.

PS:J’ai vraiment apprécié cet échange qui ont renforcé mon admiration pour ce livre. D'habitude, j'ai un œil très critique sur les romans historiques donc  n’hésitez pas lisez le.

Merci à  Dominique de Lecteurs pour l’invitation et à Pierre de Babelio pour cette belle soirée et aux éditions Gallimard pour l’accueil.


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