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Elina Duni in concerto al Duco dei Lombardi

Publié le 31 janvier 2016 par Assurbanipal

Elina Duni Quartet

Paris. Le Duc des Lombards.

Lundi 25 janvier 2016. 21h30.

Elina Duni: chant

Colin Vallon: piano

Lukas Traxel: contrebasse

Norbert Pfammatter: batterie

Duo voix/batterie aux balais. Le mélange Jazz/Balkans est toujours aussi envoûtant. Le batteur tient le tempo sans faille. La contrebasse pulse comme une horloge. Logique pour un Suisse. Le piano habille le silence que cette musique impose. Cela s'anime avec le batteur aux baguettes. Tout se calme pour le retour de la voix. Un silence avant que nous n'osions applaudir.

Elina nous explique ses chansons. D'abord, une berceuse albanaise. Une jeune fille cherche un prétexte pour s'absenter et aller se promener avec son amoureux. Elle demande à une brebis de lui prêter son agneau à cet effet. Il semble que le stratagème fonctionne.

Une chanson albanaise d'une femme qui attend son futur époux. Je commence à connaître ces chansons mais n'étant pas albanophone, je ne retiens pas les titres. C'est un bain de fraîcheur à chaque écoute. Ca swingue gracieusement avec cette voix qui donne le frisson.

Quelques mots en albanais pour les compatriotes présents dans la salle. Chanson du Kosovo sur le fruit défendu. Dialogue entre elle et lui. Il veut la séduire, l'épouser même. Solo de contrebasse pour commencer. Morceau énergique, rythmé. Dialogue passionné. Sons orientaux produits par les cordes du piano. De ma place, je ne vois pas comment Colin Vallon trafique son instrument mais c'est réussi.

Une chanson du Sud de l'Albanie sur l'exil. Née en 1981 en Albanie, Elina Duni vit en Suisse depuis 1992. Une femme revient chez elle après un long séjour à l'étranger. Elle n'a pu voir sa mère avant qu'elle ne meure et elle pleure. Ce sera suivi d'une chanson sur un homme si amoureux de sa femme qu'il voudrait la manger.

Là, c'est la plainte. La contrebasse grince sous l'archet. Les tambours sont frottés par les balais. Le pianiste triture les cordes. Le vent de la montagne souffle, emportant les pleurs. C'est sombre et mystérieux à souhait puis cela devient chaud, passionné et énergique. C'est le chant de l'amant.

Une chanson composée dans les années 60 à Pristina, Kosovo. Pendant ce temps, je vois la caissière se débattre avec cinq mégères italiennes qui manifestement n'aiment pas la musique. A croire qu'elles veulent être remboursées. de la scène nous vient pourtant une musique magnifique, une chanson d'amour envoûtante. Un balancement balkanique hérité de l'Orient (400 ans d'occupation ottomane au Kosovo). Ce n'est pas un scat, plutôt une mélopée. Et pourtant, ça swingue.

Duo chant-batterie au baguettes. Percutant. A la caisse, le spectacle continue avec trois mégères italiennes qui continuent de jouer les Lady Thatcher avec la caissière. I want my money back! En l'absence de vigile à l'entrée, faudra t-il appeler Police Secours pour les évacuer? Par ailleurs, le duo batterie-chant est toujours aussi envoûtant.

" Dallendyshe " ( L'hirondelle). C'est le titre album. C'est une chanson d'Albanais qui ont fui le Pélopponèse en raison de l'invasion ottomane pour se rendre en Sicile ou en Calabre. Vous les trouverez aujourd'hui par exemple à Piana degli Albanesi en Sicile. Plus de 500 ans après leur arrivée, ces gens ont gardé leur langue (l'albanais) et leur culte (christianisme orthodoxe) tout en devenant Italiens. Cette chanson raconte leur fuite. Ils disent à l'hirondelle de saluer le pays natal pour eux. Les Italiennes continuent de protester pour se faire rembourser une musique qu'elles n'aiment pas alors qu'elles auraient pu l'écouter avant d'acheter leurs places. Une scène digne d'' Ettore Scola qui vient de nous quitter. Le genre d'hommage dont je me serai bien passé. Des caricatures de mamma italienne, parole d'italophone et italophile. Affreuses, sales et méchantes. Très belle chanson par ailleurs. Dialogue lent piano-voix ponctué par la contrebasse.

Les mégères italiennes sortent et reviennent. De la commedia dell'arte! Pendant ce temps, Elina Duni enchaîne sur un air rapide et joyeux.

Deux chansons de Tirana, capitale de l'Albanie, ville natale d'Elina Duni, pour finir. Deux chansons dédiées aux femmes car il faut laisser le dernier mot aux femmes. Des théologiens chrétiens facétieux pourraient faire remarquer que c'est la raison pour laquelle Dieu a créé la femme après l'homme, pour lui laisser le dernier mot. Je retrouve une chanson que j'aime, légère comme un papillon, entre voix et piano. Devant la caisse, deux mégères italiennes reviennent à la charge. Devant moi, deux vieux amoureux s'embrassent passionnément. Manifestement, à eux, la musique fait un effet positif. Les combattantes quittent le ring. Solo de batterie aux baguettes plutôt chantant.

Enchaînement sur le morceau suivant, joyeux et animé. Deux mégères italiennes reviennent à la charge. Entre la scène et la caisse, le spectacle est partout ce soir au Duc des Lombards. J'ai le privilège d'assister aux deux en même temps sachant qu'aucun des deux ne perturbe l'autre. Sur scène, ça chauffe plus joyeusement tout de même.

RAPPEL

Une chanson des années 20, d'Albanie centrale (Elbasan). Beauté triste mais pas déprimante.

Un concert inoubliable tant par la beauté de la musique que par le comportement inqualifiable de certaines spectatrices. Maleducate! Félicitations à l'hôtesse de caisse pour son calme et sa patience. Si une musique ne me plaît pas, je laisse en profiter ceux qui l'aiment et je m'éclipse discrètement. Une question demeure au terme de ce concert. Ces Italiennes irascibles étaient-elles des Lombardes?

Pour savoir si vous êtes de l'avis de ces Italiennes ou du mien concernant Elina Duni, voici le podcast de ce concert grâce à la radio TSFJazz, ravissantes lectrices, charmants lecteurs. .

La photographie d' Elina Duni est l'oeuvre de l'Indépassable Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.


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